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Chambre des communes — Projet de loi C-427

Loi recon­nais­sant les réal­ités des artistes canadiens

Le 26 sep­tem­bre 2012

M. Tyrone Ben­skin (Jeanne-Le Ber, NPD

Mon­sieur le Prési­dent, je tiens à vous féliciter de votre nom­i­na­tion. Comme je vous ai déjà demandé con­seil à quelques reprises par le passé, je sais à quel point vous pos­sédez toutes les qual­ités req­ui­ses pour suc­céder à l’ancienne vice-présidente.

Je suis très heureux d’intervenir à la Cham­bre aujourd’hui en tant qu’artiste et député pour par­ler de ce pro­jet de loi. Il ne s’agit pas d’une idée nou­velle ni par­ti­c­ulière­ment géniale, mais c’est une idée importante.

Le pro­jet de loi d’initiative par­lemen­taire C-427, que je par­raine, vise à accorder aux artistes la pos­si­bil­ité d’étaler leur revenu. Le milieu artis­tique souhaite la mise en place de ce mécan­isme depuis plus de 15 ans, car c’est une ques­tion très impor­tante pour ses membres.

Le nom que j’ai donné au pro­jet de loi vise à recon­naître la valeur des artistes et leurs réal­ités, car c’est l’objet qu’il cherche à attein­dre. Il tient compte des fluc­tu­a­tions qui car­ac­térisent le revenu des artistes au cours de leur car­rière et fixe une valeur à ce fac­teur au moyen de la Loi de l’impôt sur le revenu.

J’ai divisé le pro­jet de loi C-427 en deux par­ties. La pre­mière par­tie ren­ferme les dis­po­si­tions sur l’étalement du revenu aux fins de l’impôt, en vertu desquelles un artiste indépen­dant peut utiliser le revenu qu’il touche au cours d’une année don­née et l’étaler sur les deux à cinq années précédentes.

Cette mesure est impor­tante parce que la vie des artistes est très par­ti­c­ulière. Ils se débrouil­lent avec un salaire de 20 000 à 40 000 $ par année puis, un jour, à force de tra­vail et de patience, ils finis­sent par­fois par percer. Les acteurs, par exem­ple, peu­vent obtenir un rôle dans une série télévisée ou un rôle par­ti­c­ulière­ment impor­tant dans un film et voir alors leurs revenus passer de 30 000 à 250 000 $. Pour ces artistes, c’est la con­sécra­tion, la recon­nais­sance de leur tal­ent, mais, au point de vue fis­cal, cette hausse de revenus a des réper­cus­sions qui se fer­ont sen­tir pen­dant plusieurs années.

J’ai déjà par­ticipé à une série qui était tournée en Afrique du Sud et pour laque­lle je me suis absenté du pays pen­dant env­i­ron un an. Lorsque je suis revenu, per­sonne ne savait où j’avais été. La série n’a pas été dif­fusée et j’ai passé l’année suiv­ante à rebâtir ma car­rière et à gag­ner moins qu’avant cette aventure.

Grâce au pro­jet de loi, les inter­prètes, les visu­al­istes ou les pein­tres qui con­sacrent des années entières à une sculp­ture ou à une série de toiles béné­ficieraient d’une allo­ca­tion en atten­dant de ven­dre leurs oeu­vres. On espère qu’ils y parvien­dront, mais il arrive qu’ils doivent retourner à la case de départ parce que, pen­dant qu’ils tra­vail­lent, ils ne génèrent aucun revenu.

Le pro­jet de loi C-427 per­me­t­trait aux artistes indépen­dants d’étaler les retombées finan­cières de leur tra­vail sur les qua­tre années précé­dentes. Essen­tielle­ment, leurs déc­la­ra­tions de revenus de ces qua­tre années seraient rajustées.

