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Charles Huot et la peinture d'histoire au
Palais législatif de Québec (1883-1930)
par Robert Derome
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Ses relations avec de nombreux hommes politiques portraituré, (17) ainsi qu'une publicité
journalistique bien orchestrée, (18) lui
permettent d'être considéré comme le peintre choisi à cette
fin.
En février 1886 Hamel offre son esquisse aux parlements de Québec et d'Ottawa, aux historiens et graveurs,
ainsi qu'au Musée de l'université Laval. (19)
En outre, il présente par écrit au département des Travaux
publics un projet
et devis de décoration intérieure (20) tout en les mandant «
de vouloir
bien ne rien décider avant d'[en] avoir pris communication ». Aucune réaction
n'y faisant
suite, il récidive en annonçant qu'il a terminé deux esquisses, «
La réception de C. Colomb par
Ferdinand
& Isabelle et la Visite de J. Cartier à Mont Royal » (voir fig.
4, 5). Derechef, il annonce qu'il en a commencé deux autres. Apparemment
confirmé dans cette voie, il « demande à toucher $1000.00
sur les travaux de ce genre faits & à faire, suivant [la] commande
du gouvernement ». Ernest Gagnon, secrétaire du département
des Travaux publics, transmet ces doléances à l'architecte
Taché. Le 13 décembre 1886 on émet un chèque
de $250 à l'ordre du peintre. Les deux esquisses terminées
sont exposées en mai 1888 dans la salle de l'Assemblée législative. (21)
Jugeant qu'il avait été trop peu payé (22) et désirant
écarter tout conflit d'intérêt (Hamel allait devenir
fonctionnaire), (23) il avise le gouvernement en février 1889 qu'il
renonce à décorer le Palais législatif et, à
cet effet, il retire son projet. (24) Par ailleurs, on avait probablement
été rebuté par cette imagerie peu enthousiasmante
et par l'ésotérisme des sujets, articulés autour du
thème central « Le triomphe de la civilisation sur la barbarie »,
tels que « La danse de guerre la nuit précédant le
combat du lac Saint-Sacrement (8 mai 1608), d'après le récit
de Champlaim » et « Christophe Colomb après sa découverte
de l'Amérique est reçu publiquement à Barcelone par
le Roi et la Reine, Ferdinand et Isabelle ». Néanmoins, trois
thèmes proposés seront abondamment exploités par
d'autres artistes: « Jacques Cartier plantant la croix sur laquelle
il plaça les armes de France, prenant ainsi solennellement possession
du pays au nom du Roy François Ier »; « La première
messe dite à Montréal d'après le récit de Parkman
»; « Frontenac reçoit l'envoyé de Philipps
qui le somme de lui remettre le fort de Québec avec sa garnison ».
Si des fonds étaient disponibles pour la sculpture,
pourquoi retardait-on les travaux picturaux? D'une part, Bourassa et Hamel
exigeaient des honoraires beaucoup trop élevés. (25) D'autre
part, les projets soumis ne semblaient pas se fondre aux critères
et à l'idéologie des politiciens, tel que le confirme un
rapport de Taché soumis en 1886:
« Dans les façades de cet édifice, il a
été fait une belle part à l'ornementation
sculpturale;
mais l'intérieur offre aussi un vaste champ à la décoration
nturale, à laquelle se prêtent avec tant de richesses les
épisodes si variées & si grandioses de notre histoire.
Un artiste distingué de notre pays, M. Napoléon
Bourassa, Vice-président de l'Académie Royale Canadienne
des Beaux-Arts, possède tout le talent d'inspiration, la facilité
de composition, les connaissances historiques et le patriotisme nécessaires
à la conception d'un beau et noble travail de ce genre. Avec l'aide
de Mr Eugène Hamel et de M. Charles Huot qui connaissent
à fond toutes les ressources de leur art, l'on pourrait doter notre
pays d'une oeuvre artistique telle qu'il n'en a pas encore été
entrepris de semblable sur ce sol d'Amérique.
En accordant à ces artistes un montant égal
aux deux tiers de la somme que l'on se propose de mettre à la disposition
de M. Hébert, il serait facile, j'en suis certain, de leur
permettre d'atteindre ce but ». (26)
Quatre ans plus tard, devant l'inaction du gouvernement,
Louis Fréchette fait campagne en faveur de Hamel et Huot:
« On a commandé à Hébert de belles statues:
qu'on nous donne aussi de belles
peintures! Ce ne
sera pas de l'argent mal placé: l'art est le vernis d'une
nation,
et c'est par ses peintres, ses statuaires et ses poètes qu'un peuple
vit long-temps. Pourquoi MM. Huot et Hamel ne seraient-ils pas chargé
de l'ornementation du palais législatif? M. Huot est un admirable
décorateur; les immenses tableaux dont il a plafonné l'église
Saint-Sauveur sont d'un effet splendide, et consacrent sa valeur comme peintre. »
(27)
En 1890, Raymond Préfontaine, député
de Chambly, se rend à Paris où il rencontre Charles
Alexander Smith. L'artiste narre une aventure dont il vient d'être
victime. Ayant gagné une médaille lors du dernier Salon,
le jury, par méprise, l'a fait parvenir à un peintre américain
du même nom. En guise de consolation, Préfontaine fait des
offres de service à l'artiste. Smith les accepte d'emblée
et propose de peindre une scène historique. On tombe d'accord sur
L'Assemblée des six comtés (fig. 6)
tenue à Saint-Charles-sur-Richelieu en 1837 par les patriotes.
De passage à Paris, le premier ministre Honoré Mercier voit
cette toile, quelques jours avant qu'elle ne soit exposée au Salon.
Il fait mander l'artiste, et tout en louant son talent, lui suggère
d'atténuer le ton des inscriptions peintes sur les bannières.
En supprimant toute sentence offensante, l'oeuvre
deviendrait acceptable aux membres de l'Assemblée législative.
Un malencontreux changement de gouvernement décevra à la
fois le client et l'artiste. Le nouveau premier ministre, Charles Boucher
de Boucherville, élu en 1891, refusa de payer l'oeuvre « sous
prétexte que le sujet était trop révolutionnaire ».
Le tableau fut tiré au sort en décembre 1895 au Monument
National de Montréal. Propriété de la Société
Saint-Jean-Baptiste en 1901, il fit son entrée au Musée du
Québec en 1937. (28) