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Comité des Finances – Projet de loi C-38 — Mesure du budget la culture, la SRC et l’audiovisuel

Mesures du bud­get touchant la cul­ture, la SRC et l’audiovisuel

Réu­nion 67, le 31 mai 2012

Mme Karen Wirsig (Com­mu­ni­ca­tions poli­tiques, Guilde cana­di­enne des médias):

Je m’appelle Karen Wirsig. Je suis coor­don­na­trice des com­mu­ni­ca­tions à la Guilde cana­di­enne des médias, syn­di­cat qui représente quelque 6 000 tra­vailleurs du secteur des médias. Je vous remer­cie de m’avoir invitée à témoigner devant vous aujourd’hui.

 

Le pro­jet de loi C-38 est une ini­tia­tive d’envergure qui apporte des mod­i­fi­ca­tions à un nom­bre incroy­able de lois et de règle­ments et qui porte exé­cu­tion d’un bud­get qui lui-même change fon­da­men­tale­ment ce que fait le gou­verne­ment et com­ment il le fait.

 

À notre avis, il est inap­pro­prié que le pro­jet de loi sur l’exécution du bud­get prévoit des mod­i­fi­ca­tions lég­isla­tives impor­tantes dans une diver­sité de domaines, y com­pris la Sécu­rité de la vieil­lesse, l’assurance-emploi et la pro­tec­tion envi­ron­nemen­tale. En effet, si ces mod­i­fi­ca­tions fai­saient l’objet de pro­jets de loi dis­tincts, nous pour­rions les étudier plus en pro­fondeur, con­sul­ter le pub­lic et assurer davan­tage de transparence.

 

Dans ce con­texte, la déci­sion d’éliminer le Tri­bunal cana­dien des rela­tions pro­fes­sion­nelles artistes-production et de trans­férer ses respon­s­abil­ités au Con­seil cana­dien des rela­tions indus­trielles ne porte pas par­ti­c­ulière­ment à con­séquence, comme l’a souligné Alain, je crois. Bien qu’on ait très peu de détails sur la façon dont ces change­ments se con­cré­tis­eraient, nous pri­ons le gou­verne­ment de faire en sorte que le CCRI dis­pose à la fois des ressources et de l’expertise néces­saires pour régler effi­cace­ment les ques­tions dont le TCRPAP a été saisi par le passé et de traiter les dossiers en instance devant le CCRI dans les meilleurs délais.

 

Je voudrais aussi pren­dre quelques min­utes pour par­ler des réper­cus­sions que pour­raient avoir d’autres dis­po­si­tions du bud­get et du pro­jet de loi C-38 sur la vie des tra­vailleurs du secteur cul­turel canadien.

Pre­mière­ment, le gou­verne­ment a l’intention de faire des com­pres­sions de 191 mil­lions de dol­lars dans les pro­grammes de Pat­ri­moine cana­dien au cours des trois prochaines années, ce qui com­prend une réduc­tion dis­pro­por­tion­née du finance­ment alloué à la CBC/SRC, Télé­film et l’Office national du film du Canada. Non seule­ment ces com­pres­sions priveront les tra­vailleurs cul­turels d’un grand nom­bre de pos­si­bil­ités et affaib­liront un secteur vigoureux de notre économie, mais, à l’évidence, elles empêcheront aussi les Cana­di­ens de voir et d’entendre les réal­i­sa­tions et les créa­tions de leurs com­pa­tri­otes à l’écran et à la radio. Dans le secteur cul­turel, le sou­tien des insti­tu­tions — qu’il s’agisse de notre dif­fuseur pub­lic, des organ­ismes de finance­ment des films ou des musées et des salles de spec­ta­cles — est essen­tiel à la réus­site des artistes dans notre pays vaste et diversifié.

Si on ne regarde que les coupes prévues à la CBC/SRC, nous pou­vons con­stater qu’elles entraîneront la dis­pari­tion de stu­dios régionaux d’enregistrement de musique et d’aide à la pro­duc­tion. Cela sus­cite beau­coup d’inquiétude, surtout sur la légendaire scène musi­cale de Terre-Neuve-et-Labrador. Les pro­duc­teurs de musique, les enreg­istrements et les émis­sions en direct à la CBC ont per­mis de pro­mou­voir la scène musi­cale régionale et nationale, laque­lle con­tribue à façon­ner notre iden­tité et à stim­uler notre économie. En rai­son de la baisse de finance­ment, la CBC a aussi annoncé la fer­me­ture du seul stu­dio de pro­duc­tion télévi­suelle à l’est de Mon­tréal, soit le stu­dio de Hal­i­fax, lieu de tour­nage de l’émission This Hour Has 22 Min­utes. Si ce n’était du sou­tien financier con­sid­érable des organ­ismes gou­verne­men­taux, à com­mencer par la CBC, il n’y aurait pas de secteur de la pro­duc­tion télévi­suelle au pays.

