La loi fédérale sur l’imputabilité adoptée par la Chambre des Communes maintenant devant le Sénat
Bulletin de la CCA 28/06
29 juin 2006
Les faits en résumé
Le projet de loi C-2, connu communément sous le nom de “Loi fédérale sur la responsabilité” et adopté par la Chambre des communes le 21 juin dernier, se retrouve maintenant devant le Sénat pour examen. À première vue, il aurait pu sembler que cet important projet de loi connaisse à la Chambre haute le même traitement expéditif que lui ont réservé les députés : moins d’une semaine plus tard, il en est déjà au stade de la deuxième lecture (i.e. de l’examen en comité) ! Mais la CCA a obtenu confirmation du fait que le Sénat, qui se targue d’être la « Chambre du second examen judicieux », a bien l’intention de prendre tout le temps requis pour examiner C-2 en profondeur et que l’on donnera l’occasion de se faire entendre aux parties qui, comme la Conférence canadienne des Arts (CCA), ont exprimé des réserves face au fait qu’ une loi aussi complexe et importante fasse l’objet de si peu de débats et soit adoptée à toute vapeur après avoir été rédigée de la même façon par les bureaucrates.
Quoi qu’il en soit, la CCA a fait parvenir le 28 juin une lettre à chaque Sénateur et Sénatrice les invitant à procéder à un examen minutieux et systématique du projet de loi afin de s’assurer que ses provisions n’entravent d’aucune façon la libre circulation des idées, indispensable au développement de politiques saines et adéquates. La CCA a travaillé avec tous les gouvernements des soixante dernières années afin d’assurer la formulation et l’adoption de politiques et de programmes efficaces et adaptés aux problèmes et défis identifiés par le législateur. Nous espérons vivement que la révision de C-2 par les membres du Sénat assurera le maintien de cette dynamique démocratique une fois la loi finalement promulguée.
La Conférence a également demandé au Sénat de s’assurer que la rédaction de la réglementation qui doit accompagner la loi fasse l’objet d’un processus aussi ouvert et transparent que possible : notre préoccupation est à l’effet que les objectifs de responsabilité et de transparence, que nous appuyons sans réserve, n’aient pas pour résultats concrets d’entraver le travail légitime d’organisations sans but lucratif publiquement engagées dans le débat politique. Cette prise de position est cohérente avec l’appui donné par la CCA au mémoire détaillé présenté le 25 mai dernier par Imagine Canada au comité parlementaire de la Chambre des Communes qui examinait le projet de loi C-2.
Mme Teri Kirk, vice-présidente aux politiques et relations gouvernementales d’Imagine Canada, a comparu devant le Comité parlementaire au nom des 14 organisations qui ont co-signé le mémoire, dont la CCA. Cette comparution a été la seule occasion pour les parlementaires d’entendre le point de vue d’organismes sans but lucratif sur les questions de subventions, des contrats de contribution et de financement public. Les membres du Comité ont semblé apprécier avoir le point de vue du secteur : il était évident que plusieurs députés avaient lu le court mémoire et avaient préparé des questions détaillées et réfléchies.
Pour en savoir plus.
Le projet de loi C-2 a été le premier projet déposé à la Chambre par le nouveau gouvernement à la suite de l’élection de l’hiver dernier. Il contient une multitude de clauses ayant pour but de raffermir la responsabilité gouvernementale à l’égard de l’utilisation des fonds publics, d’assurer plus de transparence et des règles plus sévères dans les activités de lobbying, d’établir des procédures et des contrôles plus stricts sur les dépenses gouvernementales et l’attribution de contrats, donner une protection pour ceux qui dénoncent les pratiques illégales, assurer une plus grande imputabilité de la part des ministres et des sous-ministres et plus d’ouverture et de transparence dans le processus de nominations à des postes para-gouvernementaux.