Je tiens à sig­naler que le pro­jet de loi vise ce que j’appelle les artistes ouvri­ers. Il s’agit d’artistes qui tra­vail­lent tous les jours dans l’espoir de con­naître beau­coup de suc­cès, ce qui est le cas de la très grande majorité des artistes cana­di­ens. S’ils sont chanceux, ils y parvi­en­nent cer­taines années, mais pas de façon con­tinue. Le pro­jet de loi C-427 ne con­cerne pas les artistes qui ont « gagné le gros lot », comme on pour­rait dire, ceux qui, par exem­ple, par­ticipent à une série qui demeure à l’antenne pen­dant de nom­breuses années ou dont les oeu­vres se vendent tou­jours à fort prix. Le pro­jet de loi n’a pas été conçu pour eux, mais plutôt pour les artistes ordi­naires qui tri­ment dur.

La sec­onde par­tie de mon pro­jet de loi pro­pose une exemp­tion d’impôt sur la pre­mière tranche de 10 000 $ de revenu résiduel. On entend par revenu résiduel tout revenu provenant de rede­vances ou de paiements résidu­els, comme il y en a dans l’industrie ciné­matographique. La plu­part des gens con­nais­sent la ver­sion améri­caine du sys­tème des verse­ments résidu­els selon lequel les artistes sont rémunérés pour chaque représen­ta­tion ou dif­fu­sion d’une oeu­vre. Au Canada, le sys­tème fonc­tionne dif­férem­ment. Les comé­di­ens qui jouent dans des films ou des émis­sions de télévi­sion touchent un cachet dès le début, puis les pro­duc­teurs ou les dis­trib­u­teurs peu­vent utiliser l’oeuvre pen­dant une péri­ode de deux à qua­tre ans avant que les paiements fin­aux ou résidu­els soient ver­sés. Ce n’est qu’après la péri­ode de deux à qua­tre ans que les paiements résidu­els com­men­cent à être versés.

J’ai déjà reçu des chèques de 1,45 $ qui m’ont coûté plus cher à encaisser que le mon­tant du chèque. Toute­fois, les chèques peu­vent aller de 2 $ à 200 $. Cet argent est impor­tant du fait qu’il est inat­tendu. C’est de l’argent sur lequel on ne peut pas compter parce qu’on ne peut pas prédire si une oeu­vre se ven­dra bien. Bien sou­vent, c’est ce revenu résiduel, qui ren­tre tout au long de l’année, qui fait qu’on peut boucler ou non son bud­get à la fin de l’année. Je veux qu’une tranche d’au plus 10 000 $ de l’argent provenant de ce sys­tème de paiements résidu­els soit exempte d’impôt pour que les artistes cana­di­ens puis­sent en disposer.

L’aspect économique de cette mesure est assez sim­ple. J’ai fait éval­uer le coût du pro­jet de loi. Le coût pour les deux par­ties est d’environ 25 mil­lions de dol­lars et c’est un chiffre arrondi. Toute­fois, ce n’est pas une perte de 25 mil­lions de dol­lars pour l’État. Cette somme de 25 mil­lions de dol­lars retourn­erait dans les poches des artistes qui tra­vail­lent et qui peu­vent la réin­ve­stir dans leur tra­vail, comme le fait une petite entre­prise. Ne vous y méprenez-pas. Les acteurs, les inter­prètes et les artistes sont de petites entre­prises. Ils peu­vent réin­ve­stir dans l’économie en con­som­mant. Cet argent retourne dans les cof­fres de l’État sous forme de taxe de vente ou par l’intermédiaire d’investissements. Nous ne par­lons donc pas d’une perte de 25 mil­lions de dollars.

La ques­tion de l’équité a été soulevée dans mes dis­cus­sions avec mes col­lègues. D’autres métiers, comme ceux de courtier d’assurance, d’agent immo­bilier ou d’agriculteur, sont soumis à des cycles. La ques­tion con­siste à déter­miner com­ment procéder pour un secteur en par­ti­c­ulier. Ce que je dis, c’est que la main-d’oeuvre a changé au Canada et ailleurs dans le monde.

Il fut une époque où il était pos­si­ble de classer tout un cha­cun dans quelques caté­gories. Il y avait les ouvri­ers, les ges­tion­naires et les pro­fes­sion­nels, ou quelque chose du genre. De nos jours, il y a toutes sortes de spé­cial­i­sa­tions. Prenons la pro­fes­sion médi­cale, par exem­ple. On ne peut plus aller voir un omniprati­cien. En fait, de moins en moins d’étudiants en médecine prévoient devenir des omniprati­ciens. Ils se spé­cialisent. Main­tenant, on va con­sul­ter un car­di­o­logue ou un ORL.

