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Les arts, la culture et une stratégie numérique nationale

Bul­letin de la CCA 18/10

12 juil­let 2010

 


Les faits en résumé

Dans un mémoire déposé dans le cadre de la con­sul­ta­tion nationale lancée en mai dernier, la Con­férence cana­di­enne des arts (CCA) presse le gou­verne­ment de faire de la créa­tion de con­tenu une des com­posante cen­trales de toute stratégie nationale pour une économie numérique. La con­sul­ta­tion, qui devait se ter­miner le 9 juil­let, a été pro­longée de quelques jours jusqu’au mardi 13 juil­let à minuit.

L’approche de la CCA découle de sa con­vic­tion pro­fonde que don­ner accès au plus grand nom­bre de Cana­di­ens à des infra­struc­tures, des câbles et du sans-fil ne suf­fira pas pour créer une économie numérique robuste et encore moins pour assurer au Canada une société numérique floris­sante, si on ne se préoc­cupe pas au moins autant des créa­teurs de con­tenu dans l’élaboration d’une stratégie nationale. L’économie numérique cana­di­enne dépend d’abord et avant tout de l’expertise de ses créa­teurs. Toute stratégie nationale se doit d’encourager cette créa­tion par tous les moyens à la dis­po­si­tion du gou­verne­ment, qu’il s’agisse de régle­men­ta­tion, d’investissements dans la for­ma­tion per­ma­nente et d’accès assuré aux pro­duits cana­di­ens à toutes les plate­formes de dis­tri­b­u­tion.

La CCA iden­ti­fie qua­tre enjeux majeurs qu’il faut absol­u­ment inclure dans l’élaboration d’une stratégie numérique nationale :

  • La pro­priété cana­di­enne: Afin d’assurer une économie et une société prospères dans l’ère numérique, le Canada doit con­server la pro­priété et le con­trôle effec­tif de ses indus­tries cul­turelles, de ses télé­com­mu­ni­ca­tions et de ses con­tenus numériques.
  • La pro­priété intel­lectuelle: Nos artistes et créa­teurs veu­lent pou­voir dis­tribuer leurs œuvres sur toutes les plate­formes. Ils doivent cepen­dant pou­voir le faire avec l’assurance qu’ils recevront une com­pen­sa­tion équitable pour leur tra­vail, qu’il s’agisse de dis­tri­b­u­tion en ligne ou du trans­fert de leurs œuvres sur d’autres sou­tiens techniques.
  • L’apport com­mu­nau­taire: Toute stratégie nationale doit don­ner aux com­mu­nautés à tra­vers le pays, notam­ment en dehors des grands cen­tres urbains, dans les par­ties rurales et dans le nord du pays tous les out­ils dont ils ont besoin pour par­ticiper active­ment à la nou­velle réal­ité numérique. Il ne s’agit pas ici seule­ment de leur don­ner accès comme con­som­ma­teurs mais comme par­tic­i­pants dans tous les sens du mot. .
  • La for­ma­tion des créa­teurs: Comme nation, nous devons inve­stir mas­sive­ment dans la for­ma­tion, le trans­fert des exper­tises et la mise à jour con­stante des com­pé­tences pro­fes­sion­nelles de nos artistes et créateurs.

Pour en savoir davan­tage

La CCA con­sid­ère que cette con­sul­ta­tion revêt une impor­tance cap­i­tale pour l’ensemble des Cana­di­ens et que les préoc­cu­pa­tions qu’elle soulève doivent dépasser les paramètres pure­ment économiques pour embrasser l’ensemble de la société. La portée de la réflex­ion doit être élargie de façon à inclure le développe­ment d’une stratégie sociale autant qu’économique.

Les débats ont jusqu’ici été trop dom­inés par des préoc­cu­pa­tions d’investissements, d’infrastructures, de vitesse de trans­mis­sion de don­nées et d’accès fourni aux « con­som­ma­teurs ». Il ne fait pas de doute que la mise en place d’infrastructures adéquates est une des pier­res angu­laires de toute stratégie numérique, mais il est tout aussi cru­cial de se préoc­cu­per des con­di­tions qui assureront la créa­tion et l’accessibilité de con­tenu cana­dien et québé­cois sur ces nou­velles plate­formes. Une vraie stratégie nationale doit assurer la présence de nos créa­tions afin que tous les citoyens se recon­nais­sent comme une nation bilingue aux com­posantes cul­turelles de plus en plus diver­si­fiées.

Bien qu’investir dans le secteur cul­turel puisse sem­bler à cer­tains moins con­cret qu’investir dans les infra­struc­tures, le développe­ment de logi­ciels ou la fab­ri­ca­tion d’appareils, il est prouvé que c’est la forme d’investissements qui assure aux gou­verne­ments le meilleur ren­de­ment pour chaque dol­lar investi. Le secteur des arts et de la cul­ture est en con­tin­uelle évolu­tion pour aug­menter sa présence au pays et dévelop­per des audi­toires virtuels partout à tra­vers le monde.

