Hubert Lacroix
Le nouveau statu quo, c’est le changement
À quelques jours des audiences publiques sur le renouvellement des licences de la Société Radio-Canada, il est certain le sujet a été au cœur même de notre conversation. Le plan stratégique 2015, « Partout, pour tous, » est encore dans la ligne de mire, même si sa mise en œuvre a été un peu décélérée par les compressions de 115 millions de dollars. La vision de la SRC demeure claire et rien ne semble pouvoir l’éloigner des objectifs qu’elle s’est fixée. Trois axes du plan se retrouvent dans la demande de renouvellement de licence :
- Plus d’histoires distinctives préparées par, pour et sur les Canadiens;
- Une présence régionale accrue – pour être là où les Canadiens veulent que nous soyons; et,
- Plus de services numériques – rejoindre les Canadiens et engager avec eux un dialogue sur de nouvelles bases.
Pour atteindre ces objectifs, la demande de renouvellement de la SRC inclut la diffusion de publicités nationales sur Espace Musique et sur Radio2. Pour le président de la Société cette demande est essentielle pour assurer la mise en œuvre du plan 2015.
L’élimination du Fonds d’aide à la programmation locale (FAPL) fait très mal à Radio-Canada, particulièrement au service français. « La programmation locale qui est présentée par les radiodiffuseurs privés est souvent le résultat d’avantage aux transactions. Cette programmation est maintenue artificiellement par des conditions de licence du CRTC. Dès que les avantages seront échus, il ne restera que Radio-Canada. Il n’y a aucun radiodiffuseur privé qui trouvera qu’il y a un marché pour présenter de la programmation locale de langue française en Saskatchewan, mais Radio-Canada sera toujours là. »
Enfin le déploiement des contenus et des services sur l’ensemble des plateformes, particulièrement sur le numérique, est l’élément clé de la stratégie de la Société. Plus de sept millions de Canadiens n’avaient pas accès à des services locaux ou régionaux de CBC/Radio-Canada il y a à peine quelques années, maintenant il n’y en a que 6 millions. Certaines villes sont couvertes uniquement par le Web. C’est le cas de la ville de Hamilton en Ontario pour laquelle CBC a initié un site Web de nouvelles locales, de météo, de discussions sur les enjeux locaux, sur la circulation et les choses à faire. Est-ce l’avenir? C’est certainement une façon de s’enraciner dans le numérique et dans la vie des gens.
Mais outre cette stratégie, la conversation au sujet de Radio-Canada tourne souvent autour du milliard de dollars qui lui est accordé et de l’utilité d’un radiodiffuseur public dans un monde où les contenus sont multipliés et diversifiés. Amener Hubert Lacroix sur ce terrain c’est comme pousser le bon bouton. Il devient passionné, intraitable, mais jamais sur la défensive. « CBC-Radio-Canada reçoit un milliard de dollars pour diffuser en français, en anglais, pour le Nord, sur la radio, la télévision et le Web; on doit être innovateur, desservir les Canadiens en les divertissant et en les informant. Le milliard que l’on reçoit représente en fait une valeur de 4 milliards de dollars en retombées économiques, en emplois, en production. Radio-Canada investit 700 millions de dollars en programmation canadienne; les autres joueurs? 500 millions$. Tous les mois, 88% des Canadiens visitent, écoutent ou regardent un de nos services au moins une fois. CBC et la SRC sont les seuls à raconter nos histoires. Chez les privés, seule TVA fait de l’excellent travail dans ce domaine. Nous sommes les seuls à faire la promotion des arts et de la culture partout au pays. Ce que je dis à ces gens-là c’est : si vous ne voulez plus de programmation locale, si vous ne voulez plus de contenu canadien significatif, si vous ne voulez plus de soutien aux arts et à la culture, arrêtez-ça. » Mais avons-nous vraiment le goût d’arrêter ça? Pas vraiment. Alors nous parlons de l’avenir.
L’avenir de Radio-Canada, du moins pour les prochaines années, se trouve entre les mains du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC). En fait, lorsque le Conseil élimine le FAPL, lorsque le Conseil refuse de réglementer l’Internet et la mobilité; lorsque le Conseil maintient qu’il ne demandera pas aux fournisseurs d’accès Internet de contribuer au système de radiodiffusion, il définit ce que sera le système de demain. Nous savons que les montants des avantages liés aux transactions seront bientôt taris car il reste fort peu à acquérir! Comment alors financerons-nous notre système, comment continuer à assurer une présence canadienne sur l’ensemble du marché? « Si on veut sauvegarder notre écosystème, chaque joueur a un rôle à jouer, » affirme Hubert Lacroix.
Mais pour Radio-Canada, comme pour tout le monde en ce moment, l’avenir est au changement. « Ça va constamment changer, cela n’ira pas mieux. Il faut être créatif, non seulement dans ce que l’on produit, mais dans la façon dont on nous finance. Les employés de Radio-Canada le savent, le comprennent et on se soutient là-dedans. Et quand on pense qu’on a terminé, on recommence. Change is the new status quo, » conclut le président de Radio-Canada.
Biographie
M. Lacroix a pratiqué le droit pendant 30 ans dont, jusqu’en 2007, auprès du bureau de Stikeman Elliott. Il a acquis de solides connaissances en matière de radiodiffusion et auprès de l’industrie de l’édition par l’entremise de sa participation à Télémédia et au sein d’autres entreprises. M. Lacroix a travaillé à Radio-Canada où il s’est fait connaître comme analyste sportif lors des matchs de basketball des Jeux olympiques de 1984, 1988 et 1996. À cette période, il travaillait à la fois pour les réseaux de radio et de télévision. Il a également été un collaborateur hebdomadaire régulier à l’émission du samedi soir Hebdo-Sports à la radio de Radio-Canada, où il traitait principalement de sport amateur.
Au cours des dernières années, M. Lacroix a aussi siégé au sein des conseils d’administration de sociétés telles qu’Aventure Électronique, Cambior, Circo Craft, Donohue, Fibrek, Fonds d’investissement ITS, Michelin Canada, Secor Transcontinental, et Zarlink Semiconducteurs, en plus d’organismes sans but lucratif comme l’Accueil Bonneau, la Fondation de l’Hôpital Général de Montréal, la Fondation Martlet de l’Université McGill, et le Fonds de développement du Collège Jean-de-Brébeuf. Il est encore fiduciaire de la Fondation Lucie et André Chagnon, ainsi qu’un administrateur de leur société de gestion privée.