 

Nous deman­dons instam­ment au Par­lement d’examiner l’appui qu’il accorde au secteur cul­turel cana­dien afin d’envisager la pos­si­bil­ité de réin­ve­stir dans les insti­tu­tions qui dif­fusent le con­tenu artis­tique et cul­turel du pays. Plus tard cette année, le Con­seil de la radiod­if­fu­sion et des télé­com­mu­ni­ca­tions cana­di­ennes tien­dra des audi­ences publiques sur le renou­velle­ment des licences de radiod­if­fu­sion de la CBC. Des dizaine de mil­liers de Cana­di­ens par­ticipent déjà au pro­jet Reimag­ine CBC. Les Cana­di­ens savent que les organ­ismes publics tels que la CBC sont indis­pens­ables à la dif­fu­sion de nos his­toires, de notre expéri­ence cul­turelle diver­si­fiée et de nos idées.

 

Nous savons aussi que le secteur cul­turel a une énorme inci­dence sur notre bien-être économique. Par exem­ple, l’an dernier, Deloitte et Touche a révélé que les 1,1 mil­liard de dol­lars que le gou­verne­ment ver­sait à la CBC/SRC se tradui­saient par des retombées économiques de 3,7 mil­liards de dol­lars dans ce secteur d’importance. La guilde est très préoc­cupée par le désen­gage­ment du gou­verne­ment fédéral dans le sou­tien à la culture.

 

Enfin, je voudrais glisser quelques mots sur la façon dont cer­taines des mesures prévues dans le pro­jet de loi toucheront les tra­vailleurs du secteur cul­turel. Les change­ments que le gou­verne­ment pro­pose d’apporter à la Sécu­rité de vieil­lesse nuiront prin­ci­pale­ment aux Cana­di­ens à faible revenu qui n’ont pas accès à un régime de pen­sion offert par l’employeur. Les artistes et les tra­vailleurs du secteur cul­turel cana­dien sont forte­ment représen­tés dans ce groupe. Vu les change­ments apportés à la SV, ces tra­vailleurs à faible revenu passeront une plus grande par­tie de leurs vieux jours dans l’indigence. Le Canada doit offrir un régime de pen­sions décent à tous les types de tra­vailleurs: les syn­diqués et les non syn­diqués, les employés et les tra­vailleurs autonomes. Les change­ments que le gou­verne­ment entend apporter à la SV nous mènent dans la mau­vaise direction.

Les retombées économiques des arts et de la culture

Mme Peggy Nash:

Je voudrais dire à ceux d’entre vous qui sont issus du secteur cul­turel que je suis évidem­ment préoc­cupée par les com­pres­sions qui touchent ce secteur. Dans ma cir­con­scrip­tion, un grand nom­bre de per­son­nes tra­vail­lent dans le milieu des arts et de la cul­ture. J’ajouterais que d’autres témoins nous ont parlé des con­séquences des com­pres­sions à Bib­lio­thèque et Archives, et, bien que le min­istre nous assure que ces com­pres­sions n’auront aucune inci­dence sur la façon dont les choses sont faites, des témoins nous ont affirmé que ce n’était tout sim­ple­ment pas le cas.

 

J’aimerais savoir ce que vous en pensez, car je sais que les arts génèrent des retombées économiques très impor­tantes et con­stituent essen­tielle­ment une indus­trie viable. Il s’agit d’une indus­trie non pol­lu­ante. Ses retombées économiques sont énormes. Peut-être que l’un des représen­tants du secteur des arts pour­rait nous dire briève­ment quelles peu­vent être les con­séquences sur l’économie lorsqu’on com­mence à réduire le finance­ment con­senti au secteur des arts.

M. Alain Pineau:

Très briève­ment, il s’agit d’un secteur qui con­tribue énor­mé­ment à l’économie de la créa­tion, et il existe toutes sortes d’études révélant qu’il y a un lien entre le tra­vail de créa­tion de l’artiste et la créa­tion en général. C’est une ques­tion de for­ma­tion, de gens: les artistes et les tra­vailleurs du milieu cul­turel con­stituent un secteur impor­tant de l’économie. En 2008, le Con­fer­ence Board du Canada a réal­isé une étude mon­trant que la con­tri­bu­tion directe et indi­recte du secteur cul­turel s’élève à plus de 84 mil­liards de dol­lars, alors il s’agit d’un secteur impor­tant de l’économie. Il est impor­tant d’investir dans ce secteur.

En outre, étant donné que nous par­lons de la créa­tion d’emplois et de la prospérité à long terme — l’un des avan­tages du désa­van­tage de la vie d’artiste, c’est qu’il n’en coûte pas cher de créer un emploi artis­tique qui aura un effet cumu­latif, un effet domino, car les artistes ne touchent pas des sommes très élevées.

Je me rap­pelle les chiffres — mais je ne peux vous dire exacte­ment d’où ils sont tirés —, et la créa­tion d’un emploi dans le secteur cul­turel coûte de 30 000 à 35 000 $ env­i­ron. En com­para­i­son, il en coûte env­i­ron 400 000 $ dans l’industrie lourde et quelque 100 000 $ dans l’industrie moyenne.

Si la stratégie con­siste à créer le plus grand nom­bre d’emplois pos­si­ble, il ne faudrait pas faire de com­pres­sions dans le secteur cul­turel. Il faudrait plutôt faire des investissements.

