La déconstruction du budget fédéral 2007 du point de vue de la culture
Bulletin de la CCA 12/07
Ottawa, le jeudi 22 mars 2007
Un deuxième coup d’œil sur le budget de lundi
Au cours des derniers jours, c’est-à-dire depuis le dépôt du budget à la Chambre des Communes, la CCA s’est penchée sur le budget principal des dépenses 2007-08 du gouvernement. Le budget principal des dépenses représente les projections de dépenses du budget fédéral au sein de tous ses départements et de toutes ses agences pour une année fiscale. Ces projections donnent un sens concret au budget et il est possible grâce à elles de scruter les chiffres pour établir si les montants annoncés représentent de nouveaux investissements réels ou simplement des transferts latéraux ou si les coupures perçues ont véritablement été transformées en allocations transférées à un programme nouvellement créé en réponse à des nouveaux besoins ou encore à l’agenda politique du gouvernement.
Pour une deuxième année consécutive, le gouvernement fédéral a déposé le budget principal des dépenses une semaine avant le dépôt du budget. Dans les années précédentes, le budget principal des dépenses était déposé après le budget fédéral et fournissait un croquis complet des dépenses du gouvernement, incluant les items reliés aux programmes annoncés dans le discours du ministre.
Le budget fédéral des dépenses pour 2007-08 a été déposé le 27 février, 2007, bien en avance de l’annonce du budget fédéral fait par l’Hon. Jim Flaherty le 19 mars, 2007. Tel avait été le cas l’an dernier et nous pouvons nous attendre à voir plus de détails dans les Budgets supplémentaires des dépenses qui ne seront rendus publics que cet automne, lors de la mise à jour économique globale. Ceci implique que les pleines intentions budgétaires du gouvernement resteront nébuleuses jusqu’en septembre ou octobre prochain, une raison d’espérer ou de craindre, dépendamment d’où on se situe.
Le recours au Budget supplémentaire des dépenses est un instrument normal du gouvernement qui a l’avantage additionnel de retarder certaines décisions qu’il ne veut pas prendre ou annoncer le jour du dépôt du budget principal. Par exemple, par le biais du Budget supplémentaire de l’automne prochain, le gouvernement pourrait décider de faire amende honorable pour avoir complètement ignoré les besoins des musées canadiens dans le budget de lundi en annonçant enfin une nouvelle politique muséale qu’il avait appuyée lorsqu’il était dans l’opposition. D’un autre côté, le « nouveau » gouvernement du Canada pourrait choisir de ne pas faire comme dans les années précédentes, c’est-à-dire de ne pas reverser de façon ponctuelle à l’automne et pour la six ou septième année consécutive une somme de 60 millions de dollars au budget de Radio-Canada. Heureusement, nous apprenons au moment de publication que la Ministre Oda a annoncé le renouvellement pour les deux prochaines années de cette modique somme de 60 millions de dollars. Au moins, la SRC ainsi que tous les artistes, créateurs et producteurs qui en dépendent pour le financement de leur travail, se voient épargnés plusieurs mois d’incertitude!
Que nous révèle donc le budget des dépenses de cette année à ce premier coup d’oeil?
D’abord, le Budget confirme notre première impression que si le gouvernement fédéral a une stratégie pour le secteur culturel au Canada, il n’en a pas entamé l’implantation ! Alors qu’on retrouve certains items louables dans le budget en ce qui a trait à la culture dans son sens vraiment le plus large et alors qu’on retrouve ici et là un souci pour le financement populiste et pour l’implication du secteur privé dans le financement des arts et de la culture, on ne peut discerner aucun plan ni politique auxquels peuvent être reliés les dépenses annoncées. On ne trouve non plus aucun engagement à long terme pour quoi que ce soit, toutes les allocations ayant une durée de vie limitée à un maximum de deux ans.
L’exemple par excellence de ce manque d’engagement concerne la hausse, constamment citée à gauche et à droite dans les discours gouvernementaux, du budget du Conseil des arts du Canada annoncée dans le budget de 2006 : il est de plus en plus clair qu’il s’agit là d’une augmentation purement ponctuelle. En plus de voir son budget retomber à son niveau de 2005, le Conseil pourrait fort bien se retrouver avec un budget d’autant plus réduit si l’enveloppe du programme Un avenir en arts n’est pas renouvelée après 2010. Le Budget principal des dépenses et le budget lui-même donnent peu d’indices quant à la destinée de ces programmes au long terme.
L’engagement de deux ans au Fonds canadien de télévision pris récemment durant la crise par la ministre Oda est limité à précisément cette période, à un niveau nettement insuffisant qui n’a pas été revu depuis sa mise en place en 1996.
Le Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international n’a pas cru bon de réviser à la hausse les fonds destinés aux relations culturelles en diplomatie publique. Le programme a perdu des fonds à l’automne 2006 lors de l’exercice de réallocation budgétaire d’un milliard de dollars. Résultat : les postes canadiens à l’étranger sont maintenant forcés de se transformer en leveurs de fonds pour le maintient des programmes culturels et les relations internationales, entre autres dans nos missions de Londres, Tokyo, Paris, Berlin et Washington, pour n’en nommer que quelques-unes. Ces réductions ont un impact sur la capacité des artistes canadiens et des organismes artistiques à développer des marchés et des publics à l’étranger, une dimension importante dans leur recherche d’assises financières diversifiées qui leur assurent une meilleure viabilité à long terme.
