Moncton et Charlottetown
La journée de mercredi dernier à Moncton a été aussi occupée que je l’annonçais dans mon blogue précédent! Trois présentations d’affilée dans la salle du conseil de ville (décidément un lieu de réunion populaire au Nouveau-Brunswick). Cela a commencé à 10h avec une séance de consultation en français, ma première depuis celle de Saint-Boniface. Plus de trente personnes, attentives à mes propos et étonnamment réservées lors de la période de discussion qui suit ma présentation. Que sont les Acadiens devenus, que j’ai connus si volubiles? La conversation finit par lever et il est beaucoup question du prochain budget : à quoi s’attendre? Les compressions seront-elles aussi graves qu’on peut le craindre? Je répète ce que j’ai dit partout ailleurs : il est très difficile de prédire car le secret le plus total pèse sur Ottawa, au point où même les rumeurs sont rares! On s’attend cependant à ce que cela fasse mal et il semble que la plupart des agences de Patrimoine s’attendent à être frappées de 10% sinon plus dans certains cas. Je m’aventure à suggérer que le Conseil des arts pourrait s’en tirer avec 5%, mais cela n’est qu’une opinion. Dans un autre ordre d’idées, on me demande si une CCA indépendante serait écoutée du gouvernement. Je prétends que oui, sans doute plus qu’une CCA subventionnée à 75%! Si nous réussissons à asseoir l’indépendance de la CCA sur un membrariat organisationnel et individuel beaucoup plus vaste qu’actuellement, l’organisation ne peut que gagner en crédibilité auprès des élus. Mais notre message n’aura d’impact que dans la mesure où ceux-ci entendront dire directement de leurs commettants que la culture est cruciale à la vitalité de nos communautés et à la formation des nouvelles générations de citoyens. Cela nous amène à parler des outils dont chacun a besoin pour faire de telles représentations auprès de son ou de sa députée et du rôle que la CCA peut jouer à ce chapitre. En terminant, je lance un appel à tous et toutes de nous aider à répandre le message de la CCA si on veut vraiment qu’elle devienne un mouvement de masse qui puisse influencer les décisions.
Suit une courte présentation sur la consultation de l’Agence du revenu du Canada sur ses lignes directrices pour les organismes artistiques désirant obtenir le statut d’œuvres de bienfaisance aux termes de la Loi sur l’impôt sur le revenu. Je rassure les participants : il ne s’agit pas d’une attaque en règle contre le secteur culturel, les lignes directrices ne changent rien à la loi, la réglementation ou la jurisprudence en la matière. Pour autant qu’ils respectent les conditions générales, les organismes déjà reconnus n’ont pas de raisons de s’inquiéter des nouvelles lignes directrices. Mais il y a des raisons de s’inquiéter que cette codification rende plus difficile l’obtention du statut d’œuvre de bienfaisance pour les nouveaux organismes représentant de nouvelles pratiques artistiques issues, par exemple, de l’évolution technologique. Cette préoccupation est d’ailleurs au cœur du mémoire que la CCA a présenté la semaine dernière à Revenu Canada.
À peine le temps de manger le sandwich que m’a gentiment apporté Jean-Pierre Caissie de l’A.A.A.P.N.B, co-hôte avec la ville de Moncton de notre consultation, et voilà que l’on procède à la session en anglais. Je suis agréablement surpris du nombre de participants : plus de trente personnes! Cette fois, l’échange qui suit ma présentation est des plus animés. Je réponds à un grand nombre de questions de l’auditoire, particulièrement à savoir si on prévoit accorder une voix aux régions dans l’établissement des priorités de la nouvelle CCA. Je confirme que c’est bien notre intention et que nous encourageons la création d’instances provinciales ou territoriales avec un mandat semblable au nôtre. Cela doit se faire dans le respect des particularités de chaque province ou région et ne saurait être un modèle parachuté par nous. On discute également du nom possible de la nouvelle entité, la plupart considérant que « conférence » reflète mal la nature ou le mandat de l’organisation, le mot « arts » étant par ailleurs trop restrictif. Quelques suggestions : Culture Canada, le Conseil des Canadiens pour la culture, Alliance canadienne pour la culture … La session terminée, plusieurs viennent m’exprimer leur appréciation et s’ils donnent suite aux intentions exprimées, nous avons gagné quelques membres ici aujourd’hui.
