Asbestos, une histoire minière et syndicale depuis plus de cent ans
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Vie ouvrière, syndicalisation et grève – Page 9

Le Syndicat National de l'Amiante d'Asbestos
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Signature de la convention entre le SNAA
et la CJM
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Au sortir de la grève de 1937, le Syndicat National de l'Amiante d'Asbestos reposait sur de bonnes assises. Il n'avait surtout plus à craindre les visées expansionnistes des syndicats internationaux297. La propagande de l'élite locale contribua à renforcer les convictions des syndiqués pour leur union catholique. La présence des aumôniers aux assemblées contribuait à maintenir le discours anti-international et anticommuniste :

« Monsieur l'aumônier tire les conclusions de l'assemblée. Ils demandent aux ouvriers d'avoir confiance en leur représentant au gouvernement de ne pas se fer aux journaux qui sont menteurs pour la plupart. Il critique le journal Demain "organe de l'Internationale", qui selon lui est un organe communiste. Monsieur Noël dit que les lois actuelles sont faites sur les encycliques et que la critique actuelle n'a pas raison d'être.298 »

De son côté, le curé Castonguay, sans doute influencé par son expérience des troubles de 1936-1937, se montrait plus sensible à la cause syndicale, se faisait plus présent aux assemblées et incitait fortement les ouvriers à y participer. Il n'hésitait plus à faire des annonces syndicales en chaire lors des messes299. Ce n'est qu'au lendemain de la guerre que le curé et, surtout, les aumôniers du syndicat cessèrent d'être les agents négociateurs et porte-parole du syndicat. Mieux formés et mieux supportés par la C.T.C.C., les officiers du syndicat local prirent le relais des aumôniers. Influencé par le mouvement de déconfessionnalisation amorcé à l'intérieur de la C.T.C.C., le syndicat local se montra plus ouvert à l'ensemble des ouvriers de la C.J.M.300 Durant cette période, des tentatives de rapprochement des travailleurs anglophones furent initiées par le syndicat301. De plus, en 1947, le Syndicat changea son nom en abandonnant l'épithète de « Catholique »302. De cette façon, le syndicat souhaitait être reconnu comme représentant de l'ensemble des employés de la C.J.M.303 Toutefois, on ne peut affirmer que, dans la tête du syndiqué canadien-français moyen, le syndicat a cessé d'être un syndicat catholique. La grève de 1949 révéla l'ascendance que l'aumônier du syndicat avait conservée auprès de l'ouvrier moyen. Les officiers de la C.T.C.C. furent à même de constater durant la grève que, dans le cas d'Asbestos, l'aumônier demeurait un rouage essentiel.

Au même titre que la Johns-Manville, la guerre fut pour le Syndicat l'occasion d'être plus présent dans la vie communautaire. L'un des moyens retenus fut la tenue de journées syndicales. Les premières fêtes avaient pour but de montrer le caractère catholique du syndicalisme à Asbestos et servaient à célébrer l'anniversaire des Encycliques Rerum novarum et Quadragesimo anno, qu'on appelait à l'époque la Charte des Travailleurs. Les fêtes syndicales étaient aussi des occasions de montrer à la population l'importance que prenait le syndicat dans la vie civique d'Asbestos. Elles étaient des moments où les autorités civiles témoignaient leur appui au syndicat local304, des occasions d'affirmation de la classe ouvrière auxquelles la population était invitée à participer :

Syndicat national de l'amiante
Syndicat national
de l'amiante
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« Dans toute la province, les ouvriers fêtent les encycliques et les citoyens d'Asbestos se doivent de faire les choses aussi bien et même mieux que les autres car ils ont la réputation d'avoir le syndicat le mieux organisé et le mieux dirigé de la province.305 »

Durant la guerre, ces rassemblements prirent la forme de journées d'étude auxquelles étaient conviés tous les syndicats et organismes coopératifs. Sans perdre leur caractère communautaire, faites de défilés, de soirées dramatiques et musicales, ces journées devinrent des occasions de solidarité entre les syndicats de l'amiante306. À la fin de la guerre, on ne parlait plus de fêtes d'Encyclique ou de journées sociales d'étude, mais bien de véritables journées syndicales qui visaient à regrouper les syndicats de l'amiante307.

