Téléfilm Canada : des impacts encore difficiles à évaluer
Téléfilm recevait en 2011–2012, 105,7 millions de dollars de Patrimoine canadien. Pour l’année 2012–2013, son budget sera amputé de 10,6 millions de dollars en trois ans; une compression de 10%.
Dès l’été dernier, le gouvernement avait avisé les agences qu’elles auraient à couper de 5 à 10% de leur budget. Si les observateurs ne sont pas surpris des coupes à Radio-Canada – elles étaient annoncées et souhaitées par plusieurs membres du gouvernement – les compressions à Téléfilm et à l’ONF ont causé plus d’étonnement. Certains se sont demandé si c’est pour ne pas pour isoler Radio-Canada que les agences de l’audiovisuel ont été touchées.
Lors d’une entrevue à l’émission de George Stroumboulopoulos diffusée le 10 avril dernier sur les ondes de la télévision de la CBC, le ministre James Moore répond en partie à cette question. « Téléfilm et l’ONF ont adopté les nouvelles technologies avec tant de succès et de telle façon qu’ils peuvent facilement s’adapter avec un peu moins d’argent. »
Certes, le Fonds des médias demeure intact (après de multiples changements) mais il s’agit d’un partenariat public/privé — modèle privilégié par le gouvernement. Dans l’Annexe 1 du plan budgétaire annoncé par le ministre des finances, Patrimoine canadien annonce ses couleurs : « Le ministère se concentrera sur les activités de financement donnant lieu à des contribution de la part de partenaires. »
De ce point de vue, on aurait pu croire que Téléfilm s’en sortirait mieux. Le 2 mars dernier, l’agence annonçait la création d’un fonds de dons privés avec l’appui de la Chambre de Commerce du Canada. Dans ce cas, les contributions sont considérées comme des « dons au Canada » aux fins de l’impôt, ce qui signifie que les entreprises donatrices auront droit à une déduction fiscale, tandis que les particuliers auront droit à un crédit d’impôt. Téléfilm Canada estime que lorsque le fonds fonctionnera au maximum de sa capacité, il pourrait être doté d’un budget annuel de 5 millions de dollars. Bien sûr c’est peu, mais l’idée de ce fonds et de la diversification a dû plaire au Ministère. Quoiqu’il en soit, ce fonds ne constitue pas une panacée. Le CRTC a accepté que ce fonds soit admissible dans le cadre des avantages aux transactions, peut-être pourrait-il atténuer un tout petit peu le ralentissement de la production.
De plus Téléfilm a semble-t-il livré au moins en partie la marchandise. Deux films soutenus par l’agence ont été nommés aux Oscars; Cannes ouvre encore une fois la porte à Cronenberg (père fils) et à Dolan; et le ministre Moore organise des soirées très courues à Ottawa pour mettre en valeur le cinéma canadien. Il est vrai que les cibles de part de marché établies il y a quelques années n’ont pas été atteintes : dans le cas des films anglophones en particulier. Et les retours sur l’investissement se font toujours attendre.
Ceci étant dit, où coupera-t-on? Dans un communiqué daté du 11 avril Téléfilm annonçait des réductions de 1 millions de dollars dans l’administration et 1, 7 millions dans les programmes.
L’aide au développement sera amputée de 700 000 dollars et on note une réduction de 500 000 dollars du soutien aux initiatives en matière de formation et événements. Enfin, l’aide aux longs métrages de documentaires est coupée de moitié pour un montant de (- 500 000 dollars), mais Téléfilm est confiant de pouvoir retrouver ce montant par d’autres moyens.
Y aura-t-il moins de films produits l’année prochaine? Plusieurs croient que malgré les efforts de l’agence pour ne pas couper dans le programme de longs métrages de fiction, il s’en produira moins.
Certains observateurs estiment que le Québec, qui investit substantiellement dans l’équité des longs métrages québécois, pourrait s’en sortir mieux que les producteurs qui œuvrent dans les autres provinces. En fait, les effets de levier dus aux investissements de la SODEC et au succès du cinéma québécois pourraient être bénéfiques, mais tout cela a ses limites.
Par contre, les provinces trop timides en matière d’investissement seront les grandes perdantes de ces compressions. Et c’est là que le bât blesse. Comme on le sait, la Saskatchewan éliminera son crédit d’impôt à la production audiovisuelle et la Colombie Britannique, en n’investissant pas davantage, perd du terrain au profit de l’Ontario et du Québec. Or, allier des gels ou des compressions aux coupes à Téléfilm risque de nuire grandement à cette industrie.
Peu d’alternatives s’offrent donc à ces provinces, à moins que la coproduction avec des pays en émergence se concrétise. Cela fait des années qu’on en parle, mais peu de progrès ont été réalisés en ce qui a trait à la signature d’un traité avec l’Inde par exemple. Quoi qu’il en soit, si la coproduction peut aider un peu nos producteurs de langue anglaise, nous doutons que cela puisse équilibrer les pertes encourues.