L’ensemble de la main-d’oeuvre dans le monde, mais surtout au Canada, se spé­cialise tout autant. Le monde de la TI grouille de spé­cial­ités ayant cha­cune ses prob­lèmes par­ti­c­uliers. Il faut com­mencer à abor­der le marché du tra­vail sous cet angle.

Depuis plus de 15 ans main­tenant, les artistes ten­tent de faire recon­naître cette dif­férence. La grande majorité des artistes indépen­dants ne peu­vent béné­ficier de presta­tions d’assurance-emploi ou d’un régime de retraite. Le milieu cul­turel a dû créer ses pro­pres organ­ismes pour pren­dre soin de l’avenir des artistes. L’ACTRA a la Société frater­nelle ACTRA, acces­si­ble à tout le monde dans l’industrie. Les artistes peu­vent ainsi cotiser à un REER ou à une assurance-maladie com­plé­men­taire par l’entremise de cette société fraternelle.

Cela fait des années que les artistes se plaig­nent de ne pas être pris au sérieux par les ban­ques. Un de mes col­lègues, qui avait déjà pro­duit deux séries, voulait acheter une mai­son. Pour obtenir une hypothèque, il a dû deman­der à son père de se porter garant. Cette sit­u­a­tion a amené l’ACTRA, de Toronto, à créer la CASCU, une caisse d’épargne et de crédit qui com­prend mieux le style de vie des artistes et des créateurs.

Voilà cer­taines ini­tia­tives que la com­mu­nauté a prises elle-même; il est absol­u­ment essen­tiel que l’on com­mence à recon­naître la valeur économique de nos artistes: un investisse­ment de 8 mil­liards de dol­lars donne un ren­de­ment de 85 mil­liards de dol­lars. C’est un très bon ren­de­ment. Nous aime­ri­ons que l’on recon­naisse que les artistes n’ont pas accès aux mêmes pro­grammes que les autres et qu’on tente, dans l’intérêt de l’équité, de met­tre tout le monde sur un pied d’égalité. Des excep­tions sont déjà prévues dans le régime fis­cal pour diverses raisons, tout aussi jus­ti­fiées les unes que les autres, que ce soit pour les enfants ou pour l’investissement. Il y a toutes sortes de pro­grammes, comme le crédit d’impôt pour les pom­piers volon­taires qui est utile mais qui n’est offert qu’aux pom­piers volontaires.

Pour revenir à la ques­tion d’équité, l’étalement du revenu aux fins de l’impôt est une façon de met­tre sur un pied d’égalité un secteur sans pareil du paysage cana­dien, le secteur artis­tique, et de créer un sys­tème qui recon­naît la con­tri­bu­tion légitime des artistes à l’économie cana­di­enne. Je répète que les artistes ne sont pas recon­nus comme dirigeant des petites entre­prises; il faut met­tre de côté l’image qu’on a des artistes comme étant des hip­pies chevelus qui passent leur temps sous un arbre à écrire des chan­sons, dis­ant: « Ouais, trop cool ». Ce sont des gens d’affaires légitimes. Ils con­tribuent en bonne et due forme à l’économie.

J’affirme, au nom de tous les artistes indépen­dants du Canada, que tout ce que veu­lent les artistes, c’est vivre du fruit de leur labeur. Ils veu­lent pou­voir élever une famille. Ils veu­lent pou­voir acheter une voiture et la faire rouler, bien que ce ne soit pas donné ces jours-ci. Ils veu­lent pou­voir acheter une mai­son, inve­stir dans leur avenir. La loi sur l’étalement du revenu des artistes aux fins de l’impôt tiendrait compte des cir­con­stances par­ti­c­ulières des artistes et con­tribuerait à l’atteinte de ces objectifs.

Voilà qui ter­mine mon dis­cours. Il me fera plaisir d’entendre les opin­ions et obser­va­tions de mes col­lègues et de répon­dre à leurs questions.

