Asbestos, une histoire minière et syndicale depuis plus de cent ans
Asbestos, une histoire minière et syndicale depuis plus de cent ans
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et urbanisation
(1919-1929)

Dépression
des années 1930
Vie ouvrière,
syndicalisation et grève
Conclusion
Filons d'histoire
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Vie ouvrière, syndicalisation et grève – Page 5

Casseurs à l'oeuvre
Casseurs à l'oeuvre
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Bien que dans le règlement de ce conflit, la compagnie semble avoir fait des concessions en promettant d'accorder les congés de fêtes d'obligation, elle entend rapidement tuer dans l'oeuf tout mouvement d'affirmation. Ainsi, l'attitude de la compagnie durant le mois suivant fit perdre les illusions qu'entretenaient les ouvriers sur la bonne volonté et la conscience sociale de l'employeur.

« Au mois de février 1921, la Cie suspend plusieurs hommes et les autres travaillants ne font que 7 heures d'ouvrage par jour, durant trois semaines [...] Au mois d'avril, le travail est de neuf heures par jour et le salaire est baissé d'une piastre par jour, et réduit par conséquent à 3 $ par jour. Au mois de juillet, le travail est de dix heures par jour; les ouvriers subissent une baisse dans leur salaire de 50 cents par jour et 135 hommes sont suspendus (renvoyés) de leur ouvrage.247 »

Bien que la situation semble s'améliorer avec la reprise de l'embauche au début de l'automne 1921, il apparaît que l'attitude de la compagnie au cours des derniers mois réussit à faire perdre toute crédibilité du syndicat auprès des travailleurs. De plus, elle a probablement permis de briser pour quelques années le mouvement d'affirmation ouvrière qui semblait émerger248.

Comme nous l'avons vu précédemment, le renouveau du mouvement syndical à Asbestos en 1936 réveilla la classe ouvrière. Pour la première fois, le syndicat souhaitait obtenir un véritable contrat de travail. Face aux négociations qui échouaient et surtout à l'intransigeance du gérant Clyde Shoemaker, les ouvriers ne craignaient plus l'affrontrement. Ainsi, la grève éclate spontanément dans la nuit du 23 janvier 1937249.

« Une grève générale s'est déclarée aux premières heures de la journée aux usines de la Canadian Johns-Manville affectant 1 200 employés, soit un fort pourcentage de la population si l'on tient compte des familles et dépendants de ces ouvriers. La grève a pris la population par surprise, car rien n'annonçait un dénouement aussi brusque depuis que les membres des unions ouvrières cherchaient à obtenir le salaire minimum de 33 sous et demi de l'heure pour les moins expérimentés. Aux premières heures de la journée aujourd'hui, les employés de la manufacture entouraient les usines et un fort groupe de grévistes procédaient au piquetage aux porte de l'usine, empêchèrent leurs confrères de pénétrer à l'intérieur. Tout est demeuré paisible autour de l'usine. On croit généralement que la grève a commencé vers une heure cette nuit pour progresser graduellement et atteindre son point culminant ce matin lorsque les équipes de jour sont arrivées.250 »

La méfiance entretenue par les ouvriers envers le gérant Shoemaker n'est pas étrangère au déclenchement du conflit :

« Tard cet avant-midi, nous apprenons que c'est le retard de M. Shoemaker, gérant de la compagnie à Asbestos qui a provoqué le malaise qui a dégénéré en grève la nuit dernière aux usines de la Canadien Johns-Manville. Parti il y a quelques jours pour New-York où il devait plaider la cause des employés, M. Shoemaker avait promis d'être à Asbestos hier soir, mais n'est pas encore revenu. Ce retard a fait naître un malaise au sein des ouvriers, malaise qui a dégénéré en grève sur les instances d'un groupe de non syndiqués apprenons-nous.251 »

De son côté, le curé Castonguay identifia les suspects derrière le déclenchement de la grève : serait-ce le tandem Roy-Goudreau?

