Quelles sont les priorités de Patrimoine canadien pour 2012–2013?
CCA Bulletin 09/12
Le 28 mai 2012
La Conférence canadienne des arts (CCA) travaille toujours à la préparation de son analyse détaillée du budget fédéral 2012–2013 du point de vue des arts, de la culture et du patrimoine. Le travail est particulièrement compliqué cette année pour un ensemble de raisons. Habituellement le rapport des plans et priorités du ministère du Patrimoine canadien est publié sensiblement au même moment que le budget. Cette année, il est publié plusieurs semaines après le budget et après les annonces des compressions. Mais pour compliquer les choses un peu plus, les ministères ont reçu en février dernier une directive du Conseil du trésor de ne pas inclure les compressions dans leur rapport annuel. Les rapports des Plans et priorités ne contiennent donc pas les compressions annoncées suite au budget du 29 mars 2012. Par contre, ils incluent certaines coupes des budgets de 2007 à 2010, ainsi que le gel de 2010. Et ce n’est qu’au fil des décisions particulières que nous découvrons les vrais impacts des décisions gouvernementales, car même là où les enveloppes budgétaires ont été protégées, rien n’indique que les priorités n’ont pas changé.
L’analyse du budget de la CCA risque donc d’être retardée au début de l’automne, afin d’avoir un portait plus juste de la situation et d’avoir le temps surtout de faire la lumière dans ce tunnel d’informations. D’autant que cette année, nous avons l’intention pour la première fois de l’enrichir d’une analyse des budgets provinciaux et territoriaux, un projet que nous avons mis en chantier avec nos partenaires de l’École de sciences politiques de l’Université d’Ottawa.
Comme son nom l’indique, le document dont nous publions une première analyse aujourd’hui détaille les principales priorités de Patrimoine canadien (PCH) selon ses résultats stratégiques, ses activités de programmes et ses résultats prévus ou escomptés, en plus de fournir des données sur les besoins en ressources humaines, les grands projets d’immobilisations, les subventions et contributions, et les coûts nets des programmes. Comme tel, le Rapport reflète les intentions d’agir du ministère dans des secteurs clés et présente un examen exhaustif des priorités, de l’architecture de programmes et des structures de gestion.
Dans son message de cette année, le ministre James Moore dit vouloir tirer pleinement avantage de la technologie numérique, investir dans nos communautés, célébrer notre histoire et notre patrimoine, et utiliser l’argent des contribuables de façon responsable. Avant l’annonce du budget et par la suite, le ministre a bien insisté sur l’apport économique de la culture. «… les arts et la culture jouent un rôle primordial dans la vie des Canadiens, et ils contribuent autant à notre qualité de vie qu’à notre économie. En appuyant la culture canadienne, nous assurons l’essor de notre économie. Le secteur de la création encourage l’innovation et fournit au Canada un avantage concurrentiel dans l’économie numérique internationale. »
Le numérique est un thème cher au ministre du Patrimoine canadien qui encourage l’innovation dans ce domaine. Le Ministre fait le pari que le numérique permettra des économies substantielles en efficacité. Il a d’ailleurs mentionné à quelques reprises, soit en entrevue avec George Stroumboulopoulos ou dans des articles de journaux, que certaines agences, comme Téléfilm, l’ONF et Bibliothèque et Archives pouvaient faire des économies grâce au numérique, et que le service au public ne s’en ressentirait pas de façon notoire. Mentionnons que les avis sont pour le moins partagés quant à cette dernière affirmation.
Les grands objectifs du Ministère
Les activités du ministère s’articulent autour de trois grands résultats stratégiques, en place depuis l’arrivée du ministre Moore à Patrimoine canadien:
1. Les expressions artistiques et le contenu culturel canadiens sont créés et accessibles au pays et à l’étranger.
2. Les Canadiens partagent, expriment et apprécient leur identité canadienne.
3. Les Canadiens participent et excellent dans les sports.
Ces trois objectifs stratégiques guident les quatre objectifs opérationnels du ministère.
1. tirer pleinement avantage du numérique;
2. célébrer notre patrimoine et notre histoire;
3. investir dans nos collectivités;
4. assurer la viabilité financière et l’excellence dans la prestation des services.
Résultats stratégiques
Nous n’abordons ici que les programmes liés directement aux arts, à la culture et au patrimoine et nous le faisons avec prudence. Les données budgétaires incluses dans le document ne reflètent pas ce qui a été déposé en Chambre lors du budget, et le budget ne reflète pas les données du Budget principal des dépenses. Nous n’aborderons donc que les grandes lignes des priorités sans nous attarder au budget comme tel, dont l’analyse complète sera publiée à l’automne.
1. Les expressions artistiques et le contenu culturel canadiens sont créés et accessibles au pays et à l’étranger
a. Activités de programmes : ARTS
Le Ministère semble vouloir investir en priorité dans les organismes artistiques qui encouragent des partenariats avec des entreprises et d’autres organismes locaux pour diversifier les sources de financement. Par ailleurs, le Ministère inclut sous cette activité de programme les investissements d’infrastructures nécessaires aux célébrations du 150e anniversaire du Canada (dont le Centre des visiteurs à Fort York).
b. Activités de programmes : INDUSTRIES CULTURELLES
Parmi les priorités de cet objectif, le Ministère modernisera la Loi sur le droit d’auteur et prévoit poursuivre les négociations de traités de coproduction audiovisuelle. On sait que la Loi sur le droit d’auteur devrait être adoptée par le Sénat avant la fin juin. Quant aux traités de coproductions audiovisuelles, les négociations interrompues pendant plusieurs années ont repris en 2011. Des développements sont donc à prévoir, notamment avec l’Inde, un des pays visés par une entente de coproduction avec le Canada et dont on parle depuis des années. Toujours dans le domaine du film, le Ministère entend examiner les politiques du long métrage pour les adapter aux réalités de l’environnement numérique. Il s’agit d’un processus interne, dont la CCA vous reparlera à l’automne.