Reponse et Question

M. Bev Ship­ley (Lambton—Kent—Middlesex, PCC): 

Mon­sieur le Prési­dent, j’essaie de com­pren­dre le coût réel du pro­jet de loi C-427 pour les Cana­di­ens. Nous n’en avons pas parlé, mais je crois que c’est un aspect auquel nous devons nous attarder, pour de nom­breuses raisons. Ce pro­jet de loi coûtera de l’argent aux con­tribuables partout au pays. Le député peut-il me dire quel serait le coût du pro­gramme sur un an? Nous avons évalué que le coût min­i­mal serait de 25 mil­lions de dol­lars par année.

Le député s’est-il demandé où on pren­dra l’argent ou quels pro­grammes fer­ont l’objet de com­pres­sions? Peut-il nous don­ner une idée de la façon dont il s’y pren­dra pour recueil­lir les sommes nécessaires?

M. Tyrone Ben­skin:

Mon­sieur le Prési­dent, la députée a rai­son. Par l’entremise du directeur par­lemen­taire du bud­get, nous avons obtenu, du min­istère des Finances, une éval­u­a­tion des coûts. Au total, les coûts s’élevaient à 25 mil­lions de dollars.

D’où viendrait l’argent? Tout bud­get élaboré par un gou­verne­ment est le résul­tat d’une série de déci­sions. Les façons de procéder con­crètes et pré-établies n’existent pas.

Il s’agit de faire des choix. Par exem­ple, si des mil­liers d’emplois sont sup­primés, on épargn­era dans un cer­tain secteur, certes, mais on doit se rap­peler que des mil­liers de gens ne toucheront plus de revenu et ne paieront donc plus de taxes. Ces mil­liers de per­son­nes vont moins con­som­mer, car ils n’auront plus de pou­voir d’achat. Ils ne généreront donc plus de revenus de tax­a­tion. La con­som­ma­tion ne vien­dra plus nour­rir l’économie. Nous gag­nerons un peu d’argent d’un côté, mais nous en per­drons de l’autre. C’est une ques­tion de choix.

Le pro­jet de loi dont on parle n’entraînerait que des coûts mod­estes. Il per­me­t­trait aux artistes de par­ticiper plus active­ment à l’économie et à réin­ve­stir en eux-mêmes, c’est-à-dire dans leur entre­prise et leur famille.

M. Paul Calan­dra (secré­taire par­lemen­taire du min­istre du Pat­ri­moine cana­dien, PCC):

Notre régime fis­cal est fondé sur l’équité et doit le demeurer. Un gou­verne­ment ne peut pas et ne doit pas faire de gag­nants ou de per­dants dans son régime fis­cal. C’est hors de ques­tion. Nous con­tin­uerons de nous con­cen­trer sur la créa­tion d’emplois et de pos­si­bil­ités. Nous con­tin­uerons d’imposer des taxes qui s’appliquent à tous les Cana­di­ens, pas seule­ment à un secteur d’activité ou à un autre.

Le pro­fesseur Kevin Mil­li­gan a exam­iné atten­tive­ment la mesure pro­posée et est par­venu à la con­clu­sion suivante:

    Les poli­tiques fis­cales que pro­pose le NPD n’ont pas encore fait leurs preuves. L’étalement du revenu est une manière fort mal­adroite de soutenir les arts, voire, com­plète­ment inutile. Lais­sons prospérer le débat sur le sou­tien de la cul­ture, mais gar­dons l’étalement du revenu à l’écart de celui-ci.

L’économiste a dit cela parce que, comme l’a men­tionné un député précédem­ment, l’étalement du revenu a été mis à l’essai dans les années 1970 et 1980 et a été aban­donné parce qu’il était non seule­ment injuste, mais aussi irréal­is­able et dif­fi­cile à admin­istrer et qu’en fait, il n’a pas donné les résul­tats escomp­tés. Pour toutes ces raisons, nous avons aban­donné l’étalement du revenu par le passé.

Le gou­verne­ment va con­tin­uer d’appuyer les arts et la cul­ture. Ce secteur d’activité est extrême­ment impor­tant à la dynamique économique. Il con­stitue égale­ment une grande source de fierté pour les Cana­di­ens. Le suc­cès de nos artistes et de nos musées nous rend fiers.