« La nuit du 22 au 23 janvier 1937, un samedi, une grève générale éclate soudainement à Asbestos, parmi les travaillants. C'est le travail de trois intrigants, hommes assez haut placés dans la localité, qui, par leurs conseils, ont encouragé une dizaine de mécontents à faire ainsi tout à déclencher à l'insu des officiers du Syndicat Catholiques.252 »

Employés de la CJM
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Bien que préparés, les dirigeants syndicaux sont néanmoins surpris de la rapidité avec laquelle l'affrontement a éclaté. Toutefois, le syndicat entend bien assumer la direction du mouvement de grève253. Les dirigeants syndicaux souhaitent avoir l'appui ferme des grévistes et l'annoncent lors d'une assemblée regroupant les travailleurs à l'hôtel de Ville :

« Le but de l'assemblée est d'avoir de façon officielle la réponse des grévistes sur les questions suivantes : 1- À savoir si les officiers du syndicat seront autorisé à agir comme intermédiaire entre les patrons et les ouvriers. 2- Si la reprise du travail aura lieu lundi matin si nous n'avons pas de réponse de New-York [...] Il est proposé [...] que les officiers du Syndicat National Catholique de l'Amiante soient reconnus comme intermédiaires entre les ouvriers et la compagnie Canadian Johns-Manville [...] Il est proposé [...] que personne ne reprenne l'ouvrage avant que les demandes faites dans le projet du contrat soient réglées et signées par la compagnie [...] Le vote secret fut proposé à l'assemblée qui le refusa de façon assez belliqueuse en disant qu'il n'était pas besoin de papier pour exprimer leurs opinions sur cette question alors il fut impossible de suivre la procédure légale.254 »

En ce qui a trait au cas de Shoemaker, les grévistes se montrent intransigeants, prévenant les officiers du Syndicat en charge des négociations :

« Il fut aussi proposé [...] que le Comité d'entente (officier du Syndicat) fasse pression pour que M. Sherry soit nommé remplaçant de M. Shoemaker que les ouvriers préfèrent ne plus revoir à Asbestos, ayant perdu leur confiance en cet homme [...]255 »

Le conflit d'Asbestos a tôt fait d'inquiéter les hauts dirigeants de la compagnie à New-York ainsi que le ministre du travail à Québec256. Ce dernier souhaitait voir les ouvriers retourner au travail, leur promettant un règlement rapide du conflit. Les grévistes refusèrent l'invitation et décidèrent d'attendre la venue d'un représentant de la compagnie. Les offres de médiation du ministère du travail ont l'heur de déplaire aux grévistes qui tenaient à négocier sans intermédiaire, d'égal à égal avec la maison-mère américaine.

« D'Asbestos ce midi, nous apprenons que dans le cours de la soirée d'hier, M. Gérard Tremblay, sous-ministre du travail, a téléphoné aux officiers des Syndicats Catholiques à Asbestos, leur disant que M. Williams était à Montréal et qu'il se rendrait à Québec si les ouvriers voulaient envoyer des représentants au ministère du Travail à Québec pour régler le différend. C'était la deuxième fois que cette proposition était faite aux ouvriers de se rendre à Québec, mais une deuxième fois, ils ont refusé en disant qu'ils voulaient que le différend soit réglé à Asbestos même, "chez-eux".257 »

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247 APSA, Registre.
248 Loc cit.
249 Jacques Rouillard, op cit. , p. 190.
250 « 1200 employés déclarent la grève à la Johns-Manville Co à Asbestos, ce matin », La Tribune, 23 janvier 1937, p. 2.
251 Loc cit.
252 APSA, Registre.
253 ASNAA, Assemblée spéciale du SNCAA, 23 janvier 1937.
254 Loc cit.
255 Loc cit.
256 « No settlement of mine strike in view today », Sherbrooke Daily Record, January 26, 1937, p. 5.
257 « Les grévistes veulent que les négociations se poursuivent à Asbestos », La Tribune, 26 janvier 1937, p. 2.


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