Musées canadiens : les déceptions s’accumulent
Bulletin de la CCA 15/07
Ottawa, le mardi 3 avril 2007
Les faits en résumé
Cela fait maintenant plus d’un an que la communauté muséale canadienne espère que la Ministre du Patrimoine, l’Honorable Bev Oda, finira par dévoiler la nouvelle politique muséale nationale qu’elle avait appuyée avec enthousiasme lorsqu’elle était critique du parti conservateur pour le Patrimoine canadien.
Après la déception initiale de ne rien voir reflété dans le budget du “nouveau” gouvernement du Canada déposé le 2 mai 2006, l’Association des musées canadiens (AMC) entendait en juin 2006 la Ministre du Patrimoine faire marche arrière devant le Comité permanent du Patrimoine et affirmer que la politique devait être revue de fond en combles. Face à cela, l’AMC organisait à travers le pays un été complet de rencontres de ses membres avec les députés dans leur circonscription afin de sensibiliser nos élus à l’importance d’apporter des solutions aux problèmes sérieux auxquels ce secteur fait face depuis de nombreuses années.
Les musées ont eu une nouvelle cause de mécontentement lorsque le budget du programme d’aide aux musées, qualifié d’inefficace, s’est trouvé amputé de 4,6 millions $ dans le cadre de la réaffectation d’un milliard de dollars du 26 septembre 2006. Cette réduction budgétaire a causé une vive réaction à travers le pays au niveau même des circonscriptions électorales, un fait qui a apparemment pris notre nouveau gouvernement par surprise.
L’AMC a continué de travailler avec la Ministre et en était venue à penser sérieusement que le budget 2007 allait finalement refléter la décision du nouveau gouvernement d’annoncer ses couleurs en matière de politique muséale: autre déception de taille, le budget se contentant de réintroduire 5 millions $ par année pour deux ans pour assurer des emplois d’été dans les musée pour les étudiants, une mesure que plusieurs ont décrite comme résultant davantage de préoccupations électorales que d’une analyse des besoins prioritaires des musées.
La mauvaise surprise la plus récente est venue sous la forme de la réponse du gouvernement au neuvième rapport du Comité permanent du Patrimoine, Étude concernant les musées canadiens, rendue publique la semaine dernière. Dans sa réponse, la Ministre Oda ferme définitivement la porte sur la politique qui après de longues tractations avait fait l’objet d’un vaste consensus, y compris auprès de tous les partis en Chambre. Voici les passages les plus intéressants de la réponse du gouvernement :
« La plus grande responsabilité du gouvernement liée au secteur des musées concerne les collections nationales qu’il possède en fonds publics pour les Canadiens et Canadiennes, tel que décrit dans la Loi sur les musées. Les musées nationaux sont les seuls musées qui ont des mandats explicites visant à préserver et présenter le patrimoine de tout le pays. De plus, ils sont les seuls musées qui reçoivent du gouvernement fédéral un appui annuel à leur fonctionnement, sous forme de crédits parlementaires (…)
En 2006–2007, le gouvernement a investi près de 225 millions de dollars par le biais de crédits parlementaires pour les musées nationaux. Il s’agit d’un engagement important pour la conservation de notre patrimoine. (…)
Le gouvernement reconnaît également les rôles importants joués par d’autres musées situés à travers le pays. Le Programme d’aide aux musées continuera de financer des projets des musées canadiens et des possibilités d’emploi pour des jeunes qui travaillent dans les musées. De plus, les musées sont admissibles à plusieurs autres programmes et services offerts par le ministère du Patrimoine canadien, parmi lesquels : Espaces culturels Canada, Culture canadienne en ligne, le Programme des subventions de biens culturels mobiliers, l’Institut canadien de conservation, le Réseau canadien d’information sur le patrimoine et le volet patrimoine du Programme de consolidation des arts et du patrimoine canadien.
En plus de l’investissement direct offert par le biais de ces programmes, le budget 2006 a présenté des avantages pour les contribuables désireux de faire des dons à des organismes de bienfaisance. En effet, il permet l’élimination de l’impôt sur les gains en capital sur des dons de valeurs mobilières cotées en bourse fait à des organismes de bienfaisance enregistrés, tels que les musées.
Le gouvernement collabore avec l’Association des musées canadiens et ses membres afin d’élaborer une vision renouvelée pour le secteur des musées qui répondra mieux aux enjeux et réalités d’aujourd’hui. Elle doit tenir compte du rôle adéquat du gouvernement du Canada par rapport aux rôles joués par les autres ordres de gouvernement et le secteur privé. Les Canadiens et Canadiennes veulent que l’argent qu’ils ont durement gagné soit investi de manière responsable. »
La CCA s’inquiète vivement de ce dernier développement politique. La revendication d’une nouvelle politique fédérale reste une de nos premières priorités et nous continuerons de fournir notre appui au travail de nos collègues de l’Association des musées canadiens en ce sens.
Pour en savoir davantage
Comme si tout cela n’était pas suffisant pour pousser la communauté muséale au désespoir, l’Institut canadien de conservation (ICC) annonçait le 22 mars dernier qu’il mettrait fin aux opérations des Services de transport d’expositions (STE) à compter du 1er avril 2008.
Les STE, une unité spécialisée de l’ICC, desservent les musées canadiens depuis 1976. Ils offrent des services de transport d’œuvres d’art et d’artéfacts partout au Canada, de manière sécuritaire, fiable et dans un environnement contrôlé. Les bureaux des STE sont situés dans un édifice de 1 400 m2 respectant les normes muséales de régulation des conditions ambiantes et comportant un quai de chargement intérieur pouvant abriter cinq camions semi-remorques.
L’ICC explique que la fermeture est liée à des raisons opérationnelles et administratives. En 2005, une vérification interne de la gestion financière et de la gestion de l’approvisionnement de l’ICC a conclu qu’il existait une relation employeur/employé entre les chauffeurs et les manutentionnaires d’œuvres d’art, de sorte qu’ils ne pouvaient plus être embauchés sous forme contractuelle.
Encore une fois, ce seront les plus petites institutions qui souffriront de cette décision dont plusieurs disent qu’il en coûterait fort peu à la Ministre en argent et en temps pour résoudre cette question.