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Les arts et l’apprentissage

Par John Hobday

La pre­mière con­férence de la CCA à laque­lle j’ai par­ticipé avait eu lieu à la fin 1967.  Si je me sou­viens bien,  les trois sujets de préoc­cu­pa­tion prin­ci­paux étaient le manque de sou­tien adéquat pour faire de l’année du Cen­te­naire de la Con­fédéra­tion un suc­cès, l’échec des médias à cou­vrir adéquate­ment le secteur des arts et le manque de vision au sujet de l’éducation artis­tique dans les écoles.

Depuis lors, la qual­ité et la quan­tité de l’éducation artis­tique au Canada ont, à quelques excep­tions près, diminué.

De nom­breuses études que j’ai lues et la mul­ti­tude de con­férences aux­quelles j’ai assisté m’ont per­mis de faire de solides recom­man­da­tions sur l’importance d’intéresser les jeunes en bas âge à une éduca­tion artis­tique de qual­ité.  Pour­tant, comme le dis­ait Larry O’Farrel, le tit­u­laire de la Chaire de l’UNESCO des arts et de l’apprentissage à l’Université Queen’s, « les arts occu­pent tou­jours une place acces­soire dans le cur­ricu­lum des écoles à tra­vers le monde et, dans un même temps, les pro­grammes com­mu­nau­taires pour la jeunesse et les arts sont générale­ment sous-financés et éphémères. »

En rai­son de ce manque d’engagement réel, nous avons donc per­mis la créa­tion au Canada d’un sys­tème à deux vitesses. Nous avons des enfants qui ont la chance d’avoir des par­ents qui com­pren­nent la valeur du con­tact et de la par­tic­i­pa­tion dans les arts et qui peu­vent se per­me­t­tre de payer des cours d’arts, de bal­let et de musique.  Et, il y a les autres.

Cette sit­u­a­tion est pro­fondé­ment injuste, d’autant plus que nous savons que les gens tal­entueux sont présents dans toutes les couches sociales et qu’ils peu­vent demeurer dans des zones rurales ou être de pau­vres gens vivant au centre-ville. La clé pour remédier à ce déséquili­bre est d’exposer TOUS les jeunes aux arts.

Non seule­ment parce que cette expo­si­tion peut inciter un enfant doué à devenir un artiste, mais encore parce qu’elle informe bien les citoyens sur les arts et que ces derniers pren­dront plaisir à par­ticiper à des activ­ités artis­tiques tout au long de leur vie.

Ces dernières décen­nies, depuis l’euphorie de 1967, nous avons entendu des his­toires d’horreur au sujet du ren­voi de pro­fesseurs qual­i­fiés en arts et du refus des com­mis­sions sco­laires de les rem­placer à cause des coûts.  Même si de nom­breux efforts ont été con­sen­tis pour inté­grer les artistes pro­fes­sion­nels en vue de combler ces lacunes, il était rare que les artistes aient été cor­recte­ment indem­nisés ou qu’ils aient reçu la for­ma­tion péd­a­gogique néces­saire pour enseigner dans un milieu sco­laire mul­ti­cul­turel complexe.

Peu à peu, grâce à une grande déter­mi­na­tion, d’excellents cur­ricu­lums, comme Appren­dre par les arts et GénieArts, ont vu le jour au pays et ont obtenu des résul­tats positifs.

De nom­breuses organ­i­sa­tions artis­tiques pro­fes­sion­nelles ont con­tinué à présen­ter leurs pro­grammes dans les écoles ou à amener par auto­bus des enfants à leurs salles de théâtre, à leurs galeries d’art ou à leurs musées. Trop sou­vent, ces activ­ités ont été réal­isées sans com­pen­sa­tions finan­cières adéquates. Ces organ­i­sa­tions ont accepté de manière pas­sive cette sit­u­a­tion parce qu’elles croy­aient créer des audi­toires en vue d’assurer leur pro­pre avenir. En maintes occa­sions, les sub­ven­tions accordées par les écoles pour réaliser ces excur­sions ont été les pre­mières à être retranchées, car elles n’étaient pas jugées nécessaires.

