HÉSITATIONS DU GOUVERNEMENT QUANT AU MAINTIEN DES RESTRICTIONS EN MATIÈRE DE PROPRIÉTÉ ÉTRANGÈRE
Bulletin 16/05
Ottawa, le 7 avril, 2005 — Lundi dernier, le gouvernement fédéral a déposé sa réponse à
Notre souveraineté culturelle : Le deuxième siècle de la radiodiffusion canadienne,
communément appelé le « rapport Lincoln », en l’honneur de celui qui était président du
Comité permanent au moment de la publication initiale du rapport en juin 2003, le député
libéral Clifford Lincoln. La dernière version du document, de plus de 60 pages, publiée
sous le titre Renforcer notre souveraineté culturelle : Fixer les priorités du système
canadien de radiodiffusion est clairement plus longue et plus exhaustive que la réponse
initiale de 13 pages du gouvernement, publiée en novembre 2003. Malheureusement, même
si, dans cette deuxième réponse, le gouvernement tente de traiter de chacune des 97
recommandations entérinées par tous les partis que renfermait le rapport Lincoln, pour
éviter qu’elle se soit considérée comme provisoire et superficielle (voir le bulletin 37/03 de
la CCA), il ne présente toujours pas dans leur détail les orientations politiques et les
montants qui permettraient d’atteindre les objectifs fixés. On trouvera la version intégrale
du document à http://www.pch.gc.ca/progs/ac-ca/progs/ribpi/pubs/lincoln2005/Renforcer_notre_souverainete_culturelle.pdf
Qualifiant le système canadien de radiodiffusion d’« outil puissant pour renforcer l’identité
et la souveraineté culturelles canadiennes », le gouvernement présente dans sa réponse les
trois axes prioritaires de son plan d’action : le contenu canadien, la gouvernance et la
reddition de comptes, et un regard sur l’avenir. Les objectifs premiers de ce plan sont les
suivants :
• La radiodiffusion canadienne doit :
o Contribuer aux intérêts des Canadiens en appuyant leur sentiment
d’appartenance au Canada;
o Encourager la création d’un contenu canadien à la fois excellent et
irrésistible;
o Assurer la diversité des voix dans les collectivités canadiennes.
• Le radiodiffuseur public du Canada doit présenter un contenu à haut impact qui
plaît aux Canadiens, sans pour autant chercher à séduire les auditoires à tout prix.
• Les créateurs doivent utiliser les fonds destinés au contenu canadien pour créer
plutôt que pour naviguer dans un labyrinthe complexe de sources de financement.
• Les Canadiens doivent pouvoir compter sur un système de radiodiffusion
numérique de calibre mondial qui reflète leurs valeurs, leur ingéniosité et leur
créativité.
Pour atteindre ces objectifs, le gouvernement propose dans sa réponse des mesures
particulières qu’il compte prendre afin de renforcer la souveraineté culturelle du Canada.
Elles incluent notamment les suivantes :
• En ce qui concerne la Société Radio-Canada (SRC), le gouvernement réservera une
enveloppe pour la SRC à même le Fonds canadien de télévision (FCT) basée sur la
contribution historique moyenne du FCT aux projets de la SRC; il demandera aussi à
cette dernière de lui présenter d’ici septembre 2005 un plan stratégique pour les services
de télévision de ses réseaux français et anglais.
• En ce qui concerne le Fonds canadien de télévision (FCT), le gouvernement travaillera à
la fois avec Téléfilm Canada et la Société du FCT pour étudier l’efficacité et l’impact du
Programme de participation au capital pour la télévision d’ici avril 2006, il déterminera
l’efficacité du Fonds et il apportera des changements à la gouvernance et à
l’administration du FCT d’ici juin 2005.
• Le gouvernement continuera à moderniser la Loi sur Téléfilm Canada.
• Le gouvernement continuera à appuyer l’existence de l’Office national du film (ONF)
dans son mandat actuel.
• En ce qui concerne le système de crédits d’impôt, le gouvernement se propose
d’invoquer les pouvoirs que lui accorde l’article 7 de la Loi sur la radiodiffusion pour
enjoindre le CRTC de veiller à ce que les Canadiens des collectivités de toutes tailles
aient accès à un nombre approprié d’émission d’actualités et d’affaires publiques locales
et régionales de diverses sources.
• Le gouvernement se concentrera sur le mandat du Bureau de certification des produits
audiovisuels canadiens (BCPAC) et lui demandera de procéder à la certification du
contenu canadien au nom d’organismes et de programmes fédéraux.
• En ce qui concerne le fonctionnement du Conseil de la radiodiffusion et des
télécommunications canadiennes (CRTC), le gouvernement se propose de :
o Demander qu’il produise des rapports annuels sur les mesures qu’il a prises
pour a) continuer à assurer une certitude réglementaire en publiant des
décisions opportunes et b) examiner ses règles et règlements dans le but de les
simplifier et de les rendre plus efficaces et efficients.
o Explorer la capacité du CRTC à imposer des peines monétaires pour faire
respecter les règlements en matière de radiodiffusion tout comme il peut le faire
dans le domaine des télécommunications.
o Veiller à ce que le CRTC compte le nombre approprié de membres, possédant
l’expertise nécessaire pour être efficaces dans un milieu en évolution, et à ce que
les nominations soient faites en temps opportun.
