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Le Fonds canadien de télévision : la CCA s’oppose aux principales recommandations du CRTC

 

CCA Bul­letin 26/08

31 juil­let 2008

Les faits en résumé

La Con­férence cana­di­enne des arts (CCA) a écrit à la min­istre du Pat­ri­moine cana­dien, l’Hon. Josée Verner, pour exprimer sa ferme oppo­si­tion aux recom­man­da­tions prin­ci­pales que le Con­seil de la radiotélévi­sion et des télé­com­mu­ni­ca­tions cana­di­ennes (CRTC) lui a faites en juin con­cer­nant l’avenir du Fonds cana­dien de télévi­sion (FCT).

Dans son Rap­port du 6 juin, le CRTC reprend avec un an de décalage une des recom­man­da­tions de son pro­pre Groupe de tra­vail de « met­tre sur pied un volet de finance­ment du secteur privé axé sur le marché » à l’intérieur du FCT. Tout en écar­tant un nom­bre de recom­man­da­tions par­ti­c­ulière­ment con­tro­ver­sées du Groupe de tra­vail, le Con­seil recom­mande à la Min­istre que le Fonds devrait être divisé en deux volets dis­tincts, un volet pub­lic des­tiné à la pro­duc­tion de « pro­gram­ma­tion qui con­tribue à la réal­i­sa­tion des objec­tifs cul­turels énon­cés dans la Loi sur la radiod­if­fu­sion » et un volet privé qui « serait axé sur le marché et priv­ilégierait la pro­duc­tion de pro­gram­ma­tion d’un grand attrait auprès des audi­toires canadiens ».

Le volet pub­lic serait financé par les con­tri­bu­tions du min­istère du Pat­ri­moine cana­dien et réservé à la Société Radio-Canada, aux téléd­if­fuseurs éducat­ifs et aux autres téléd­if­fuseurs sans but lucratif, tan­dis que le volet « privé », ali­menté par les con­tri­bu­tions des entre­prises de dis­tri­b­u­tion de radiod­if­fu­sion (EDR), ne serait acces­si­ble qu’aux téléd­if­fuseurs com­mer­ci­aux privés. Chaque volet serait dirigé par son pro­pre con­seil d’administration.

La CCA est opposée à ces recom­man­da­tions pour plusieurs raisons :

  1. La recom­man­da­tion du CRTC s’appuie sur une dis­tinc­tion tout aussi dan­gereuse que fal­lac­i­euse entre une pro­gram­ma­tion dite cul­turelle et une autre dite pop­u­laire, dont le seul critère est qu’elle rejoigne de vastes audi­toires et con­stitue un suc­cès com­mer­cial, comme si les deux ter­mes étaient contradictoires.
  2. Par cette dis­tinc­tion mal définie, le CRTC sem­ble indi­quer d’une part que les radiod­if­fuseurs privés échap­pent aux objec­tifs cul­turels de la Loi sur la radiod­if­fu­sion et d’autre part que les dif­fuseurs publics qui ont fait de la pro­duc­tion et présen­ta­tion d’émissions cana­di­ennes une pri­or­ité, et qui au sur­plus ont connu des suc­cès d’écoute pop­u­laire, devraient désor­mais être pénal­isés finan­cière­ment pour leurs efforts.
  3. Cette recom­man­da­tion du CRTC serait par­ti­c­ulière­ment néfaste pour le sys­tème de radiod­if­fu­sion fran­coph­one. À eux deux, TVA et Radio-Canada four­nissent à toutes fins pra­tiques la seule alter­na­tive pour les audi­toires fran­coph­o­nes d’avoir accès dans leur langue à des émis­sions de diver­tisse­ment orig­i­nales. Comme tels, ces deux réseaux con­tribuent de façon sig­ni­fica­tive à la diver­sité des voix aux­quelles les fran­coph­o­nes du pays ont accès. Selon la propo­si­tion du CRTC, cette diver­sité serait con­sid­érable­ment dimin­uée : Radio-Canada ne pou­vant plus s’associer au secteur indépen­dant de pro­duc­tion pour avoir accès au « volet privé » pour financer des émis­sions à grande écoute (quelle que puisse être la sig­ni­fi­ca­tion de ce terme), TVA pour­rait être le prin­ci­pal béné­fi­ci­aire des fonds que Vidéotron est req­uis de verser au Fonds.
  4. Tout en recon­nais­sant le bien-fondé du prob­lème soulevé par plusieurs par­ties au débat, à savoir que la con­tri­bu­tion du gou­verne­ment au FCT est restée sub­stantielle­ment au même niveau depuis la créa­tion du Fonds, le CRTC recom­mande néan­moins de lim­iter les dif­fuseurs publics à ce qui con­stitue dans les faits une source de finance­ment qui ne cesse de dimin­uer. S’il fal­lait que la recom­man­da­tion du Con­seil soit adop­tée cette année, les dif­fuseurs publics perdraient accès à plus de 20 mil­lions de dol­lars pour lesquels ils sont actuelle­ment éligibles.
  5. La recom­man­da­tion du CRTC sem­ble s’appuyer sur la notion fal­lac­i­euse que les con­tri­bu­tions des EDR sont de l’argent privé qui ne devrait être disponible qu’au seul secteur privé. Ce dont il est ques­tion ici, ce n’est pas d’un appui financier au secteur privé de radiod­if­fu­sion mais de la pour­suite du bien pub­lic et des objec­tifs cul­turels claire­ment étab­lis pour l’ensemble du sys­tème dans la Loi sur la radiod­if­fu­sion.
  6. La CCA s’oppose tout par­ti­c­ulière­ment à l’idée que la ges­tion du volet “privé” soit con­fié à un con­seil d’administration dom­iné par les prin­ci­paux EDR ser­vant les marchés anglo­phones et fran­coph­o­nes. Pareille struc­ture mèn­erait vraisem­blable­ment à la créa­tion d’un sys­tème de gou­ver­nance qui ne serait ni trans­par­ent ni respon­s­able et où le risque de con­flit d’intérêt serait con­sid­érable, une per­spec­tive par­ti­c­ulière­ment tein­tée d’ironie compte tenu du fait que le CRTC recon­naît que les accu­sa­tions de con­flit d’intérêt lev­ées à l’origine con­tre l’actuel con­seil d’administration du Fonds n’ont pu être prouvées.
  7. La recom­man­da­tion du Con­seil insère dans le proces­sus de gou­ver­nance du Fonds des inef­fi­cac­ités qui ne peu­vent avoir pour effet que de dimin­uer la pro­por­tion d’argent qui va à la pro­duc­tion d’émissions télévi­suelles – un autre fait ironique quand on con­sid­ère les accu­sa­tions d’inefficacité ini­tiale­ment soulevées con­tre le FCT et qui elles non plus n’ont pas été démon­trées. Dans le régime actuel d’un fonds unique, le FCT opère de façon remar­quable­ment effi­cace, le coûts d’administration ne représen­tant que 5 % du bud­get total. On estime que la créa­tion de deux con­seils d’administration aug­menterait les coûts d’administration d’au moins 50% et se traduirait sur cinq ans par une perte pos­si­ble d’environ 40 mil­lions de dol­lars pour la pro­duc­tion télévisuelle.

