DU BUREAU D’Alain Pineau : de ceci et de cela…
Bulletin de la CCA 33/11
1 décembre 2011
Eh bien, cette semaine aura été un peu différente des autres! J’ai pu pour un temps laisser ma préoccupation principale des derniers mois – la réinvention de la CCA sur une base financière autonome (j’y reviens à la fin de ce bulletin!) — et, sorti du bureau, j’ai pu participer à d’autres forums sur des enjeux tout aussi importants.
Cela a commencé lundi matin par une séance d’une demi-journée sur l’importance et les défis des diffuseurs publics, événement organisé par la Société Radio — Canada dans le cadre de la rencontre annuelle de la section canadienne de l’Institut international sur les communications qui se tenait à Ottawa. S’il y a un sujet qui fait couler beaucoup d’encre et de salive dans le secteur culturel et dans les cercles politiques ces temps-ci, c’est bien celui de Radio-Canada. Il y a le dossier de l’accès à l’information qui a causé bien des remous et où, il faut bien le dire, Radio-Canada a perdu des plumes dans plusieurs milieux, y compris lors du panel At Issue diffusé sur les ondes de sa télévision anglaise. Il y a aussi les rumeurs de réductions de budget à la Société qui ont pris de l’ampleur, surtout dans le cadre des attaques sans précédent montées par certains députés gouvernementaux avec l’appui soutenu de Québécor Média. Il était donc très intéressant d’entendre le PDG de Radio-Canada, Hubert Lacroix, présenter un plaidoyer bien senti et appuyé de faits en faveur du radiodiffuseur public national. De sa vigoureuse allocution, je retiens trois constats principaux :
- Les propositions les plus radicales sur ce que l’on devrait faire de CBC/Radio-Canada ne reposent pas sur des faits ou des chiffres et se traduiraient par une réduction considérable du contenu canadien, dont les impacts se feraient ressentir sur l’ensemble de l’écologie de la production télévisuelle au pays;
- le secteur privé de la radiodiffusion profite lui aussi à un haut niveau des deniers publics d’une façon ou d’une autre, un appui que Lacroix estime à plus de 900 millions de dollars par année;
- si on veut avoir un système de radiodiffusion canadien, nous n’avons pas d’autre choix que d’en appuyer les composantes privées et publiques financièrement ainsi que par une réglementation appropriée.
La conférence m’a également donné le privilège plus douteux d’entendre Ezra Levant, le critique exalté de Sun TV, établir un lien d’équivalence entre les subventions reçues par Radio-Canada au cours de ses 75 ans d’existence et la dette nationale! (Au nom de la transparence, il me faut avouer que j’ai travaillé pendant 34 ans pour notre diffuseur national et que, comme sa journaliste Carol Orff qui faisait partie du même panel que M. Levant, je comprends très bien la notion de service public qui semble si mystérieuse à ce dernier).
Le Sommet canadien des organismes sans but lucratif (OSBL)
Mardi et mercredi, j’ai participé au Sommet organisé par Imagine Canada qui réunissait à Ottawa plus de 500 participants de tous les coins du pays et de tous les champs d’intervention. Ce sommet est le résultat de plus de deux ans de travail et de consultations à travers le Canada. Il avait pour but de mobiliser le secteur et de tracer des pistes pour son repositionnement dans un environnement canadien en évolution. Séance de travail avant tout, la rencontre était émaillée de discours fort intéressants, dont celui en ouverture par le Gouverneur Général, le très honorable David Johnston. Également remarquées, la présentation du chercheur et commentateur social réputé au Canada anglais, Allan Gregg et l’intervention du nouveau maire de Calgary, Naheed Nenshi dont l’approche rafraîchissante a ravi l’ensemble des délégués.