• En ce qui concerne la radiodiffusion autochtone, le Ministère réorganise actuellement
ses programmes autochtones dans un nouveau cadre de programme intégré, axé sur les
langues et cultures autochtones.
• Pour s’occuper d’une des questions intéressant l’accès pour les personnes handicapées,
le gouvernement s’attend à ce que le CRTC examine des manières d’insister sur
l’importance d’accélérer le sous-titrage codé, surtout pour les émissions en français.
Jusqu’à maintenant, le rapport a suscité une diversité de réponses de la part du secteur
culturel. L’Association canadienne des radiodiffuseurs (ACR) a été « ravie de voir qu’on a tenu
compte des préoccupations des radiodiffuseurs privés oeuvrant en radio, en
télévision et dans les services spécialisés et qu’elles ont été incluses dans ce qui constitue
un plan d’action progressif et axé sur l’avenir pour le système canadien de
radiodiffusion ». Par contre, la Coalition of Canadian Audio-Visual Unions (CCAU), qui
représente plus de 50 000 travailleurs de l’industrie canadienne du cinéma et de la
télévision, a déclaré : « La réponse du gouvernement fédéral au rapport Lincoln ne
répond pas aux attentes puisqu’elle ne prévoit pas une refonte de la politique sur la
télévision du CRTC de 1999, qui est à l’origine du déclin des dramatiques canadiennes
de langue anglaise. »
Même si CBC/Radio-Canada était « déçue de voir que la réponse passait sous silence le
(nouveau) plan local/régional de la Société visant à mieux servir les Canadiens », selon le
président et directeur général Robert Rabinovitch, la réponse constitue une bonne nouvelle «
compte tenu des efforts constants de repositionnement de la Télévision de Radio-Canada et de
la stratégie en matière de dramatiques annoncée récemment par CBC Television ». De même, le
groupe de défense des intérêts Friends of Canadian Broadcasting a produit un projet de
mémoire au cabinet fort intéressant sous le titre « (Suggested) Framework Policies for the
Canadian Broadcasting System » [Politiques-cadres (suggérées) pour le système canadien de
radiodiffusion] qui a été présenté au cours d’une réunion du 7 mars à la ministre Liza Frulla et
qu’on peut consulter en anglais seulement au site Web www.friends.ca/files/PDF/MC-Eng.pdf
Une question d’importance critique pour la CCA et ses membres, qui n’a essentiellement pas été
réglée malgré la publication de la nouvelle réponse, est celle du manque continu de leadership
de la part du gouvernement en ce qui concerne le maintien des restrictions actuelles visant la
propriété étrangère dans les industries de la radiodiffusion et des télécommunications. Les deux
paragraphes suivants viennent de la page 32 de la réponse :
« Recommandation 11.5 : Le Comité recommande que les restrictions actuelles relatives à la
propriété étrangère dans le secteur de la radiodiffusion et des télécommunications soient
maintenues aux niveaux actuels.
« Le Comité permanent de l’industrie des sciences et de la technologie a recommandé que le
gouvernement retire les restrictions relatives à la propriété étrangère applicables aux entreprises
de télécommunication et de créer des règles du jeu équitables pour que les changements
s’appliquent de la même façon aux câblodistributeurs et aux compagnies de distribution par
satellite de radiodiffusion directe car ils font concurrence aux entreprises de télécommunication
pour la fourniture des services Internet. Pour sa part, le Comité permanent du patrimoine
canadien a recommandé à peu près au même moment de maintenir les règles actuelles afin de
protéger le système de radiodiffusion du Canada contre une domination étrangère. »
« Pour plus de clarté, le gouvernement désire indiquer qu’il n’est pas prêt à modifier les
restrictions relatives à la propriété étrangère pour la radiodiffusion et le contenu, d’une façon
plus générale. Ceci étant dit, le gouvernement a tout récemment annoncé son intention de
charger un groupe d’éminents Canadiens d’examiner la politique et le cadre réglementaire des
télécommunications du Canada. Ce groupe de travail sera invité à faire des recommandations
sur la marche à suivre pour doter le Canada d’un cadre des télécommunications moderne de
manière à avantager l’industrie et les consommateurs du pays. Dans ce contexte, le groupe peut
être utile pour jeter un nouvel éclairage sur cette question d’importance majeure. »
Le directeur général de la CCA, Jean Malavoy, affirme que « la CCA est très inquiète par ce
virage en faveur d’un relâchement ou pire de l’élimination des restrictions visant la propriété
étrangère en radiodiffusion à la lumière des besoins que le ministère de l’Industrie a cernés dans
le secteur des télécommunications. »
Le raisonnement de base semble être que, pour favoriser une concurrence durable en télécommunications, les nouveaux venus doivent être dotés de leur
propre capital. Comme certains de ces derniers s’occupent également de distribution de
radiodiffusion, ils ont aussi besoin d’accès à des capitaux pour favoriser la concurrence dans ce
secteur. Enfin, comme quelques-uns des mêmes intervenants s’occupent aussi de
programmation, la conséquence logique et inévitable est qu’il faut aussi relâcher les règles
visant la radiodiffusion. La CCA n’est pas de cet avis et demande au gouvernement fédéral de
suivre le conseil que renfermait cette recommandation critique du rapport Lincoln original de
2003.