Je remer­cie encore une fois le député d’avoir présenté sa mesure et de nous avoir ainsi donné l’occasion d’en dis­cuter. J’écouterai moi aussi avec intérêt le reste du débat sur la question.

M. Dean Del Mas­tro (secré­taire par­lemen­taire du pre­mier min­istre et du min­istre des Affaires inter­gou­verne­men­tales, PCC)

J’ai pris note de cer­tains points men­tion­nés par le député. Plus pré­cisé­ment, son parti et lui ont parlé à maintes reprises de crédits d’impôt rem­boursables et de l’idée de mod­i­fier tout un éven­tail de pro­grammes du régime actuel afin de met­tre en place des crédits d’impôt rem­boursables. L’idée est mau­vaise, et ce, pour de nom­breuses raisons – l’énormité des coûts n’étant d’ailleurs pas la moin­dre, d’autant plus que le député ne pro­pose aucun moyen de financer ces coûts. Ainsi, ces crédits entraîn­eraient en défini­tive des hausses d’impôt pour tous les Cana­di­ens si nous devions suivre cette voie. Ils men­ac­eraient aussi un cer­tain nom­bre de pro­grammes dont dépen­dent des gens qui ne sont pas admis­si­bles à des crédits d’impôt non rem­boursables, des pro­grammes comme celui de la presta­tion fis­cale pour le revenu de tra­vail, des crédits d’impôt pour enfants, des chèques de rem­bourse­ment de la TPS et de la TVH, d’aide au loge­ment et de la Sécu­rité de la vieil­lesse. Mod­i­fier le fonc­tion­nement des crédits d’impôt aurait une inci­dence sur un très grand nom­bre de pro­grammes financés par les recettes générales du gou­verne­ment, mais les mem­bres du Parti libéral ne pro­posent aucun moyen de financer tout cela.

Les députés présen­tent l’idée de don­ner de l’argent gra­tuit à tout le monde comme une mesure altru­iste et bien­veil­lante, mais, à mon avis, de nom­breux Cana­di­ens savent qu’avec le gou­verne­ment, l’argent qui tombe du ciel, c’est une chimère. Nor­male­ment, l’argent va d’une poche à l’autre, après déduc­tion des taxes et des impôts, ou bien il vient des voisins, des mem­bres de la famille ou des pro­prié­taires d’entreprises. En général, ce qu’il pro­pose représente un fardeau pour l’économie nationale.

Pour en revenir au pro­jet de loi, des principes cap­i­taux régis­sent notre régime fis­cal. Les principes compt­a­bles générale­ment recon­nus, ou PCGR, dont j’ai parlé au député il y a quelques jours, en font par­tie. Notre régime fis­cal repose aussi sur le principe du rat­tache­ment des pro­duits et des charges à l’exercice, qui dit essen­tielle­ment que les revenus perçus et les dépenses effec­tuées au cours d’une péri­ode don­née sont compt­abil­isés en fonc­tion de cette péri­ode. Autrement dit, on ne déduit pas une dépense de 2006 de nos revenus de 2012 et on n’applique pas à 2012 les revenus touchés en 2008. Les revenus et les dépenses sont rat­tachés à la péri­ode aux­quels ils s’appliquent: voilà le fonde­ment de notre fis­cal­ité. Ne pas appli­quer les principes compt­a­bles générale­ment recon­nus, les rejeter, porterait grave­ment atteinte à nos taux d’imposition mar­gin­aux, au car­ac­tère pro­gres­sif de notre régime fis­cal et au cal­cul même des revenus perçus lors d’un exer­cice donné et ver­sés dans les cof­fres de l’État.

C’est un pro­jet de loi qui coûte cher. Comme je l’ai dit au député quand je lui ai parlé, si nous voulons faire cela pour les artistes, il faudrait songer à le faire aussi pour bien d’autres pro­fes­sion­nels, car je pense que des tas de gens, qui exer­cent dif­férents métiers, ont des revenus cycliques.

