Le secteur culturel présente son point de vue au Groupe d’étude sur les politiques en matière de concurrence
CCA Bulletin 07/08
3 mars 2008
Les faits en résumé
La semaine dernière, la CCA s’est jointe à 12 représentants d’organismes reliés aux industries culturelles de Montréal et Toronto pour une réunion à huis clos de trois heures et demie avec les membres du Groupe d’étude sur les politiques en matière de concurrence. Le Groupe d’étude, nommé en juillet 2007 par les ministres fédéraux de l’Industrie et des Finances, est chargé d’examiner, entre autres choses, les législations et la réglementation sur les investissements et la propriété étrangère dans les industries culturelles canadiennes: le livre, les magazines, le film, la radio-télédiffusion, les nouveaux médias.
Les secteurs de l’audiovisuel, de l’édition et du magazine étaient représentés à la réunion. Une session séparée pour la radio-télédiffusion avait été convoquée pour l’après-midi, réunion à laquelle la CCA aurait demandé de participer également si le fait nous avait été connu. Chaque participant a disposé de cinq minutes pour exprimer ses positions, ce qui a été suivi d’une période de questions et d’échanges avec les membres du Groupe d’étude. Un haut fonctionnaire de Patrimoine canadien assistait à titre d’observateur. La rencontre aura été une occasion pour la CCA de reprendre les thèmes centraux du mémoire qui a été soumis au Groupe d’étude le 11 janvier 2008.
On a fait valoir à plusieurs reprises que les industries culturelles sont dans une catégorie à part, d’abord et avant tout parce que les “produits” culturels sont différents des autres: ils jouent un rôle déterminant dans l’identité de notre nation et ils sont destinés avant tout aux marchés intérieurs. On a noté que l’exportation de nos produits culturels, notamment les magazines et l’audiovisuel, est difficile dans tous les cas, pour le Québec à cause de sa spécificité au sein de la francophonie et, au Canada anglais, par la prépondérance du géant américain qui a plutôt tendance à importer nos artistes et créateurs que nos productions. L’excellence de notre secteur culturel est reconnue internationalement dans plusieurs domaines et nos gouvernements doivent appuyer, pour diverses raisons, l’internationalisation de notre culture. Mais l’objectif recherché n’est pas d’accroître les exportations d’artistes au même sens que pour les réacteurs nucléaires ou les technologies en télécommunication.
Compte tenu des réalités démographiques, géographiques et économiques propres au Québec et au Canada anglais, les industries culturelles, comme d’ailleurs l’ensemble du secteur des arts et de la culture, requièrent l’appui financier du gouvernement ainsi qu’une réglementation sur mesure. Ces industries n’existeront et ne prospéreront que si nous exprimons notre volonté commune de fournir au concert des nations une voix culturelle distincte, quelle qu’en soit la signification pour pays tel que le nôtre.
Le message commun, bien résumé à la fin par le président du Groupe d’étude, était on ne peut plus clair: les industries culturelles sont différentes des autres secteurs d’activité visés par le mandat du Groupe d’étude, celui des banques et des télécommunications, quoique le phénomène de la convergence tende à considérer que ces dernières s’approchent de plus en plus des industries culturelles. L’autre message de base : ne pas chercher à réparer ce qui n’est pas brisé. Ceci étant dit, les participants ont indiqué clairement qu’ils ne plaidaient pas simplement pour le statu quo. Nous avons insisté sur la nécessité de revoir et de complémenter les mécanismes déjà en place en ce qui concerne les investissements et la propriété étrangère.
On a exprimé des réticences quant au test de “l’avantage net” appliqué en vertu de la Loi sur investissement Canada dans le cas de la propriété étrangère. Ce critère a souvent des effets pervers, par exemple dans le cas des éditeurs ou des compagnies d’enregistrement sonore : le test oblige les intérêts étrangers à embaucher des artistes canadiens – ce qui est sans doute avantageux pour un certain nombre d’individus, mais ce qui ne profite pas à l’ensemble du système culturel canadien. Nos éditeurs et maisons d’enregistrement, incapables de compétitionner avec les intérêts étrangers, sont privés de l’accès aux revenus générés par des écrivains et artistes dont ils ont contribué à lancer la carrière, alors que les compagnies sous contrôle étranger n’ont aucune obligation ni intérêt à investir dans le développement de la prochaine génération.
Les membres du Groupe d’étude ont manifesté un intérêt particulier pour l’impact de l’Internet sur les industries culturelles. Il y a eu consensus sur le fait que cette nouvelle plate-forme de distribution, de par son interactivité et la multiplicité des choix qu’elle offre, a un impact certain et que les divers sous-secteurs doivent rechercher des solutions aux défis et aux occasions ainsi créés. Plusieurs ont insisté sur le fait qu’il est plus que temps de développer des politiques visant à intégrer les nouveaux médias dans l’écologie culturelle canadienne, une idée que la CCA met de l’avant depuis un certain temps déjà.
Pour en savoir davantage
On a souligné que depuis 1985, seulement 4 des 125 demandes d’acquisitions soumises à approbation ont été rejetées: est-il vraiment nécessaire, dans ce contexte, de procéder à une réduction de la réglementation en place? Et où se trouvent les preuves que le régime actuel est contraire aux intérêts des industries culturelles (mis à part le cas exceptionnel des publications Harlequin)?
Les industries culturelles canadiennes font face au double problème d’un financement inadéquat et d’une application souvent très lâche de la réglementation en place. L’apparition des nouvelles plates-formes numériques de production et de distribution et l’appui du Canada à la diversité culturelle au pays comme à l’étranger rendent impératifs le besoin de développer un nouveau régime financier et réglementaire propre à assurer aux Canadiens l’accès à leur littérature, leurs musique, leurs films, leurs émissions de télévision et à toute autre forme d’expression culturelle résultant d’une technologie en constante évolution. Dans ce contexte, il est important de maintenir en mains canadiennes le contrôle effectif de nos industries afin d’assurer la production et la distribution de contenu culturel par et pour des Canadiens.
La CCA se réjouit du fait que le Ministre de l’Industrie et le Groupe de travail ont répondu aux préoccupations que nous leur avions exprimées quant au fait que cette révision des industries culturelles allait s’exercer en l’absence d’experts en matière de politiques culturelles. Nous avions suggéré dans une lettre au ministrequ’il devrait ajouter un tel expert au sein du Groupe de travail ou alors convoquer un sous-groupe pour débattre de la question. Les rencontres de la semaine dernière ont répondu à nos attentes quant au processus. Ces rencontres font partie d’une série de 7 rencontres sectorielles et d’un nombre égal de rencontres régionales qui doivent avoir lieu dans les prochaines semaines.
Le Groupe d’étude a pour mandat de revoir les principaux éléments des politiques canadiennes en matière de concurrence et d’investissement pour s’assurer de leur efficacité. Le Groupe d’étude se penchera sur une série d’enjeux, en ayant pour objectif de veiller à ce que les politiques canadiennes soient modernes et efficaces et qu’elles reflètent le climat concurrentiel d’envergure mondiale qui est caractérisé par une chaude lutte entre les gouvernements pour attirer les investisseurs, les travailleurs et les occasions d’affaires. Le Groupe d’étude projette de faire rapport au ministre de l’Industrie, qui représente le gouvernement, au plus tard le 30 juin 2008.