Le nouveau programme de 30 millions de dollars pour les festivals et événements spéciaux locaux en a surpris plusieurs, apparemment même à l’intérieur de l’appareil gouvernemental. Il n’est en effet pas immédiatement clair à quelle section du ministère reviendra la responsabilité d’administrer le programme, quelle en est la nature et quels sont les critères d’éligibilité pour ces fonds.
Finalement, en ce qui concerne la taxation, on ne retrouve rien dans le Budget 2007 qui assure le début d’une équité pour les travailleurs autonomes au pays, un segment croissant de la population dans lequel on retrouve traditionnellement en grand nombre artistes et créateurs.
La suite des choses
Il reste quelques questions importantes qui flottent dans l’écume du budget et qui peuvent avoir un impact sur les programmes et agences fédérales de dépenses qui appuient les arts et la culture au Canada. D’abord et avant tout, l’exercice de réallocation budgétaire d’un milliard de dollars annoncé en 2006 pour une période de deux ans tient-il toujours? La cible et le montant ont-ils été modifiés? Rien n’est clair pour le moment.
La CCA continuera de suivre de près tous les éléments d’intérêt du Budget fédéral 2007, en plus de plusieurs autres sujets d’intérêt critique pour le milieu des arts et de la culture. À mesure que les réponses émergeront, nous continuerons de vous informer par l’entremise de nos bulletins. Comme nouvelle initiative pour favoriser la dissémination et l’échange d’information, nous consacrerons prochainement deux conférences téléphoniques à un survol de la situation et nous répondrons à vos questions au meilleur de nos connaissances. Gardez l’œil ouvert sur vos courriels pour les détails.
Enfin, tel qu’indiqué préalablement, la CCA tâchera de répondre à toutes les questions et sujets en suspens par le biais de son analyse annuelle détaillée du budget fédéral, un document qui devrait être disponible d’ici la fin avril/début mai.
Pour en savoir davantage
Voici quelques faits saillants tirés du portefeuille de Patrimoine Canada :
- Le budget du ministère du Patrimoine canadien est à la baisse d’environ 22 millions de dollars de
1 384 631 000,00$ à 1 363 015 00,00$ ;
- Création de contenu canadien et excellence des performances– à la hausse de 297 000 000,00$ à
341 080 000,00$;
- Viabilité de l’expression culturelle et de la participation dans le domaine culturel – à la baisse de
281 000 000,00$ à 210 633 000,00$;
- Participation à la vie communautaire et à la vie civique – à la baisse de 42 143 700,00$ à
35 644 933,00$;
- Subventions à l’appui du Programme du multiculturalisme – à la baisse de 42 134 700,00$ à
35 644 933,00$;
- Fonds canadien de télévision – à la hausse de 99 550 000,00 $ à 119 950 000,00$ ;
- Programme d’aide au développement de l’industrie de l’édition – à la hausse de 19 460 242,00$ à
27 460 242,00$;
- Programme national de formation dans le secteur des arts– à la baisse de 15 903 920,00$ à
10 709 000,00$;
- Programme de contestation judiciaire – à la baisse de 2 802 076,00$ à 100 000,00$;
- L’initiative Échanges Canada – à la baisse de 17 894 389,00$ à 11 712 389,00$;
- Activités Canada en fête! Pour la célébration de fête du Canada– à la hausse, majoré de 1 352 600,00$ à 15 988 600,00$.
Le budget principal des dépenses a aussi réorganisé certains programmes. À premier coup d’œil, il semblerait que d’importantes réductions aient été faites, mais on s’aperçoit au second regard que la différence se trouve la majeure partie du temps sous la rubrique d’un autre programme qui cible la même clientèle.
Les organismes émargeant au portefeuille du ministère du Patrimoine canadien sont aussi inclus dans cette section du budget principal des dépenses, quelques faits saillants qui en découlent sont :
- Le 30 million de dollars additionnels au budget du Conseil des arts du Canada est inclus, selon l’engagement pris dans le budget fédéral 2006-07 d’augmenter le budget du Conseil de façon non récurrente sur une période de deux ans se terminant le 31 mars 2008 ;
- Le budget de la Société Radio-Canada est à la baisse de 1 112 039 000,00$ à 1 043 953 000,00$ for 2007-08;
- Les allocations faites au Musée canadien de la nature augmentent de 59 145 000,00$ à 84 221 000,00$, l’augmentation recouvrira les amortissements associés aux rénovations du musée;
- Le Centre national des Arts (CNA) reçoit une augmentation de 33 283 000,00$ à 35 216 000,00$;
- Les crédits de l’Office national du film (ONF) augmenteront de 64 839 000,00$, à 67 118 000,00$;
- Téléfilm Canada est diminué de 125 042 000,00$ à 104 649 000,00$, ce qui représente probablement un rajustement technique relié à l’augmentation du Fonds canadien de télévision (voir plus haut)
Au ministère des Affaires étrangères et Commerce international (MAECI), la CCA voit une baisse des bourses dédiées aux relations culturelles de 7 894 000,00$ à 4 694 000,00$ dû aux contributions faites dans le cadre de l’exercice de redistribution d’un milliard de dollars annoncé le 25 septembre 2006. Par contre, les relations académiques ont subi une baisse dans leur programme de bourses allant de 13 550 000,00$ à 10 510 000,00$; cependant cette baisse est accompagnée d’une infusion de 2 170 000,00$ dans les listes de retenues des cotisations.