La plu­part d’entre nous qui étions con­scients de l’érosion de la qual­ité de l’éducation artis­tique dans les salles de classe du pays se sen­tent dés­espérés. Cer­tains, Wal­ter Pit­man, par exem­ple, ont pour­suivi leur héroïque effort pour par­ler haut et fort. Mal­gré tout, la lec­ture et les math­é­ma­tiques ont pris la préséance et la pren­nent encore sur des matières qui ont pour objet pre­mier la créativité.

À la défense de l’éducation artis­tique, Sir Ken Robin­son n’a cessé de répéter : « Les écoles élémen­taires et sec­ondaires ont ten­dance à insis­ter sur les math­é­ma­tiques, les sci­ences et les langues parce que les résul­tats peu­vent paraître plus tan­gi­bles. Si nous ne pou­vons mesurer la per­for­mance artis­tique, il est donc peu encour­ageant de con­sacrer le temps pré­cieux d’une salle de classe et des fonds à l’enseignement des arts ».

Cette sous-évaluation de l’influence des arts pour stim­uler l’imagination et encour­ager la créa­tiv­ité com­mence enfin à être recon­nue par le monde des affaires et par cer­tains dirigeants poli­tiques. Pour main­tenir la prospérité de notre nation, le Canada a dés­espéré­ment besoin d’esprits créa­teurs pour trou­ver des solu­tions aux prob­lèmes, quelque chose qui per­me­t­trait à tous ceux qui s’engagent dans une dis­ci­pline artis­tique, puis­sent le faire à temps plein.

Peut-être que l’idée qui a per­mis de com­pren­dre l’importance des arts et de l’éducation a germé en 1999. Fed­erico Mayor, le directeur général de l’UNESCO, a lancé l’appel suiv­ant : « Alors que les struc­tures famil­iales et sociales sont en évolu­tion, sou­vent accom­pa­g­nées d’effets nocifs sur les enfants et les ado­les­cents, l’école du XXIe siè­cle doit être en mesure de prévoir les nou­veaux besoins en accor­dant une place priv­ilégiée à l’enseignement des valeurs artis­tiques afin d’encourager la créa­tiv­ité, une car­ac­téris­tique unique de l’espèce humaine. Notre espoir réside donc dans la créativité ».

En 2006, il a été décidé de tenir la pre­mière Con­férence mon­di­ale UNESCO sur l’éducation artis­tique à Lis­bonne. La Com­mis­sion cana­di­enne pour l’UNESCO, en pré­pa­ra­tion à cet événe­ment, a alors mené une série de con­sul­ta­tions à la grandeur du Canada. Sous l’habile prési­dence de Max Wyman, ces con­sul­ta­tions ont per­mis la rédac­tion d’un rap­port appro­fondi inti­t­ulé Appren­dre pour vivre, vivre pour appren­dre. La délé­ga­tion cana­di­enne à Lis­bonne était donc bien out­il­lée pour démon­trer que, en dépit de nom­breuses lacunes de nos sys­tèmes d’enseignement provin­ci­aux, nous com­men­cions à nous pré­parer à jouer un rôle de leadership.

Il s’ensuivit l’établissement d’une « feuille de route » lors de la con­férence de Lis­bonne, et la délé­ga­tion cana­di­enne, désireuse de partager les con­clu­sions inter­na­tionales, a décelé la néces­sité d’une voix nationale élargie. Elle a en outre appris sur quoi fonder les ini­tia­tives actuelles et pro­mou­voir la sen­si­bil­i­sa­tion aux avan­tages des arts et de la cul­ture pour tous les Canadiens.

Une étape impor­tante a été franchie en 2007 lorsque la pre­mière Chaire de l’UNESCO en arts et en appren­tis­sage au Canada a été créée à l’Université Queen’s et le pro­fesseur Larry O’Farrell a été nommé respon­s­able de cette chaire. Cette ini­tia­tive offrait la pos­si­bil­ité d’un « domi­cile » pour l’avancement de cette ques­tion au Canada et la créa­tion d’un lien direct avec la meilleure pen­sée dans le monde.

Mon sou­tien à la CCA comme insti­tu­tion et en rai­son de sa capac­ité unique de recherche et de défense du secteur cul­turel dans son ensem­ble est indé­fectible. Cepen­dant, en rai­son des efforts req­uis pour vain­cre les effets de plus de 40 ans d’incurie en éduca­tion artis­tique et de bar­rières juri­dic­tion­nelles, j’en arrive à con­clure que la meilleure approche a été d’aider à for­mer une organ­i­sa­tion con­sacrée en pre­mier lieu à relever ce défi redoutable.

