Asbestos, une histoire minière et syndicale depuis plus de cent ans
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Cantons de l'Est
Origine
de l'exploitation minière

Naissance d'un village
Milieu en formation
(1907-1918)

Exploitation minière
et urbanisation
(1919-1929)

Dépression
des années 1930
Vie ouvrière,
syndicalisation et grève
Conclusion
Filons d'histoire
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Vie ouvrière, syndicalisation et grève – Page 4

Bien que cela ne soit pas dit explicitement par Étienne Demers, on voit que les dirigeants syndicaux n'ont plus peur de recourir à la menace de grève pour faire avancer leur cause. De plus, l'appui des membres est sans équivoque :

Les appuis de l'élite locale à la gérance de la Johns-Manville ne sont pas tous disparus. Clyde Shoemaker peut compter sur le support solide du pasteur de la paroisse Saint-Aimé, le curé Castonguay, qui se croit en mesure d'ébranler le mouvement en marche et se lance dans une campagne de dénigrement du syndicat.

Le nouveau bureau-chef de Canadian Johns-Manville
Le nouveau bureau-chef de Canadian Johns-Manville
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« Monsieur le Curé ayant à une assemblée des Francs tenanciers de la paroisse déclaré qu'au mois de décembre l'année passé les ouvriers aurait loué un truck enfin de le reconduire à l'Évêché. Proposé par Monsieur Hormidas Carignan, secondé par Monsieur Paul Poitevin qu'une protestation soit faite et envoyer à Monsieur le curé lui assurant que jamais les ouvriers n'avait fait de telles choses.236 »

Cette tentative de victimisation de la part du curé n'a sans doute pas eu les effets escomptés auprès des ouvriers et des dirigeants du syndicat. De son côté, Clyde Shoemaker n'entend pas changer de position et se croit assez puissant pour la défendre. De plus, l'audace de Shoemaker lors d'une entrevue des gérants des mines avec le ministre du travail pour en arriver à une solution, a de quoi offusquer les ouvriers.

« Aussitôt que l'entrevue fut finie, M. le député rencontra le ministre. Celui-ci déclara que les gérants semblaient vouloir coopérer avec le gouvernement et les ouvriers, exepté le nôtre, M. Shoemaker qui ne voulut en aucune façon se compromettre. M. Shoemaker a nié toutes les prétentions de la Fédération de l'amiante. C'est aussi à Asbestos où il se paye les plus petits salaires. M. Shoemaker serait heureux paraît-il si le comité de boutique était reformé avec des gens compétents car suivant lui, les membres qui faisaient parti de l'ancien comité n'étaient pas assez intelligents pour pouvoir discuter avec lui [...]237 »

Grèves et lock out à Asbestos
Les grèves sont des moments forts de l'affirmation ouvrière et chaque époque en offre des pratiques différentes. Dans la vie d'un travailleur, les conflits ouvriers représentent des expériences uniques faites d'intenses émotions et de solidarité de même que des conflits intergroupes peu communs. Il n'est donc pas surprenant que certains ouvriers affirment que leur vision du monde ait été bouleversée, après la participation à une grève238. Plusieurs facteurs peuvent modeler la conscience de classe; les conflits ouvriers sont de ceux-là.

Il est difficile de retracer les conflits ouvriers à Asbestos avant le premier mouvement de syndicalisation de 1919. Plusieurs facteurs permettent de croire qu'il y en aurait eu très peu. Les travailleurs de cette époque, étant majoritairement issus du milieu rural, n'éprouvaient pas le besoin de se regrouper pour améliorer leur condition de travail. La plupart des arrêts de travail éclatèrent spontanément. Étant mal organisés, ils furent souvent violents, voire même sauvages. Toutefois ils furent brefs, réprimés facilement à cause du manque d'encadrement : il n'y avait pas de syndicat239. La grève faisait peur, surtout chez les ecclésiastiques, gardiens de la cohésion sociale. Il n'est pas surprenant de constater que les premières mentions d'une grève à Asbestos le soient lors d'une mise en garde du pasteur :

« Demain Grand messe en l'honneur de Saint-Antoine pour obtenir de Dieu la cessation du fléau qui nous menace – la grève.240 »

Au tournant du siècle, dû à la poussée que connaît l'industrie de l'amiante, ce secteur va connaître ses premières manifestation de conflit ouvrier. Ces premières grèves, facilement réprimées par les patrons, se terminaient par le congédiement des participants241. Aucune organisation ouvrière ne s'opposait à la volonté des patrons qui n'avaient aucun scrupule à fermer les portes de l'entreprise sans en informer les ouvriers. Dans le cas du jeune village d'Asbestos, ce « lock-out » devenait vite dramatique :