La con­tri­bu­tion des artistes et des créa­teurs va par ailleurs au-delà des seuls fac­teurs économiques. Nos expres­sions cul­turelles con­tribuent à notre iden­tité comme nation et à notre répu­ta­tion sur la scène inter­na­tionale. La cul­ture four­nit  un appui impor­tant à nos objec­tifs diplo­ma­tiques et com­mer­ci­aux. Et la diver­sité cul­turelle crois­sante de notre pop­u­la­tion con­stitue une ressource naturelle inépuis­able que nous pou­vons exploiter à bon escient pour nous dis­tinguer dans le con­cert des nations.

Une bonne par­tie de nos indus­tries et insti­tu­tions cul­turelles est déjà passée au numérique : le film, la télévi­sion, la musique, les arts médi­a­tiques, la lit­téra­ture et l’édition, les musées, tous ont embrassé les nou­velles tech­nolo­gies et explorent de nou­veaux mod­èles d’affaires. Leur suc­cès futurs dépen­dent non seule­ment de leur flex­i­bil­ité et de leur créa­tiv­ité mais égale­ment de l’appui que le gou­verne­ment peut leur don­ner à tra­vers les divers instru­ments à sa dis­po­si­tion, qu’il s’agisse d’investissements directs dans la pro­duc­tion et la for­ma­tion, de régle­men­ta­tion ou de mesures fis­cales.

C’est dans ce cadre que la CCA insiste encore une fois sur l’importance de garder entre des mains cana­di­ennes la pro­priété et le con­trôle effec­tif de nos indus­tries cul­turelles et de nos télé­com­mu­ni­ca­tions. Au cours des vingt dernières années, le Canada a per­mis et encour­agé une con­cen­tra­tion de plus en plus grande de la pro­priété de nos indus­tries cul­turelles afin de les ren­dre plus fortes et de leur per­me­t­tre de mieux con­cur­rencer dans un envi­ron­nement global. Nous avons main­tenant d’énormes con­glomérats cana­di­ens qui ont des intérêts dans les télé­com­mu­ni­ca­tions, la dis­tri­b­u­tion, la radiod­if­fu­sion, les ser­vices spé­cial­isés, les quo­ti­di­ens et les mag­a­zines, l’édition et la musique. Compte tenu de cette con­cen­tra­tion de la pro­priété et de la con­ver­gence des tech­nolo­gies,  ouvrir aux investis­seurs étrangers la pro­priété et le con­trôle de nos télé­com­mu­ni­ca­tions ne peut que met­tre une pres­sion irré­sistible pour que l’on adopte un régime sem­blable dans la câblodis­tri­b­u­tion et la radiod­if­fu­sion. Ajou­tons à cela l’impact pos­si­ble de négo­ci­a­tions de traités com­mer­ci­aux et l’on pour­rait faire face à de sérieuses con­séquences pour notre sou­veraineté cul­turelle. Comme le prési­dent du CRTC Kon­rad von Finck­en­stein, la CCA croit qu’il est virtuelle­ment impos­si­ble de changer les règles de pro­priété dans les télé­com­mu­ni­ca­tions et isoler la radiod­if­fu­sion des con­séquences d’une telle poli­tique.

D’autre part, le développe­ment d’une stratégie numérique doit se faire en tan­dem avec une réforme de la loi sur le  droit d’auteur. Notre per­son­nel poli­tique doivent recon­naître l’importance pri­mor­diale de pro­téger la pro­priété intel­lectuelle de nos créa­teurs et dévelop­per un con­texte numérique qui encour­age la créa­tion, l’expression, la dis­sémi­na­tion et la con­ser­va­tion des œuvres. Nos artistes veu­lent pou­voir dis­tribuer leurs créa­tions sur toutes les plate­formes pos­si­bles, mais ils doivent pou­voir le faire avec l’assurance qu’ils recevront une com­pen­sa­tion équitable pour leur tra­vail, qu’il s’agisse de dis­tri­b­u­tion en ligne ou de trans­fert sur d’autres sup­ports tech­nologiques.

En juin dernier, le gou­verne­ment a présenté en pre­mière lec­ture à la Cham­bre des com­munes le pro­jet de loi C-32 dont l’objet est de mod­erniser l’actuelle Loi sur le droit d’auteur. La CCA fait écho à la réac­tion quasi-unanime des créa­teurs et des inter­prètes à l’effet que ce pro­jet de loi n’offre à toutes fins pra­tiques aucun appui pour nos artistes et auteurs : il pro­pose en effet de ren­dre légale la copie privée sans aucune forme de com­pen­sa­tion et crée de nou­velles exemp­tions tout en élim­i­nant le régime de copie privée qui four­nit une source de revenu impor­tante pour les créa­teurs.