En plus d'organiser ses propres célébrations, le Syndicat participait à toutes les festivités, procession de la Fête-Dieu ou défilé de la Saint-Jean-Baptiste, s'assurant de sa visibilité308. Sa contribution prenait diverses formes : dons aux activités de loisirs et aux oeuvres de jeunesse, dons à l'ouvroir Saint-Luc et autres oeuvres de charité, achats de costumes pour l'Harmonie d'Asbestos, soutien à des projets communautaires, etc.309 Les officiers syndicaux participèrent activement à la vie communautaire et plusieurs d'entre eux furent à l'origine ou ont supporté de quelconque façon le mouvement coopératif à Asbestos310.

Mieux structuré et comptant de plus en plus de membres, le Syndicat faisait sentir son poids à tous les échelons de la vie politique. Que ce soit pour faire changer une réglementation municipale ou pour une campagne électorale, on doit désormais compter avec le pouvoir politique ouvrier311. L'influence du Syndicat local se matérialisa aussi dans le mouvement syndical. En plus d'initier la création de syndicats dans son propre milieu, le Syndicat National de l'Amiante d'Asbestos assuma aussi le leadership de l'ensemble des syndicats dans l'amiante312.

À partir d'avril 1936, le Syndicat participa à la formation de la Fédération qui regrouperait les Syndicats de Thetford, East-Broughton et Asbestos. Initiée par les instances de la C.T.C.C., la création de la Fédération avait pour but d'apporter des actions concertées pour l'ensemble de l'industrie de l'amiante. La Fédération souhaitait en arriver à un contrat uniforme pour l'ensemble des syndicats. Bien que ceux-ci désiraient voir la Fédération les représenter auprès du gouvernement, ils ne voulaient surtout pas abandonner leur prérogative de négocier eux-mêmes leur contrat avec leurs employeurs respectifs. Durant plusieurs années, dans le cas des contrats de travail, la Fédération ne serait qu'un signataire :

« [...] que la Fédération Catholique des Employés de l'Amiante de la Province Inc. adopte le principe de signé le nouveau contrat au nom des Syndicats de l'Amiante qui lui sont affiliés dans les trois centres de l'amiante tout en laissant à chaque syndicat l'opportunité de déterminer leurs salaires et leurs conditions de travail.313 »

Mettant de côté ses intentions de négocier un contrat unique au cours des années 1940, la Fédération s'intéressa aux cas de maladies industrielles. Jusqu'au lendemain de la guerre, la Fédération s'activa à la reconnaissance de l'amiantose au titre de maladie industrielle dans la Loi des accidents de travail. Préoccupée par ce problème, la Fédération réclama une application plus juste de la loi. À partir de 1946, la Fédération revint à ses intentions d'avant guerre :

« Le président se dit convaincu qu'en 1947 il y aura moyen de présenter un front uni dans l'amiante, c'est-à-dire présenter une convention avec extension juridique.314 »

Les solidarités à l'intérieur de la Fédération n'étaient pas évidentes et des différends entre les syndicats surgissaient parfois. L'embauche d'un agent d'affaires pour la Fédération fut à l'origine d'une mésentente Asbestos-Thetford. En 1945, la Fédération embauchait son premier agent d'affaires, Émile Chassé, issu du syndicat d'Asbestos. On décida de localiser le bureau de l'agent d'affaires à Thetford Mines315. Peu de temps après, probablement en raison de certaines pressions des gens de Thetford, l'agent remit sa démission. Les membres d'Asbestos le prirent mal :

« M. Hamel rappelle qu'un homme d'Asbestos, dans la personne de M. Émile Chassé fut engagé et qu'il fut mal vu à Thetford Mines parce qu'il était étranger et il dit que si un homme de Thetford Mines avait été engagé, cela aurait été la même chose à Asbestos.316 »

Lorsque la question de l'embauche d'un nouvel agent refit surface, la délégation d'Asbestos s'affirma :

M. Rodolphe Hamel
M. Rodolphe Hamel
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« M. Hamel continue en disant que le Syndicat d'Asbestos, après y avoir songé sérieusement aimerait mieux engager un homme pour eux-mêmes parce qu'il croit qu'il aurait meilleur service en ayant un agent d'affaires dans chaque centre, Asbestos et Thetford Mines. [...] Une discussion assez vive s'engagea entre les représentants du Syndicat d'Asbestos et ceux de Thetford sur la coopération et l'entente qui doit exister entre les deux centres au sein de la Fédération. À la fin de la discussion tous furent d'accord pour dire qu'il y a eu manque de coopération et tout se termina dans l'harmonie la plus complète.317 »

L'entrée en scène de Rodolphe Hamel à titre de président de la Fédération en 1947 vint aplanir les différends entre les syndicats de l'amiante. Le nouveau président s'affaira à donner l'unité au mouvement syndical et à faire avancer les revendications ouvrières. Les ouvriers de l'amiante étaient maintenant prêts à faire front commun dans ce qui se révélerait être le conflit ouvrier le plus long et le plus déchirant de l'histoire d'Asbestos.