J’ai été particulièrement impressionné par la mise en contexte du Sommet présentée par Marcel Lauzière, pdg d’Imagine Canada : la concordance de ses propos avec la situation qui confronte actuellement le secteur des arts et de la culture était frappante à mes yeux! Autre fait à souligner, la place accordée par Imagine Canada à la dimension arts et culture. Le poète Nathanaël Larochette a donné le coup d’envoi à l’événement avec un poème dans les deux langues officielles accueilli avec étonnement et enthousiasme par la salle (il a clos le Sommet avec un autre poème!). Et il y a eu bien sûr la prestation captivante d’Emmanuelle Hébert, co-fondatrice de MU, organisme à but non lucratif de Montréal dont la mission est de promouvoir et soutenir l’art public par le biais d’un projet à caractère artistique et social, soit la réalisation de murales ancrées dans la communauté locale Cette présentation sur l’engagement des collectivités et des citoyens par le biais de l’art a bien campé la place importante et souvent ignorée qu’occupent les organismes artistiques au sein de la communauté des OSBL, où ils sont peu présents malgré que la plupart aient le statut d’œuvres de bienfaisance. Il y aurait des pistes à explorer de ce côté…
Rapport annuel de Téléfilm Canada
Le 23 novembre dernier, Téléfilm Canada présentait dans son rapport annuel les critères de réussite pour les films canadiens, ce qui marque un tournant important à mon avis dans la façon d’évaluer la portée de nos investissements publics dans ce crucial secteur d’activité culturelle. Le critère commercial des recettes-guichet et des ventes brutes constituera désormais 60% du calcul, alors que le nombre de sélections aux festivals internationaux et les prix compteront pour 30%. Enfin, le rapport industriel que constitue le ratio de financement privé par rapport au financement public comptera pour 10%.
J’ai toujours trouvé très réducteur et injuste le seul critère des recettes au guichet. Nous produisons d’excellents films qui n’attirent pas nécessairement de grands publics – en partie parce que nous ne contrôlons pas nos réseaux de distribution et n’avons pas, au Canada anglais en particulier, un star système et des budgets de promotion adéquats. Nos réalisateurs font pourtant le bonheur des festivaliers du monde entier et contribuent à la réputation du Canada comme nation créative. À cet égard, Téléfilm entend mettre encore davantage l’accent sur la promotion. Je ne peux donc que féliciter Téléfilm d’ajuster ainsi le tir!
Quelques statistiques intéressantes tirées du rapport de Téléfilm :
- 53 des 92 films canadiens lancés en 2010 ont été financés par Téléfilm Canada;
- les films canadiens ont obtenu 127 prix l’année dernière;
- The Imaginarium of Doctor Parnassus et Bon Cop Bad Cop ont été les films canadiens les plus achetés sur DVD
Un mot sur la propriété intellectuelle (eh oui!)
On ne vous a pas souvent donné des nouvelles de l’Organisation Mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI). Mais voilà que des traités sur le droit d’auteur en négociations depuis de nombreuses années sont entrés dans une phase cruciale. L’OMPI examine présentement deux questions très importantes pour le secteur culturel canadien : la protection des interprétations et exécutions audiovisuelles et la protection des organismes de radiodiffusion. Les réunions de cette semaine à Genève visent à préparer un prochain sommet en vue du traité de l’audiovisuel. En 2000, les discussions sur un traité qui renforcerait les droits des artistes interprètes ou exécutants avaient connu une avancée significative, avec un accord provisoire sur 19 des 20 articles négociés : seule question irrésolue, le traité relatif aux droits des artistes interprètes ou exécutants devrait-il ou non régir la cession des droits. Ce grain dans l’engrenage avait mené à la suspension de la conférence diplomatique. En juin 2011, les États membres sont convenus d’un texte de compromis ouvrant ainsi la voie à la conclusion d’un traité. La conférence diplomatique sera convoquée en 2012. Les membres artistes interprètes membres de la CCA attendent ce moment depuis très longtemps!
Et pour finir, où en est la CCA?
Je tiens à remercier la quarantaine de membres qui ont participé à nos sessions de consultation à Montréal et à Toronto en novembre. Le processus de validation des hypothèses qui doivent mener à un nouveau modèle d’affaires pour la CCA progresse bien. Une autre session de consultation aura lieu le 7 décembre à Ottawa. Puis, après un congé des fêtes qui, je l’avoue, sera fort bienvenu, je prendrai la route en janvier pour faire une tournée du pays qui me mènera dans 13 villes avant la fin de février. Nous publierons le calendrier de ma visite dans votre communauté la semaine prochaine. Marquez la date dans votre agenda : votre opinion et vos intérêts particuliers sont cruciaux pour l’élaboration de notre plan d’action.