Mme Peggy Nash:

Je prends acte de votre remar­que selon laque­lle le pro­jet de loi sur l’exécution du bud­get, censé stim­uler la créa­tion d’emplois, élim­in­era plutôt des emplois dans le secteur des arts, lequel per­met pour­tant d’en créer avec efficience.

Dean Del Mas­tro au sujet de Radio-Canada

M. Dean Del Mastro:

Merci, mon­sieur le prési­dent. Je suis vrai­ment heureux d’avoir l’occasion de par­ticiper à ce processus.

J’ai fait une petite œuvre d’art que j’aimerais mon­trer aux mem­bres du comité.

Pouvez-vous voir ce chiffre, madame Wirsig? Je ne suis pas un artiste, mais j’ai fait cette oeuvre.

J’ai écrit 100 mil­lions de dol­lars sur cette feuille à l’intention de mes col­lègues. C’est, en gros, à peu près le dou­ble du mon­tant record à avoir jamais été rem­porté à une loterie au Canada.

Est-ce que c’est un nom­bre élevé?

Mme Karen Wirsig:

Évidem­ment.

M. Dean Del Mas­tro:

C’est un nom­bre élevé. Nous sommes d’accord?

C’est ce mon­tant que nous ver­sons à Radio-Canada chaque mois. Cela représente beau­coup d’argent.

La plu­part des Cana­di­ens, quand ils enten­dent des chiffres comme 1,1 ou 5,2 ou encore 3,6, peu importe, ne savent plus s’il s’agit de mil­lions ou de mil­liards de dol­lars et ne peu­vent con­cevoir à quel point ces sommes sont importantes.

La SRC reçoit plus de 1 mil­liard de dol­lars. En comp­tant — un, deux, trois, qua­tre —, il faudrait 32 ans pour arriver à 1 mil­liard. C’est beau­coup d’argent. Et il y a beau­coup de respon­s­abil­ités liés à cette somme.

Il y a une chose qui me sur­prend vrai­ment. Nous avons dis­cuté du fait que les ressources du gou­verne­ment sont lim­itées — elles ne sont pas illim­itées — et que des déci­sions doivent être prises. Le gou­verne­ment a pris un cer­tain nom­bre de déci­sions qui, à mon avis, sont dif­fi­ciles mais néces­saires, y com­pris au sujet du min­istère de la Défense nationale. Je crois que vous avez, dans votre exposé, com­paré le bud­get de Radio-Canada au coût des avions de com­bat. De toute évidence, nous allons dépenser beau­coup plus pour Radio-Canada que pour des avions de com­bat au cours des 30 prochaines années.

Nous four­nissons ce niveau de sou­tien, franche­ment, dans un con­texte où — je crois que vous devriez le recon­naître — il y a aussi, en plus, les médias par­al­lèles et en ligne… C’est là que se retrou­vent les jeunes. Si nous recon­nais­sons que cela représente beau­coup d’argent, pourquoi ne reconnaîtrions-nous pas le fait que le gou­verne­ment, mal­gré les très grands défis aux­quels il fait face, va con­tin­uer de verser plus de 100 mil­lions de dol­lars par mois à Radio-Canada?

M. Dean Del Mas­tro:

J’ai tra­vaillé à Pat­ri­moine Cana­dien. Radio-Canada reçoit un finance­ment direct dont le mon­tant dépasse 1 mil­liard de dol­lars et reçoit en outre quelque 200 mil­lions de dol­lars du Fonds des médias du Canada. En vertu de l’annexe 1, la CBC touche égale­ment des droits de CBC News­world pour chaque Cana­dien — à rai­son de 75 ¢ env­i­ron par Cana­dien —, somme qui est fac­turée par le ser­vice de câblodis­tri­b­u­tion tous les mois.

Il s’agit de sub­ven­tions publiques directes qui aboutis­sent dans le bud­get de Radio-Canada. Il y a ensuite les pub­lic­ités du gou­verne­ment, qui s’ajoutent à tout cela.

Je ne veux pas trop m’attarder sur le sujet, mais je crois qu’il est impor­tant de recon­naître que, mal­gré les choix dif­fi­ciles que le gou­verne­ment a faits, nous sommes le seul pays du G-8 — le seul — à avoir aug­menté le finance­ment des arts et de la cul­ture pen­dant la réces­sion. C’est le seul. Nous avons fait ce choix dif­fi­cile parce que nous savions que le secteur qui serait prob­a­ble­ment le plus visé et le plus touché serait prob­a­ble­ment le secteur du diver­tisse­ment. Dans les moments dif­fi­ciles, c’est un des secteurs dont les gens se retirent.

Le gou­verne­ment a donc fait ce choix, et aujourd’hui il doit faire un pas en avant et équili­brer les comptes. En don­nant à Radio-Canada l’argent dont elle a besoin pour réaliser son plan pour 2015, je crois que nous avons prouvé que nous l’appuyons, même si, hon­nête­ment, un cer­tain nom­bre de Cana­di­ens se deman­dent si cet investisse­ment est judi­cieux. Je sais qu’il y a beau­coup de Cana­di­ens qui pensent le con­traire, mais nous avons donné notre appui.