Comité législatif C11 sur le droit d’auteur : première semaine
CCA Bulletin 04/12
le 5 mars 2012
Les faits seulement
Vingt-quatre témoins sont venus présenter leurs points de vue au sujet du projet de loi C11 lors de la première semaine de consultations. Le processus progresse rapidement et continuera à ce rythme puisque le gouvernement a décidé d’adopter la voie rapide pour faire approuver le projet de loi. Tous les témoins devront être entendus d’ici le 14 mars. Le projet de loi sera ensuite débattu article par article en comité et devra retourner à la Chambre des communes au plus tard le 29 mars. Quelques enjeux sensibles ont soulevé les passions des députés, les uns accusant les autres de mal représenter les clauses du projet de loi et posant des questions pointues aux témoins, sans que cela n’affecte trop le bon déroulement du comité présidé de main de maître par le député néo-démocrate Glenn Thibeault.
Les panels sont généralement organisés de sorte que deux aspects d’une même question puissent être entendus simultanément. Les députés du gouvernement passent une grande partie de leur temps alloué à interroger les utilisateurs et semblent garder leurs questions les plus difficiles pour les détenteurs de droit, tandis que les membres de l’opposition font le contraire. L’impact économique sur les ayants droits et sur les utilisateurs; la façon dont le coût des licences est fixé; la pertinence du régime de gestion collective; la confusion entre les divers droits de propriété (« on doit payer deux fois pour la même chose »), et demander s’il est vrai que les notes de classe devront être détruites après 30 jours, sont tous des enjeux qui ont été soulevés, parfois dans la plus grande confusion.
Le droit moral des créateurs a été abordé mais la plupart des arguments touchant les licences et les redevances ont été ramenés à la capacité de payer des entités qui font de l’argent en utilisant la propriété intellectuelle des autres. Les discussions sur l’exception en matière d’éducation et le traitement équitable, les droits de copie privée et les droits mécaniques éphémères des radiodiffuseurs étaient au cœur des débats.
Le Comité se réunit à nouveau aujourd’hui (lundi) à 15h30 et peut être vu en ligne.
Commentaire
La plupart des députés semblent bien connaître le projet de loi et ses enjeux. Quelques-uns se réfèrent à leur expérience personnelle, notamment les députés néo-démocrates Andrew Cash et Charlie Angus en musique et le député conservateur Scott Armstrong en éducation.
Les membres du comité posent des questions pointues visant visiblement à étayer leurs positions sur les divers aspects du projet de loi. Certains paraphrasent de façon alarmiste les propos de certains témoins sur des enjeux tels les redevances et les droits mécaniques. D’autres demandent aux radiodiffuseurs la raison pour laquelle ils ne reconnaissent pas le bien-fondé de payer pour la musique qu’ils utilisent ou copient, puisqu’il est question de droit de reproduction. Enfin, un autre a douté de l’importance de payer des redevances relativement faibles à des musiciens en difficulté, le gros des revenus perçus allant aux vedettes qui n’ont vraisemblablement pas besoin de soutien! Souvent, les concepts de base du droit d’auteur sont mis de côté dans la recherche de solutions politiquement « équilibrées », apparemment basée sur l’idée que la loi sera d’autant meilleure qu’elle aura distribué également l’insatisfaction !
Faites moi sourire…ou pleurer!
Mardi nous avons constaté beaucoup de confusion autour de la «clause autodafé des notes de cours », un sujet sur lequel le Comité a consacré beaucoup de temps. Cela a d’ailleurs mené à des altercations entre membres du comité que le président a dû interrompre. Le désaccord a amené un témoin de l’Association des collèges communautaires du Canada à demander : «Comment voulez-vous que je donne un avis sur la question lorsque même vous, ne pouvez vous entendre sur l’interprétation de cette clause!»
La plupart des avocats experts entendus conviennent que cet article ne devrait pas soulever de grandes préoccupations et qu’il ne s’applique pas aux notes de cours, mais seulement au matériel qui serait considéré comme portant atteinte au droit d’auteur et qui ne tombe pas sous l’exception proposée en matière d’éducation. Mais, selon les représentants de l’industrie de l’édition et de la littérature, c’est précisément cette exemption qui affectera ou même tuera une industrie culturelle dans laquelle les gouvernements ont récemment investi plus de 25 millions de dollars en développement numérique ! Combien de temps et combien d’argent cela coûtera à cette industrie pour porter jusqu’en Cour suprême un cas d’abus de la clause d’utilisation équitable par une institution de savoir? Et même là, à quoi s’attendre puisque la Cour suprême a elle-même créé de toutes pièces la notion de droits des utilisateurs et déjà indiqué que dans l’interprétation de l’utilisation équitable, les dommages causés à l’entreprise du titulaire du droit n’est qu’un critère, et pas nécessairement le plus important! Vu de cet angle, on peut comprendre les inquiétudes de l’industrie canadienne du livre.