Dans le domaine du livre, le Ministère compte également « moderniser la politique sur l’investissement étranger pour l’industrie du livre de façon à ce qu’elle reflète et réponde à un marché en constante évolution. » On se souviendra que le ministère avait entamé en 2010 un processus de consultations depuis longtemps terminé, mais aucune politique n’est encore ressortie de cet exercice. Ce n’est un secret pour personne : le sujet est délicat, tant dans les marchés anglophone que francophone. Au Québec la loi 51 adoptée il y a plus de 30 ans a permis d’assurer une meilleure diffusion de la littérature québécoise et une augmentation de l’accessibilité du livre, par la mise en place de pratiques commerciales dans le secteur. L’ouverture à l’investissement étranger dans ce domaine pourrait attiser des conflits entre les gouvernements québécois et canadien. Dans le marché de langue anglaise, l’investissement étranger dans le domaine du livre est un sujet très délicat et des réalités différentes se confrontent. Les marchés de la distribution, de l’édition et du détail sont différents et pourraient demander des règlements différents. Comment le ministère s’y prendra-t-il pour concilier tous ces intérêts? C’est un dossier à suivre.
c. Activités de programme : PATRIMOINE
Sous cette rubrique, le Ministère entend « prendre des mesures afin d’améliorer la préservation et la présentation de l’histoire et du patrimoine du Canada :
- contribuer à la préservation d’objets rares et précieux et aider les clients à exposer et présenter ces objets au cours des anniversaires historiques à venir;
- compléter l’analyse de la Loi sur l’exportation et l’importation de biens culturels afin de cerner les changements nécessaires pour assurer son efficacité dans la protection du patrimoine du Canada;
- compléter une charte des services pour assurer que l’Institut canadien de conservation réponde aux besoins en matière de conservation et de préservation des institutions patrimoniales du Canada;
- continuer de travailler de concert avec les grands musées de tout le pays en vue d’offrir aux Canadiens la possibilité de profiter d’un plus grand accès à des trésors internationaux et canadiens au moyen du Programme d’indemnisation pour les expositions itinérantes au Canada;
- cerner et entreprendre des projets multiplateformes qui permettent aux Canadiens d’accéder à un contenu numérique patrimonial au moyen de l’appareil de leur choix;
- mettre à jour le logiciel Histoires de chez nous et l’interface publique qui permettent aux plus petits musées du Canada de produire et de faire la promotion des expositions d’histoire locale en ligne créées en collaboration avec les collectivités qu’ils desservent. »
Certains peuvent avoir de la difficulté à voir une corrélation entre les priorités du gouvernement, les annonces du budget et les réalités que vit le milieu patrimonial. Il y a d’une part l’annonce que les budgets des musées nationaux ne seront pas coupés, des augmentations au programme d’indemnisation des expositions itinérantes et un engagement à l’Institut canadien de conservation. Mais de l’autre côté, on constate que le budget du Programme d’aide aux musées reste à 6,7 millions de dollars par an, ce qui est inférieur au niveau initial de 1972; que des compressions de 9,6 millions de dollars touchent Bibliothèque et Archives du Canada et que des coupes sévères à Parc Canada (qui relève maintenant du Ministère de l’environnement) affecteront les parcs historiques et limiteront l’accès aux sites. Des éléments qui ne permettent pas de conclure que le patrimoine est particulièrement privilégié dans les priorités gouvernementales.
2. Les Canadiens partagent, expriment et apprécient leur identité canadienne
a. Activité de programme : PROMOTION ET APPARTENANCE AU CANADA
Le rapport des Plans et priorités inclut le programme Katimavik dans sa liste des programmes énumérés dans les priorités, mais on sait qu’il a été éliminé dans les coupes budgétaires. Nous avons donc choisi de ne pas montrer cette liste qui ne reflète pas la réalité présente. Le ministère concentre ses activités relatives aux jeunes dans trois programmes, soit le Programme des études canadiennes (ne pas confondre avec Comprendre le Canada: Les études canadiennes, programme éliminé au Ministère des affaires étrangères), le Programme Échanges Canada et Les jeunes s’engagent.
C’est également sous cette rubrique que les fêtes nationales, célébrations historiques et royales sont financées. Au moins 28 millions de dollars ont été accordés pour les célébrations de la guerre de 1812 (certains on parlé d’un montant de 70 millions de dollars) et 7,5 millions de dollars pour le Jubilée de la Reine (dont 1,2 million de dollars pour la visite du Prince Charles et de la duchesse Camilla).
3. Les Canadiens participent et excellent dans les sports
Enfin, un petit mot sur les sports des augmentations significatives sont prévues en 2013–2014 et 2014–2015, principalement attribuable aux Jeux panaméricains et parapanaméricains de 2015.
Que pouvez-vous faire?
Nous avons besoin de vous pour compléter notre analyse du budget. Compte tenu du processus en cours pour les compressions et la refonte des programmes, il est difficile d’avoir une idée juste de la situation qui prévaut ou qui prévaudra dans quelques semaines. Les décisions sont connues petit à petit et ne sont pas nécessairement rendues publiques (pensons par exemple à ce qui arrive à la CCA et à la Coalition pour la diversité culturelle). À cet égard, nous vous invitons à nous faire savoir si votre organisme a subi des compressions ou si les programmes qui le soutiennent ont changé de critères. Nous pourrons ainsi intégrer ces éléments dans une analyse plus formelle des conséquences du budget fédéral 2012. Vous pouvez communiquer avec nous via communications@ccarts.ca