Mon col­lègue, le secré­taire par­lemen­taire du min­istre du Pat­ri­moine cana­dien, a nommé quelques secteurs d’activité. Les tra­vailleurs qui me sont venus immé­di­ate­ment à l’esprit sont les courtiers en immeu­ble. J’ai parlé de la mesure à cer­tains d’entre eux. Ils seraient enchan­tés de pou­voir trans­férer une par­tie de leur revenu des bonnes années aux mau­vaises années et payer moins d’impôt. Le prob­lème, si nous fai­sions cela, c’est qu’il faudrait alour­dir le fardeau des autres Cana­di­ens dont le revenu n’est pas cyclique. Il faudrait leur faire payer plus d’impôt pour com­penser pour ceux dont les revenus fluctuent. Ce n’est pas juste….

Il faut aussi recon­naître que tous les Cana­di­ens, qu’ils soient artistes, agents d’immeuble, courtiers d’assurance ou autre chose, pren­nent part à la société cana­di­enne. Ils paient de l’impôt et con­tribuent à faire du Canada un meilleur pays. Tous ont droit à un régime fis­cal équitable qui se fonde sur une série de principes directeurs bien défi­nis. Ce sont ces principes qui ont guidé l’évolution du régime fiscal.

C’est pourquoi je m’oppose au pro­jet de loi dont nous sommes sai­sis. Je ne crois pas que le min­istre du Pat­ri­moine cana­dien ait arrêté sa déci­sion, mais je m’oppose per­son­nelle­ment à cette mesure lég­isla­tive, car, à mon avis, elle est con­traire aux principes directeurs bien défi­nis sur lesquels se fonde le régime fis­cal du Canada.

Dans une per­spec­tive plus vaste, com­mencer à par­ler d’étalement du revenu et ainsi de suite, comme l’a dit le député de Kings—Hants, reviendrait à restruc­turer con­sid­érable­ment le régime fis­cal cana­dien, car il ne repose pas sur ces fon­da­tions. D’ailleurs, il faudrait ajuster les taux mar­gin­aux d’imposition sur le revenu, comme par exem­ple la déduc­tion non rem­boursable, qui fig­ure sur la pre­mière ligne de la déc­la­ra­tion de revenus et que tous les Cana­di­ens récla­ment, et toutes sortes de choses pour qu’un nou­veau sys­tème per­me­tte aux Cana­di­ens, et non seule­ment aux artistes, d’étaler leur revenu.

J’ai men­tionné que j’ai été le secré­taire par­lemen­taire du min­istre du Pat­ri­moine cana­dien. L’une des choses que nous avons faites pen­dant cette péri­ode a été d’investir con­sid­érable­ment dans les arts, et je suis très fier de l’orientation très claire don­née par le pre­mier min­istre et lem­i­nistre du Pat­ri­moine cana­dien à cet égard.

Nous dis­posons de nom­breux pro­grammes et d’un éven­tail de moyens pour y par­venir. Ces investisse­ments ont per­mis au secteur cana­dien des arts de devenir beau­coup plus solide. Par exem­ple, on note une aug­men­ta­tion sig­ni­fica­tive du finance­ment octroyé au Fonds du Canada pour les espaces cul­turels et au Con­seil des arts du Canada. Il y a le Fonds de la musique du Canada, le crédit d’impôt pour pro­duc­tion ciné­matographique ou mag­né­to­scopique cana­di­enne, le Fonds du Canada pour la présen­ta­tion des arts et le Fonds du Canada pour la for­ma­tion dans le secteur des arts. Nous avons aussi créé un crédit d’impôt pour aider les par­ents à financer les activ­ités artis­tiques de leurs enfants. L’ensemble de ces pro­grammes a per­mis de bâtir un secteur cul­turel très solide. Je peux par­ler de ma pro­pre col­lec­tiv­ité, car le secteur des arts est très impor­tant à Peter­bor­ough. Sa con­tri­bu­tion est très impor­tante et je pense qu’elle con­tin­uera de l’être.

Je suis fier du sou­tien que le gou­verne­ment cherche à offrir aux arts et je félicite le député pour sa con­tri­bu­tion à la scène artis­tique canadienne.