Une des pièces centrales du Plan d’action qui accompagne le projet de loi C-2 consiste à revoir le processus d’attribution des subventions et des contrats de contribution. Le gouvernement a récemment nommé un comité indépendant chargé de cette révision, lequel est constitué des membres suivants : Frances Lankin, Président et chef de direction, United Way of Greater Toronto; Ian Clark, Président et chef de direction du Council of Ontario Universities et Marc Tellier, Président et chef de direction du Groupe Pages Jaunes. Ce panel est chargé de revoir l’administration des programmes de subventions et d’attribution des contrats de contribution, afin d’éliminer les procédures inutiles, identifier les barrières d’accès pour les requérants et proposer un système de supervision raisonnable sur l’utilisation des fonds publics. Le panel doit présenter son rapport au Président du Conseil du trésor en décembre 2006. Ce processus de révision est une bonne nouvelle pour le secteur culturel, compte tenu de l’étendue des programmes gouvernementaux de subvention et de contribution qui visent les sous-secteurs des arts, des organismes patrimoniaux et des industries culturelles et le fardeau démesuré d’imputabilité qui les affligent quand vient le temps de rendre compte de la façon dont ils ont dépensé l’argent reçu.
Comme nous l’avons rapporté dans un bulletin précédent, la CCA a participé au début du mois de mai à une session d’explication du projet de loi par les fonctionnaires du Conseil du Trésor, session organisée sous l’initiative de l’honorable Perrin Beatty, Président et chef de direction de l’Association canadienne des manufacturiers et exportateurs.
Les fonctionnaires présents à cette réunion avaient déclaré aux participants qu’il serait difficile d’évaluer l’impact réel de la nouvelle loi tant que la réglementation afférente n’aurait pas été définie à la suite de l’adoption de la loi. Ils n’avaient pu répondre à plusieurs questions spécifiques concernant différentes situations probables, comme par exemple s’il allait falloir inclure dans le rapport mensuel que tout ‘lobbyist’ enregistré devra désormais soumettre toute conversation qu’il aurait pu avoir avec un fonctionnaire ou un député rencontré au hasard d’une réception, concernant quelque aspect du travail législatif ou réglementaire en cours ou à venir. Ou encore : le représentant d’une organisation sans but lucratif (comme la CCA ou l’Association canadienne des musées) serait-il tenu de fournir un rapport écrit d’une telle conversation et de la remettre au ministère concerné pour affichage sur leur site web ? Comment le secteur privé pourrait-il par exemple s’assurer que de l’information stratégique mentionnée au cours d’une conversation avec un fonctionnaire du ministère de l’Industrie reste confidentielle? Comment la législation proposée risquerait-elle d’affecter la possibilité ou la volonté des fonctionnaires ou des parlementaires à consulter sur des questions d’élaboration de politiques ou de réglementations des particuliers ou des organisations ayant une expertise dans le domaine ? Dans aucun de ces cas n’avons-nous pu obtenir de réponses.
La CCA appuie sans réserve les objectifs de responsabilité et de transparence à appliquer à la gestion des fonds publics. Le Premier Ministre et son gouvernement ont fait de cette cause une priorité et, pour des raisons évidentes, ils sont évidemment déterminés à voir leur projet de loi adopté le plus vite possible. Nous croyons cependant que le Sénat se doit, hors de toute considération partisane, d’examiner ce projet de loi à la loupe afin de s’assurer qu’il ne fasse pas plus de tort que de bien au processus démocratique.
Que puis-je faire?
Il est tout à fait possible d’appuyer les principes de responsabilité et de transparence sans pour autant accepter que l’on entrave l’exercice d’un processus démocratique ouvert. C’est là ce que l’ensemble des Canadiens a le droit d’attendre des membres du Sénat qui doivent maintenant réviser cet important et complexe projet de loi. Vous ou votre organisation pourriez expédier une lettre semblable à celle de la CCA à tous les Sénateurs et Sénatrices ou à un nombre restreint de membres de la Chambre haute (il n’y a aucun frais de poste). Vous pourriez également vous associer à un groupe qui entend faire une présentation sur des sujets qui vous tiennent particulièrement à cour ou à tout le moins co-signer une présentation. Une chose est certaine : la CCA vous tiendra informé de vos options et de comment elle va intervenir dans ce dossier.