« La compagnie a décidé de fermer ses portes à cause de la grève du Grand-Tronc. C'est elle qui donna pour ainsi dire le pain à tous les journaliers d'Asbestos, et comme la plupart d'entre eux n'ont pas de demeure fixe, ils ont résolu de quitter le village, si la compagnie n'ouvrait pas les portes de ses usines. Mais comme cette dernière a déclaré qu'elle ne les rouvrirait que si la grève du Grand-Tronc se réglait, il est à craindre que tous ne quittent Asbestos.242 »

En 1919, le premier mouvement de syndicalisation à Asbestos créa des attentes chez les ouvriers qui souhaitaient voir le jeune syndicat prendre tous les moyens pour faire connaître leurs griefs auprès de leur employeur. À cette époque, le recours à la grève ne fait pas partie de l'idéologie des syndicats catholiques. Malgré cela, la volonté d'affirmation des ouvriers va les amener à y recourir spontanément. Devant la lenteur du syndicat à faire reconnaitre leur revendication par le biais de la conciliation, les travailleurs n'hésitèrent pas.

Puit No 1 de la Canadian Johns-Manville
Puit No 1 de la CJM
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« Le 1 mai 1920, à une heure de l'après-midi, tous les ouvriers travaillant dans les puits (Pitts) se mirent en grève, ayant à leur tête un nommé John Pellerin célibataire et un nommé Joseph Adélard Pineault, marié, tous deux employés de la compagnie minière. La cause principale : augmentation de salaire et ensuite beaucoup de griefs dont les ouvriers avaient portés contre certains contre-maîtres. La grève dura cinq jours. Plusieurs assemblées furent prises en considération et le sort de l'ouvrier amélioré et, le lundi suivant, tout le monde était à l'ouvrage.243 »

N'ayant pas de convention collective signée avec le syndicat, la compagnie n'a aucun scrupule à trahir ses promesses. Les « fauteurs de troubles » sont toujours susceptibles de se faire congédier à tout moment.

Une des premières revendications des travailleurs catholiques de l'époque, en plus des salaires, est le respect des fêtes religieuses. Canadian Johns-Manville est par contre peu sensible à ce type de revendication. Forts de leur conviction religieuse, les ouvriers n'hésitent pas à cesser le travail afin de respecter les fêtes « d'obligation ».

« Le 6 janvier 1921, Fête de l'Épiphanie, quelques ouvriers seulement se rendent à l'ouvrage et le lendemain les chèques sont refusés à tous les Catholiques qui, la veille, jour de la dite fête d'obligation, ne s'étaient point rendus à l'ouvrage [...]244 »

Face à cet affront de ses travailleurs, la compagnie minière réplique avec force :

« Les ouvriers de la Compagnie Canadian Johns-Manville et la population d'Asbestos sont grandement indignés de l'acte de cette compagnie ce matin qui a congédié cent quatre-vingt-dix de ses employés parce que ces ouvriers catholiques ont refusé de travailler, hier, le Jour des Rois.245 »

La décision de la compagnie a réussi à avoir raison des ardeurs des ouvriers les plus militants.

« [...] Vers 10 heures, assemblées à la salle et plusieurs ouvriers sont nommés en délégation auprès de la Cie minière et à une heure de l'après-midi, tous les hommes retournent à l'ouvrage, ayant obtenu la suspension des travaux à quatre fêtes d'obligation, l'Immaculé-Conception, Noël, la Circoncision et l'Épiphanie.246 »

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236 ASNAA, Procès-verbal, 13 décembre 1936.
237 SAHRA, Cahiers des procès-verbaux des réunions de la Fédération, 19 avril 1936. Fondss Fédération de la métallurgie, P5; ASNAA. Procès-verbal, 20 décembre 1936.
238 Tom Langford. , « Strikes and Class Consciousness », Labour/Le Travail, Automne 1994, p. 107-137.
239 Jacques Rouillard, op cit., p. 31.
240 APSA, Cahier d'annonce et prône 1898-1901, 1898.
241 Marc Vallières, op cit., p. 130.
242 « Un lock-out à Asbestos », La Tribune, 1910, 2 août, p. 6.
243 APSA, Registre.
244 Loc cit.
245 « Nouvelle preuve d'intolérance », La Tribune, 7 janvier 1921, p. 1.
246 Loc cit.


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