J’ai par­ticipé au pre­mier col­loque sur les arts et l’éducation à l’Université d’Ottawa en mai 2007. J’ai réal­isé rapi­de­ment qu’il exis­tait une réelle pos­si­bil­ité d’exploiter l’intelligence et la pas­sion très évidentes et de les canaliser en un mou­ve­ment qui deviendrait la force irré­press­ible d’une évolu­tion pos­i­tive. En com­pag­nie d’autres « luna­tiques dévoués », j’ai déployé de grands efforts depuis lors afin de réaliser notre rêve.

Le prochain col­loque sur les arts et l’apprentissage aura lieu à l’Université Queen’s en 2008. J’ai été sol­lic­ité pour présider cette ses­sion à laque­lle assis­teront plus de cent délégués provenant de partout au Canada, et ils seront invités à rat­i­fier un « cadre d’intervention ». Ce doc­u­ment, rédigé par Max Wyman, Larry O’Farrell et quelques autres, expose les grandes lignes de la vision et des objec­tifs d’un Réseau cana­dien pour les arts et l’apprentissage. Tout au long du vote je rete­nais mon souf­fle. Finale­ment, le doc­u­ment a été approuvé à l’unanimité.

Une forte adhé­sion à l’importance vitale de tra­vailler con­join­te­ment pour une cause com­mune a per­mis de passer à l’étape suiv­ante. Lors du col­loque au Royal Con­ser­va­tory en 2009, le Réseau cana­dien pour les arts et l’apprentissage (RCAA) a été offi­cielle­ment mis en place. En dépit de cer­tains délais, il a obtenu son statut d’organisme de bien­fai­sance il y a quelques semaines.

Basée à la Chaire de l’UNESCO à l’Université Queen’s et grâce à une généreuse sub­ven­tion de la Fon­da­tion Tril­lium de l’Ontario, une cam­pagne a été offi­cielle­ment lancée pour attirer des mem­bres au Réseau. Tous ceux et celles qui croient en notre vision et en nos objec­tifs sont les bienvenus.

Le con­seil d’administration du RCAA, qui com­prend le directeur général, Alain Pineau de la CCA, est très forte­ment déter­miné à ce que les arts repren­nent la place qui leur est due dans les salles de classe au Canada et qu’ils soient enseignés cor­recte­ment par des pro­fesseurs et des artistes-éducateurs qualifiés.

Outre le développe­ment du RCAA, je suis égale­ment encour­agé par ce qui arrive dans de nom­breux pays. Le gou­verne­ment sud-coréen a joué un rôle de pre­mier plan dans l’avancement des dis­cus­sions mon­di­ales sur les arts et l’apprentissage. Lors de la deux­ième Con­férence mon­di­ale qui a eu lieu à Séoul en mai 2010, des délégués provenant de 95 pays ont approuvé L’Agenda de Séoul : objec­tifs pour le développe­ment de l’éducation artis­tique. J’ai con­fi­ance que les points de vue exprimés dans ce doc­u­ment clé sont tout à fait con­formes à ceux partagés par la plu­part des chefs de file artis­tique cana­di­ens. Les délégués de Séoul ont été impres­sion­nés du fait que le Canada ait déjà créé le RCAA comme mécan­isme pour faire pro­gresser le Pro­gramme de Séoul.

Lors de son assem­blée générale en 2011, l’UNESCO a adopté à l’unanimité l’Accord de Séoul. Il a alors été accepté de met­tre sur pied la pre­mière Semaine inter­na­tionale de l’éducation artis­tique qui aura lieu du 22 au 27 mai 2012 lors de cette même réunion.

Cet événe­ment con­tribuera à accélérer l’avancement de la for­ma­tion d’une coali­tion essen­tielle des éduca­teurs, des pro­fes­sion­nels et des prati­ciens en arts, ces per­son­nes respon­s­ables de l’administration de nos écoles provin­ciales et ter­ri­to­ri­ales, des con­seils sco­laires, des prin­ci­paux, des enseignants, des par­ents et des enfants eux-mêmes. Ensem­ble, nous pou­vons créer une cause incon­testable en faveur de l’importance des arts et de l’apprentissage pour le développe­ment d’un Canada prospère et créatif.

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