Droit d’auteur : le Comité législatif sur C-11 est nommé
Bulletin de la CCA 30/11 31 Octobre 2011
Le jour de l’Halloween, quoi de plus terrifiant que de parler de droit d’auteur! Voici donc le bulletin que nous vous promettions dans notre dernière édition.
Les faits en résumé
Des noms circulaient depuis quelque temps et conformément à son obligation d’en nommer les membres dans un délai de cinq jours suivant le début de débat en deuxième lecture, le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre des communes a créé le Comité législatif chargé de l’étude du projet de loi C-11. Le comité compte 12 membres et ne pourra commencer ses travaux tant que le projet de loi n’aura pas été adopté par la Chambre en deuxième lecture. Ce n’est qu’alors que nous connaîtrons le président du comité nommé par le Président de la Chambre, lequel président s’ajoutera aux douze députés identifiés ici. Seulement quatre des membres du comité C-11, dont trois du parti gouvernemental, faisaient partie du comité C-32.
Charlie Angus | Timmins—James Bay | NPD (C-32) |
Scott Armstrong | Cumberland—Colchester—Musquodoboit Valley | Conservateur |
Tyrone Benskin | Jeanne-Le Ber | NPD |
Peter Braid | Kitchener—Waterloo | Conservateur (C-32) |
Paul Calandra | Oak Ridges—Markham | Conservateur |
Andrew Cash | Davenport | NPD |
Dean Del Mastro | Peterborough | Conservateur (C-32) |
Mike Lake | Edmonton—Mill Woods—Beaumont | Conservateur (C-32) |
Phil McColeman | Brant | Conservateur |
Rob Moore | Fundy Royal | Conservateur |
Pierre Nantel | Longueuil—Pierre-Boucher | NPD |
Geoff Regan | Halifax West | Libéral |
Pour en savoir davantage
Le gouvernement entend voir la loi promulguée le plus tôt possible dans la nouvelle année – non seulement parce que le dossier traîne depuis 2002 mais aussi parce la modernisation de la Loi sur le droit d’auteur constitue une pièce essentielle des négociations de libre-échange actuellement en cours entre le Canada et l’Union européenne (AÉCG).
Comme C-11 est la copie conforme de C-32, le gouvernement a décidé de reprendre où le précédent projet de loi en était au moment de la dissolution du Parlement en mars qui a mené à l’élection de mai. C’est ainsi que les 142 témoins qui ont déjà comparu ne seront pas appelés à nouveau, ce qui permet de raccourcir considérablement le débat. Comme seulement quatre des douze membres du nouveau comité ont déjà étudié le projet de loi C-32, on peut se demander si les autres membres auront pris connaissance des témoignages entendus et que ces représentations ne seront pas perdues dans le sprint final.
Chacun des futurs témoins est à polir sa présentation et ses propositions d’amendements pour mieux faire écho aux arguments déjà présentés, mais dans un contexte politique bien différent de celui qui présidait à C-32. On connaîtra le nom du greffier ou de la greffière auprès de qui demander à comparaître dès que le comité se mettra en branle – ce qui doit se faire dans les deux jours qui suivent l’adoption en deuxième lecture. Nous ne savons pas encore à quel moment l’adoption se fera, ni si le gouvernement a l’intention d’imposer une limite au débat, comme il l’a fait déjà cinq fois depuis la reprise de la session le 23 septembre dernier.
Sur le fond, le débat qui a cours présentement autour du projet de loi est monopolisé par les verrous numériques. Il y a en effet très peu de place pour tout autre argument. Certains militants (dont Michael Geist) ont donc réussi à passer le message politique que la seule faille importante du projet de loi se situe à ce niveau. Le porte-parole du Parti libéral en matière de droit d’auteur, Geoff Regan, a d’ailleurs concentré ses arguments contre le projet de loi C-11 sur cette notion des verrous numériques. « C’est très inquiétant, mais nous savons tous pourquoi les conservateurs cherchent à nous faire avaler les dispositions de verrouillage les plus restrictives au monde. » Lors de l’étude de C-32, le parti libéral du Canada avait avancé l’idée de la création d’un fonds spécial qui compenserait les artistes, créateurs et ayants droits et préserverait ainsi le principe du droit à la compensation pour l’utilisation d’une propriété intellectuelle. Cette fois, les libéraux ont décidé de manifester leur opposition lors de la deuxième lecture et mis de l’avant un amendement visant à vider C-11 de tout contenu. M. Regan a déclaré :
Compte tenu des nombreuses lacunes de ce projet de loi, et surtout parce que le gouvernement n’a pas démontré son intention d’apporter quelque changement que ce soit, et ce, même après avoir entendu 142 témoins, lu 163 mémoires et pris connaissance des commentaires formulés par des milliers de Canadiens, que ce soit en ligne, par courriel ou par d’autres moyens, je désire proposer l’amendement suivant. Je propose:
Que la motion soit modifiée par substitution, aux mots suivant le mot « Que », de ce qui suit:
« cette Chambre refuse de donner deuxième lecture au projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur le droit d’auteur, parce que celui-ci:
a) ne confirme pas les droits des consommateurs à choisir comment ils entendent profiter du contenu dont ils font l’acquisition à cause de dispositions trop restrictives concernant les serrures numériques;
b) ne contient pas de critère clair et rigoureux concernant « l’utilisation équitable » à des fins pédagogiques; et
c) ne prévoit pas de système de financement transitoire pour aider les artistes à faire face aux pertes de revenus découlant de cette mesure législative. »
Quant au parti Néo-démocrate, il a émis le 26 octobre un communiqué dans lequel il annonce qu’il s’oppose au projet de loi C-11 car il mettrait en péril la culture québécoise. Selon Charlie Angus, « le projet de loi C-11 menace les redevances aux artistes et retire des droits aux Canadiens ». Ceci étant dit, nul doute que même si l’Opposition vote en bloc contre C-11 en deuxième lecture, le geste sera purement symbolique, la majorité gouvernementale en assurerant l’adoption.
Comme il fallait s’y attendre, la position des associations d’artistes et d’ayants droit n’a pas changé, puisque le projet de loi est le même. Mais les approches, elles, ont forcément changé : on se préoccupe maintenant de proposer au comité des amendements politiquement acceptables qui minimiseraient autant que faire se peut l’impact négatif qu’aura sans doute C-11 sur les revenus d’un grand nombre d’artistes et de créateurs canadiens dont les droits sont à toutes fins expropriés.
Finalement, comme on le mentionnait plus haut, la modification de la loi canadienne sur le droit d’auteur suscite l’intérêt à l’étranger. Si les fuites sur Wikileaks ont poussé à une grande discrétion, nul doute que les Etats-Unis suivent de près ce qui se passe sur la colline et en coulisses. Même chose du côté des Européens qui, selon le négociateur en chef du Canada à l’AÉCG Steve Verheul, sont « généralement satisfaits de C-32/11 » mais qui expriment toujours des inquiétudes importantes, notamment au chapitre de l’exemption pour l’éducation et des impacts attendus sur leurs propres intérêts.
Nous suivons pour vous le cheminement de la loi, ce qui devrait être relativement court!