Une stratégie numérique nationale doit d’autre part inclure des mesures à car­ac­tère social de façon à ce que les citoyens y trou­vent leur compte  autrement qu’à titre de con­som­ma­teurs. On ne doit pas se borner à con­sid­érer seule­ment les intérêts économiques des grands cen­tres ou les div­i­den­des ver­sés aux action­naires des com­pag­nies de télé­com­mu­ni­ca­tions et de sans-fil. Il est impor­tant de don­ner à l’ensemble des Cana­di­ens le pou­voir d’utiliser autrement que comme con­som­ma­teurs des infra­struc­tures qu’ils finiront par payer de toute façon. Toute stratégie nationale digne de ce nom doit fournir cette pos­si­bil­ité à tous, y com­pris aux citoyens des plus petits cen­tres urbains, des régions rurales et du grand Nord.

C’est pour cette rai­son que la CCA appuie pleine­ment le pro­jet mis de l’avant par la Cana­dian Asso­ci­a­tion of Com­mu­nity Tele­vi­sion Users and Sta­tions (CACTUS) sur lequel le CRTC doit ren­dre prochaine­ment une déci­sion. Cette propo­si­tion con­stitue un plan sérieux et détaillé qui met­trait en place une com­posante essen­tielle de la stratégie numérique nationale dont se préoc­cupe enfin le gou­verne­ment. La créa­tion de quelque 250 cen­tres de pro­duc­tion multi-médias que pro­pose CACTUS est en par­faite har­monie avec l’environnement social et tech­nologiques dans lequel vivent les Cana­di­ens. Pareille approche a d’ailleurs été recon­nue comme cen­trale à la stratégie numérique mise de l’avant aux États-Unis et dans l’Union européenne.

Ces cen­tres con­tribueraient par ailleurs à enrichir la diver­sité des points de vue au sein de la société cana­di­enne, un des objec­tifs fon­da­men­taux de la Loi sur la radiod­if­fu­sion dont on doit se préoc­cu­per tout par­ti­c­ulière­ment dans un envi­ron­nement car­ac­térisé par la con­cen­tra­tion de la pro­priété des médias de tous gen­res. Des cen­tres multi-médias et les pro­grammes de for­ma­tion afférents don­neraient le pou­voir aux citoyens ordi­naires, tout par­ti­c­ulière­ment aux plus âgés et aux plus jeunes, de se faire enten­dre. Ils fourni­raient égale­ment aux groupes artis­tiques locaux, aux organ­ismes cul­turels et pat­ri­mo­ni­aux ainsi qu’au secteur de l’enseignement des out­ils extra­or­di­naires pour sen­si­biliser les com­mu­nautés locales à l’importance de la cul­ture dans leurs vies.

Enfin, artistes et tra­vailleurs cul­turels doivent pou­voir évoluer et sat­is­faire leur besoins de for­ma­tion pro­fes­sion­nelle de façon à con­tribuer pleine­ment à l’économie du savoir. Nous assis­tons actuelle­ment à un change­ment de la garde dans le secteur cul­turel et il est impor­tant d’investir dans des pro­grammes de trans­fert du savoir, de men­torat et d’apprentissage dans les indus­tries et les insti­tu­tions cul­turelles. .

Mais plus encore, dans un envi­ron­nement tech­nologique en con­stante évolu­tion, il est cru­cial que, comme dans les autres secteurs d’activité, les artistes et créa­teurs remet­tent con­stam­ment à jour leurs habiletés (e.g. les sys­tèmes de cap­ta­tion du mou­ve­ment pour les acteurs ou les tech­nolo­gies tri-dimensionnelles pour les caméra­men et ciné­matographes). Un très grand nom­bre d’artistes sont des tra­vailleurs autonomes et comme tels, ils n’ont pas accès aux pro­grammes de for­ma­tion actuelle­ment en place. Ils con­stituent cepen­dant une part impor­tante de la main-d’œuvre créa­tive et il est impor­tant que le gou­verne­ment recon­naisse ce fait en investis­sant dans leur for­ma­tion per­ma­nente afin qu’ils puis­sent con­tribuer active­ment et effi­cace­ment dans la nou­velle économie numérique. Une main-d’œuvre qual­i­fiée est une ressource naturelle qui ne s’épuisera jamais.

Que puis-je faire?

Assurez-vous que le gou­verne­ment, et par­ti­c­ulière­ment les trois min­istres directe­ment intéressés au débat, James Moore, Tony Clement et Diane Fin­ley, sont sen­si­bil­isés au point de vue des artistes et des créa­teurs et qu’ils com­pren­nent bien ce dont nous avons besoin pour assurer que les Cana­di­ens aient accès à leur pro­pre cul­ture dans le nou­vel envi­ron­nement numérique. Ne man­quez pas cet été une occa­sion de sen­si­biliser votre député(e).

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