Pour en savoir davantage

La saga du FTC vaut une pro­duc­tion de télévi­sion à elle seule! Fab­riquée de toute pièce par l’action de deux des prin­ci­pales EDR au pays, la crise s’appuyait sur plusieurs accu­sa­tions à l’égard du Fonds et de son mode de gou­ver­nance: « inef­fi­cace, irre­spon­s­able, en con­flit d’intérêt, une fail­lite totale, finance des émis­sions que les Cana­di­ens ne regar­dent pas. »

En dépit des preuves du con­traire, en dépit du fait que la grande majorité du secteur s’est portée à la défense du FCT, en dépit de la recon­nais­sance par le Groupe de tra­vail d’abord puis du CRTC ensuite «  qu’aucune preuve de con­flit d’intérêt réel n’a été rap­portée » (Rap­port du CRTC, para. 71), le Con­seil con­clut néan­moins et sans jus­ti­fi­ca­tion qu’il faut réparer ce qui n’est pas cassé et recom­mande qu’on accorde aux EDR ce qu’elles recher­chaient par dessus tout, c’est à dire de bar­rer l’accès aux dif­fuseurs publics au revenu crois­sant des fonds provenant “du secteur privé” et leur en don­ner le con­trôle. Le CRTC affirme en effet « …il y a une cer­taine logique à ce que des fonds du secteur privés soient admin­istrés par le secteur privé, lequel peut le mieux représen­ter les intérêts privés » (Rap­port du CRTC sur le Fonds cana­dien de télévi­sion présenté à la Min­istre du Pat­ri­moine, para. 55). Si l’argument tient, on peut se deman­der pourquoi on imposerait quelque oblig­a­tion publique que ce soit au secteur privé de la radiod­if­fu­sion.

Pous­sant l’un des com­mis­saires à émet­tre une opin­ion dis­si­dente des plus éton­nantes, le Con­seil con­sacre une par­tie con­sid­érable de son Rap­port à rejeter la propo­si­tion de  Québé­cor qui voulait ne plus con­tribuer au FCT et organ­iser son pro­pre fonds de pro­duc­tion, dont la ges­tion aurait été con­fiée à sa com­pag­nie TVA Pro­duc­tions.  Cepen­dant, Radio-Canada écartée du « volet privé » et le con­trôle de ce volet large­ment con­fié aux EDR, Québé­cor doit trou­ver sat­is­fac­tion dans le fait que TVA serait à toutes fins pra­tiques le prin­ci­pal béné­fi­ci­aire des fonds four­nis par Vidéotron.

Un des faits les plus éton­nants de tout ce dossier, c’est que plus d’un an et demi après que deux des plus impor­tantes et riches EDR au pays aient pris avan­tage d’une régle­men­ta­tion mal rédigée pour pren­dre le sys­tème de pro­duc­tion télévi­suelle en otage, le CRTC n’a pas encore amendé ladite régle­men­ta­tion pour empêcher une répéti­tion de la crise.

Côté posi­tif, il est encour­ageant de voir que le Con­seil s’est engagé à met­tre en branle le proces­sus de révi­sion de sa poli­tique con­cer­nant les fonds de pro­duc­tion agréés, ce afin de fournir un appui plus grand à la pro­duc­tion d’émissions des­tinées aux « nou­veaux médias », lesquels fer­ont d’ici quelques mois l’objet d’une audi­ence publique.

Que puis-je faire?

Au moment d’écrire ces lignes, on ne con­naît pas l’échéancier qu’entend suivre la Min­istre du Pat­ri­moine con­cer­nant le Rap­port du CRTC. Vous pou­vez écrire à la min­istre et à votre député pour faire con­naître vos vues sur le sujet. Si vous le faites, n’oubliez pas de nous faire par­venir copie de votre inter­ven­tion.

 

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