Projet de loi C-10 : la CCA prévient le Comité sénatorial des sérieux périls pour les artistes et les créateurs canadiens
CCA Bulletin 12/08Le 10 avril 2008
Les faits en résumé La CCA remet sérieusement en question la nécessité du sous –amendement proposé au projet de loi C-10 de la Loi de l’impôt sur le revenu concernant les crédits d’impôts accordés aux productions télévisuelles et aux films. Le texte à l’étude représente un réel danger pour la liberté d’expression s’il est adopté tel quel.
La Conférence canadienne des arts (CCA) est intervenue lors des audiences du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce portant sur la controverse entourant le projet de loi C-10. Dans son intervention (lien), la CCA mentionne que ce n’est pas par paranoïa que le secteur culturel fait part de ses craintes face à un régime qui ouvre la porte à l’arbitraire politique et bureaucratique et mènera presque inévitablement à l’autocensure lorsqu’il s’agit de l’appui public accordé à l’expression culturelle. La CCA a rappelé aux sénateurs qu’en 1993, le gouvernement a présenté et adopté en temps record la législation concernant la pornographie juvénile, ce qui a fait craindre des répercussions sur la liberté d’expression artistique et un refroidissement du secteur culturel. Le vice premier-ministre d’alors, l’ Hon. Don Mazankowski, avait rassuré le secteur culturel en lui promettant que cette législation ne s’appliquerait jamais aux artistes. En dépit de ces assurances, la première personne accusée en vertu de la nouvelle législation fut Eli Langer, un artiste de Toronto, ultérieurement blanchi de toute accusation.
La CCA s’oppose à ce que le gouvernement puisse faire appel à des directives qui lui permettraient de refuser après le fait à un producteur de films ou d’émission de télévision les crédits d’impôt prévu dans la Loi de l’impôt sur le revenu dans le but de l’harmoniser avec la Code criminel. La CCA n’est pas rassurée par le fait que des dispositions semblables à celle proposée dans le projet de loi C-10 existent dans plusieurs programmes provinciaux. Bien au contraire, le projet de loi C-10 aura plutôt, par inadvertance, ouvert le débat au niveau provincial et les artistes et producteurs devraient sans doute être encouragés à relever le défi avec leurs gouvernements respectifs afin d’éviter qu’ils ne soient assujettis à une certification de leurs films ou de leurs vidéos qui pourraient être jugés « contraires à l’ordre public » par un comité de fonctionnaires et selon des directives politiques qui ne seraient aucunement soumises à un examen public. La CCA a recommandé qu’une simple référence aux dispositions actuelles du Code criminel pourrait suffire pour atteindre les objectifs que s’est fixés le gouvernement.
Pour en savoir davantage
Tel que mentionné dans un précédent bulletin, C-10 est une immense brique législative de plus de 500 pages qui porte sur un grand éventail de sujets liés à la Loi de l’impôt sur le revenu.
Dans la section 125.4(1), la législation porte sur la certification fédérale des films et des vidéos qui seraient jugés « contraires à l’ordre public ». Le gouvernement souhaite établir des règles d’interprétation de cette législation, une fois la loi approuvée par le Sénat et ayant reçu la sanction royale.
Le 2 avril 2008, le Comité a entendu la Ministre de Patrimoine canadien et plusieurs de ses fonctionnaires. Dans sa présentation, la Ministre a affirmé que les mesures mises en place ne constituent pas de la censure, mais simplement la suite logique de la volonté du gouvernement de veiller à la bonne gestion des fonds publics. Elle a également citéquatre exemples, au niveau provincial, dans lesquels des mesures similaires sont incluses dans les lois de l’impôt sur les revenus. Elle a fait référence à la Colombie-Britannique, à Terre-Neuve et Labrador, au Québec et au Manitoba.
La Ministre a avoué que, malgré d’intensives consultations avec les industries du film et de la vidéo, de sérieuses craintes subsistent dans la communauté culturelle. Dans un effort d’apaiser ces craintes, la Ministre a signifié au Comité qu’elle va suspendre l’exécution l’article controversé pour une année après la sanction royale. Pendant cette année, la Ministre et ses fonctionnaires vont poursuivre les consultations avec l’industrie et les organismes intéressés, afin de développer les directives qui seront éventuellement mises en place.
Bien que la CCA puisse apprécier le désir de la Ministre et de ses fonctionnaires de continuer les consultations avec le secteur culturel, plusieurs sujets demeurent problématiques. Par exemple, l’Association canadienne des bibliothèques (CLA) a fait parvenir une lettre concernant le projet de loi C-10 au président et vice-président du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Dans cette lettre l’Association canadienne des bibliothèques souligne le point suivant: « The CLA has serious doubts that the proposed provisions would withstand Charter scrutiny. Section 120(3)(b) amends the definition of “Canadian film and video certificate” in subsection 125.4(1) of the Act to add the requirement that the Minister is satisfied that “ public financial support of the production would not be contrary to public policy.” Subsection 120(12) further provides that the Minister shall issue guidelines respecting this condition and that such guidelines are not statutory instruments, as defined in the Statutory Instruments Act (SIA). The difference between a “guideline” and a “regulation is important because the latter must go through the process set forth in SIA while the former need not.
By delegating the power to the Minister to issue “guidelines “ that are not subject to the transparency requirements of the SIA, Bill C-10 in effect vests the Minister with the broad authority to censor films under the authority of guidelines that do not have to broadly vetted by the public, as would a regulation. »
Il n’est pas évident qu’une réglementation basée sur cette sous-section puisse résoudre la perception qu’il s’agisse de censure, mais malgré tout, l’apparente transparence de la réglementation constituerait une amélioration marginale à la nouvelle législation.
De plus, il est important de noter que la sous-section 125.4(1) du projet de loi C-10 pourra être interprétée de façon différente par un ministre ou un gouvernement subséquent. Quoique la Ministre et ses fonctionnaires fassent preuve de bonne volonté, il n’existe aucune garantie que ce serait le cas avec une autre administration. Lisez les bleus de l’audience du 8 avril, 2008 (PDF) (L’intervention de la CCA débute à la page 33)
Que puis-je faire?
Vous pouvez contacter votre député et vous pouvez écrire par courrier ou par courriel (banking_banques@sen.parl.gc.ca) au président du Comité sénatorial permanent sur les banques et le commerce:
Sénateur W. David Angus, Président Sénateur Yoine Goldstein, Vice-Président Comité sénatorial permanent des banques et du commerce Le Sénat du Canada Ottawa (Ontario) K1A 0A4
|