Mon fidèle chauffeur Tim vient me chercher à l’hôtel et nous prenons immédiatement la route pour Charlottetown. Arrêt d’une heure à Shediac pour souper : débordante assiette de délicieux éperlans frits accompagnés d’une salade césar et arrosés d’une bière locale. Puis on reprend la route : au-dessus de l’horizon, une pleine lune orange immense nous indique le chemin de l’Île-du-Prince-Édouard et c’est vers 21h30 que nous arrivons enfin à Charlottetown. La journée a été pleine et réussie, mais avant de plonger dans un sommeil réparateur, il faut encore passer du temps à répondre aux courriels qui se sont accumulés dans la journée et donner le suivi promis aux groupes rencontrés plus tôt cette semaine à Fredericton et Saint-John!
Jeudi matin et je me rends compte en descendant déjeuner que la fièvre s’est emparée de Charlottetown… eh non, ce n’est pas pour moi ou pour la CCA! C’est pour la grande messe nationale qui va célébrer tout le weekend notre sport national, le hockey! J’aperçois dans le lobby Peter Mansbridge qui présentera ce soir et demain une édition spéciale du National. Don Cherry n’est pas là, mais la coupe Stanley, qui a fait le tour de l’île, sera dans un sanctuaire adjacent au lobby de l’hôtel. Mais le devoir avant tout! En avant-midi, rencontre avec le président du Conseil des arts de l’I.P.É., Greg Doran, et son directeur général Darrin White. Au sortir de notre conversation, Darrin avoue qu’il s’attendait à un message de détresse de ma part et qu’il est très impressionné de voir le dynamisme positif avec lequel la CCA fait face au défi de se réinventer sans l’appui financier annuel du gouvernement fédéral. Je m’empresse de lui citer, comme je le fais à chaque rencontre, cet admirable proverbe chinois qui dit : ne jamais laisser passer l’occasion d’une crise!
En après-midi, sympathique rencontre avec Ron Atkinson, agent au développement touristique pour la ville de Charlottetown, laquelle n’a pas à proprement parler de politique culturelle ou de responsable pour le secteur. Il est vrai qu’ici, culture et tourisme riment depuis des décennies avec Anne aux pignons verts, mais il y a pourtant plus en termes d’activités culturelles à l’I.P.É. que la fameuse jeune fille aux tresses rousses créée par Lucy Maud Montgomery.
La séance de consultation publique commence à cinq heures dans une grande salle adjacente à la maison Beaconsfield, pur joyau de l’architecture domestique victorienne transformé en musée qui illustre de façon admirable une résidence cossue de la fin du XIXème siècle. Agréable surprise : 25 personnes ont accepté l’invitation lancée par Culture P.E.I. et P.E.I. Heritage qui m’accueillent ici. Ma présentation est accueillie avec intérêt, voire même, avec enthousiasme. Visiblement, l’appel à l’action commune et à une plus grande solidarité a des résonnances ici comme partout ailleurs. Un échange nourri occupe la seconde partie de la réunion et le tout se termine encore une fois avec des engagements à devenir membre, ce que je ne manquerai pas de rappeler dans mon courriel de suivi!
Ma courte visite à Charlottetown se termine vendredi matin au petit déjeuner par une des discussions les plus animées et les plus stimulantes que j’aie eue depuis longtemps sur la CCA, son rôle et son avenir. On m’avait prévenu que Harry Holman, Directeur culture et bibliothèques pour le gouvernement provincial, me mettrait au défi d’expliquer la raison d’être et de continuer d’être de notre organisation, et on ne m’avait pas menti. Ce fonctionnaire de longue date a fait ses devoirs avant de me rencontrer, il a visité notre site internet et lu mes blogues et il utilise une dialectique serrée. Parmi plusieurs de ces commentaires, celui-ci : nous avons abusé de l’argument économique au détriment des arguments sociaux, malheureusement plus difficiles à communiquer aux élus. Contre toute attente, notre discussion aurait sans doute duré plus de l’heure et demie qu’il m’a accordée, si je n’avais pas dû y mettre fin pour aller donner une entrevue téléphonique à CBC St. John’s en prévision de ma visite de la semaine prochaine. Il faut croire que je ne me suis pas trop mal tiré de l’épreuve car M. Holman me laisse entrevoir la possibilité que le ministère puisse se joindre aux sept juridictions provinciales et territoriales qui nous appuient déjà comme membres associés de la CCA! C’est donc le cœur léger et sous un soleil radieux que je quitte pour un court séjour de 48 heures à la maison avant de reprendre le bâton du pèlerin dimanche après-midi pour la dernière étape de cette tournée pancanadienne : Québec, Halifax et St. John’s!
–Alain