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LA CULTURE SE GLISSE DANS LE DÉBAT DES CHEFS


UN GOUVERNEMENT CONSERVATEUR REPRÉSENTE UNE MENACE À L’INDUSTRIE DE LA RADIODIFFUSION ET À LA LIBERTÉ D’EXPRESSION

Ottawa, 16 juin 2004 – Les débats des chefs longue­ment atten­dus sont ter­minés, et nous enta­mons main­tenant la fin de manche poli­tique. Bien que les arts et la cul­ture n’aient pas fait l’objet d’une ques­tion ou d’un temps de parole pré­cis durant le débat anglais ou français, ils ont réussi à quelques occa­sions à se glisser dans les discussions.

Durant le débat en français de lundi, le jour­nal­iste Patrice Roy a posé une ques­tion sur le rôle du gou­verne­ment fédéral pour ce qui est d’appuyer l’industrie dans le con­texte de la mon­di­al­i­sa­tion. À la fin de sa ques­tion, après avoir énuméré diverses indus­tries (p. ex., tex­tiles, aéro­nau­tique), il a ajouté : « S i je peut me per­me­t­tre, ici je vous demande un engage­ment assez pré­cis con­cer­nant l’industrie cul­turelle au Canada, êtes-vous prêts à la soutenir comme actuelle­ment c’est fait. »

Jack Lay­ton, NPD : « Les indus­tries cul­turelles, vrai­ment, les sub­ven­tions, l’aide pour ces indus­tries, c’est très très impor­tant pour avoir une cul­ture intéres­sante et forte. »

Paul Mar­tin, Libéral : «  En ce qui con­cerne l’industrie cul­turelle, la réponse est sans équiv­oque, absol­u­ment oui. La man­i­fes­ta­tion, la sou­veraineté, c’est vrai­ment la sou­veraineté cul­turelle d’un pays, de nos indus­tries. On le voit au Québec, on le voit en Acadie et puis on le voit dans le reste du pays. Il faut appuyer ces indus­tries qui nous reflè­tent nous, nos valeurs. »

Stephen Harper, Con­ser­va­teur : « Pre­mière­ment, il n’y a aucune coupure de la cul­ture dans notre plate­forme. Ce que je promets, c’est de don­ner à la véri­fi­ca­trice générale le pou­voir de faire les véri­fi­ca­tions sur tous ces sub­ven­tions, tous ces pro­grammes du gou­verne­ment. … Est-ce que ces pro­grammes ser­vent les intérêts de la pop­u­la­tion, ou juste les intérêts des amis des Libéraux? »

M. Lay­ton : « M. Harper, pourquoi, vous avez dit que vous allez faire des grandes coupures à RDI, Radio-Canada, CBC, M. Mar­tin l’a déjà fait, on con­naît bien ses poli­tiques là-dessus, vous allez faire la même chose. Est-ce qu’on va avoir une télé-industrie impor­tante au Canada après ton travail? »

M. Harper : « Si vous me lais­sez, je vais décrire mes poli­tiques sur cela. Je vais garder les ser­vices uniques de Radio-Canada y com­pris les ser­vices pour les fran­coph­o­nes hors Québec . »

M. Lay­ton : « Comme “La Soirée du Hockey”? »

M. Harper : «  Pour les pro­grammes qui sont les mêmes que les pro­grammes com­mer­ci­aux, c’est néces­saire de met­tre fin aux sub­ven­tions . »

Mardi soir, au cours d’un débat avec Paul Mar­tin sur le recours à la clause nonob­stant de la Charte des droits et lib­ertés, Stephen Harper a men­tionné un cas pré­cis dans lequel il appuierait le recours à cette clause : « Laissez-moi vous don­ner un exem­ple de sit­u­a­tion où le recours à la clause nonob­stant pour­rait être appro­prié. Nous avons une série de déci­sions et d’interventions de la part de notre gou­verne­ment pour ten­ter de déclarer que la pornogra­phie juvénile a une valeur artis­tique ou sert le bien pub­lic, de déci­sions judi­ci­aires qui lim­i­tent notre capac­ité à met­tre fin à la dis­sémi­na­tion de la pornogra­phie juvénile. Si je ne peux pas y par­venir au moyen de mesures lég­isla­tives ordi­naires, c’est ce que je ferai pour pro­téger les droits des enfants. »

La CCA est mécon­tente des obser­va­tions de M. Harper et s’inquiète du pro­gramme élec­toral du parti et sa posi­tion publique incon­sis­tante à l’égard des droits que la charte garan­tit à tous les Cana­di­ens. Claire­ment, le Parti con­ser­va­teur n’a pas con­fi­ance dans la capac­ité des tri­bunaux cana­di­ens de se pronon­cer sur la dif­férence entre la lib­erté artis­tique et la néces­sité de pro­téger les mineurs con­tre des préju­dices réels; son mes­sage est que les artistes, qui pro­duisent des oeu­vres d’imagination de bonne foi, ne doivent pas compter sur la pro­tec­tion de la charte. M. Harper man­i­feste aussi son igno­rance de la dif­férence entre les oeu­vres d’imagination et l’exploitation véri­ta­ble des enfants, même après que son parti a appuyé l’abolition du moyen de défense du « bien pub­lic » dans le pro­jet de loi C-12 durant la dernière législature.

Sur la ques­tion de la lib­erté d’expression, sig­nalons que la let­tre au rédac­teur de la direc­trice générale de la CCA, Megan Davis Williams, a paru dans le Toronto Star du 15 juin :

Les artistes aussi doivent être pro­tégés par la charte

Stephen Harper et son Parti con­ser­va­teur pro­posent un pro­gramme élec­toral où il n’est ques­tion de l’art que dans le con­texte de l’élimination, dans le Code crim­inel, du moyen de défense de la valeur artis­tique  pour les cas où des oeu­vres d’imagination sont réputées con­stituer de la « pornographique juvénile ».

Le moyen de défense de la valeur artis­tique, main­tenu depuis de nom­breuses années dans les déci­sions de la Cour suprême, con­tin­uerait à pro­téger les Cana­di­ens qui créent des oeu­vres  ne cor­re­spon­dant pas aux déf­i­ni­tions tra­di­tion­nelles de l’art.

Com­ment M. Harper et son parti arrivent-ils à con­cilier leur pro­jet de mod­i­fier des lois pour pro­téger les lib­ertés de cer­tains Cana­di­ens (autrement dit, de ceux qui sont affil­iés à des organ­i­sa­tions religieuses pou­vant s’élever con­tre le droit des homo­sex­uels de se marier) et leur volonté de lim­iter les mêmes lib­ertés pour les créa­teurs canadiens?

La charte est cen­sée nous pro­téger tous, et sa pro­tec­tion ne peut être sus­pendue pour un groupe en par­ti­c­ulier comme les artistes.

Sig­nalons, en pas­sant, que tan­dis que l’article 2 de la Charte cana­di­enne des droits et lib­ertés garan­tit à tous les Cana­di­ens la lib­erté d’expression, la « clause nonob­stant » con­tro­ver­sée de l’article 33 peut être invo­quée pour sus­pendre l’application de la charte à une loi. Bien qu’elle n’ait jamais été invo­quée par le gou­verne­ment fédéral, la « clause nonob­stant » per­met au Par­lement d’adopter des lois, même si elles vio­lent les droits ou lib­ertés garan­tis par le charte. Cette déro­ga­tion à la charte dure au plus cinq ans; à la fin de cette péri­ode, un nou­veau pro­jet de loi doit être adopté pour main­tenir la vio­la­tion de la charte.

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