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Comité permanent du Patrimoine canadien — Budget principal des dépenses 2012–2013 — L’importance de financer les arts

L’hon James Moore - Au sujet de l’importance de financer les arts

 Le 29 mai 2012

M. Ter­ence Young (Oakville, PCC):

Pourriez-vous dire com­ment le finance­ment sta­ble des arts — je pense au Con­seil des Arts du Canada — prof­ite directe­ment à l’économie canadienne?

L’hon. James Moore:

On a émis cer­taines cri­tiques. Vous vous sou­venez peut-être de l’entrevue avec Mag­gie Gillis qui a été prise à par­tie, parce qu’on pré­sumait que les arts n’offraient pas de ren­de­ment sur l’investissement. C’est par­fois vrai, mais on ne peut pas réaliser une analyse très sta­tique du ren­de­ment de l’art, comme on le fait pour un pont. Selon le nom­bre de pas­sages, la vitesse moyenne, les gens qui font l’aller-retour entre le tra­vail et dif­férents quartiers de la ville, on pré­sume qu’un cer­tain vol­ume d’émissions de gaz à effet de serre ne sont pas rejetées dans l’atmosphère et que la pro­duc­tiv­ité est améliorée. Nous pou­vons effectuer ce genre d’analyses pour un cer­tain nom­bre de pro­jets, comme la con­struc­tion d’un navire, mais l’investissement dans les arts ne se prête pas à une analyse sim­ple, rapide et sta­tique des retombées socioé­conomiques. C’est sou­vent pourquoi ceux d’entre nous qui croient que l’économie cul­turelle est impor­tante doivent per­sis­ter, insis­ter et rap­peler ce que les arts sig­ni­fient pour notre économie et notre société.

Les don­nées macroé­conomiques sont con­nues, et je les répète dès que j’en ai l’occasion. Les arts et la cul­ture représen­tent 46 mil­liards de dol­lars pour l’économie cana­di­enne et plus de 640 000 emplois. C’est trois fois la valeur de l’industrie de l’assurance au Canada et deux fois celle du secteur forestier. C’est un élément majeur de notre économie.

Durant les Fran­co­Folies, les gens afflu­ent à Mon­tréal pour assis­ter à des con­certs épatants. Ils dor­ment à l’hôtel, achè­tent de l’essence, des sand­wichs, des bois­sons et ils sor­tent en ville le soir. Ils vont peut-être vis­iter Charlevoix ou Québec aussi. C’est sou­vent dif­fi­cile de chiffrer les retombées économiques et les avan­tages, mais nous savons qu’il y en a.

Par ailleurs, le prix des maisons aug­mente si elles sont situées près d’un parc, comme à Van­cou­ver où se tient le fes­ti­val Bard on the Beach. Com­ment chiffrer les retombées économiques et con­naître le ren­de­ment du cap­i­tal investi dans les arts si nous soutenons ce fes­ti­val? Tous les con­dos à Kit­si­lano et dans l’ouest de Van­cou­ver valent plus cher, à cause des espaces verts, des arts, de la cul­ture et du milieu de vie entretenu depuis des années.

Ça entraîne des retombées économiques, mais nous ne pou­vons pas dire com­bien exacte­ment à ceux qui cri­tiquent les arts, qui deman­dent com­bien d’argent a été investi dans Bard on the Beach, com­bien de bil­lets ont été ven­dus et qui con­clu­ent que c’est mau­vais pour l’économie. C’est faux de pré­ten­dre qu’il n’y a pas d’avantages. Les investisse­ments dans la cul­ture sont des investisse­ments dans l’économie. À long terme, ils stim­u­lent l’imagination des enfants et les font réfléchir.

Con­cer­nant les enfants de la prochaine généra­tion, qui vont inven­ter des applis pour le iPad, innover sur le plan tech­nologique et façon­ner l’avenir, il faut com­pren­dre que le déclic ne survient pas lorsqu’ils choi­sis­sent leurs majeures à l’université ou au col­lège, après l’école sec­ondaire ou la 13e année. Ça com­mence à cinq ou six ans, lorsqu’on les amène voir les arts de la scène et qu’on leur fait écouter de la musique, ce que leurs par­ents n’ont peut-être pas l’occasion de faire. Lorsque les enfants par­ticipent à des événe­ments cul­turels, leurs synapses s’activent. Les lobes du cerveau asso­ciés à la cul­ture s’éveillent à un très jeune âge. C’est à cinq ou six ans que l’étincelle se produit.

Le gou­verne­ment doit par­fois sub­ven­tion­ner les activ­ités cul­turelles et col­la­borer avec des organ­i­sa­tions pour que les enfants puis­sent vis­iter les musées des beaux-arts et les musées et vision­ner des films. C’est telle­ment impor­tant. Les retombées économiques sont incommensurables.

Vous devez con­naître le livre de Richard Florida, qui seg­mente les États-Unis en dif­férentes zones. Même s’il n’a pas tou­jours rai­son, il indique à juste titre que ce n’est pas une coïn­ci­dence si la région la plus prospère et la plus inno­vante en ce qui a trait à l’économie numérique est celle où se situent Berke­ley et San Fran­cisco. Cette ville est une des plus créa­tives aux États-Unis et elle con­stitue une plaque tour­nante de la cul­ture et des arts en Amérique du Nord. Ce n’est pas un hasard si toutes les entre­prises tech­nologiques sont établies là-bas aussi. Ces secteurs s’influencent l’un l’autre.