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297 ASNAA. Procès-verbaux des assemblées du SNAA, 18 février 1940.
298 ASNAA. Procès-verbaux des assemblées du SNAA, 27 mars 1938.
299 ASNAA. Procès-verbaux des assemblées du SNAA, 1 mai 1938.
300 Jacques Rouillard, op cit. p. 221-222.
301 ASNAA. Procès-verbaux des assemblées du SNAA, 14 janvier 1945; ASNAA. Procès-verbaux des assemblées du SNAA, 4 février 1945; ASNAA. Procès-verbaux des assemblées du SNAA, 13 mai 1945.
302 ASNAA. Procès-verbaux des assemblées du SNAA, 10 août 1947.
303 ASNAA. Procès-verbaux des assemblées du SNAA, 12 août 1947.
304 « Chronique syndicale » « Appuyons-nous sur les Encycliques comme sur un roc », L'Asbestos, 29 mai 1941, p. 1.
305 « Grande manifestation dimanche prochain. Nos syndicats fêteront l'anniversaire de Rerum Novarum et Quadragesimo anno. – Trois conférenciers étrangers. – Séance dramatique. », L'Asbestos, Mercredi 21 mai 1941, p. 1.
306 ASNAA. Procès-verbaux des assemblées du SNAA, septembre 1944; « Journée sociale réussie à Asbestos dimanche dernier », 26 juin 1942, p. 1 et 5.
307 ASNAA. Procès-verbaux des assemblées du SNAA, 7 août 1945.
308 ASNAA. Procès-verbaux des assemblées du SNAA, 9 mai 1937; ASNAA. Procès-verbaux des assemblées du SNAA, 17 juin 1945.
309 ASNAA. Procès-verbaux des assemblées du SNAA, 11 mai 1937; ASNAA. Procès-verbaux des assemblées du SNAA, 5 septembre 1937; ASNAA. Procès-verbaux des assemblées du SNAA, 2 novembre 1941; ASNAA. Procès-verbaux des assemblées du SANA, 4 juin 1944; ASANA. Procès-verbaux des assemblées du SANA, 11 mai 1947; ASANA. Procès-verbaux des assemblées du SANA, 1 juin 1947; « L'harmonie a reçu deux costumes du Syndicat local », L'Asbestos, 21 mai 1948, p. 1.
310 ASNAA. Procès-verbaux des assemblées du SNAA, 2 avril 1944; ASNAA. Procès-verbaux des assemblées du SNAA, 7 mars 1948.
311 « Choisissons le meilleur homme votons pour Albert Goudreau ». L'Asbestos. 23 juillet 1948, p.8; « Message de M. Albert Paquette aux électeurs du comté de Richmond », L'Asbestos, 23 juillet 1948, p.5; « Triomphe sans précédent pour M.Goudreau », L'Asbestos, 30 juillet 1948, p. 1.
312 Gazette officielle du Québec. Québec, 29 mai 1948, Tome 80, NO 22, p.1595; Gazette officielle du Québec, Québec, 17 juillet 1948, Tome 80, no 29, p. 2045.
313 SAHRA. Fondss de la Fédération de la Métallurgie P5, Cahiers des procès-verbaux des réunions de la Fédération Nationale des Employés de l'Industrie Minière, p. 24.
314 SAHRA. Fondss de la Fédération de la Métallurgie P5, Cahiers des procès-verbaux des réunions de la Fédération Nationale des Employés de l'Industrie Minière, 27 juillet 1946, p. 146.
315 SAHRA. Fondss de la Fédération de la Métallurgie P5, Cahiers des procès-verbaux des réunions de la Fédération Nationale des Employés de l'Industrie Minière, 29 juillet 1945, p. 124-125.
316 SAHRA. Fondss de la Fédération de la Métallurgie P5, Cahiers des procès-verbaux des réunions de la Fédération Nationale des Employés de l'Industrie Minière, 27 juillet 1946, p. 146.
317 SAHRA. Fondss de la Fédération de la Métallurgie P5, Cahiers des procès-verbaux des réunions de la Fédération Nationale des Employés de l'Industrie Minière, 17 septembre 1946, p. 165-166.


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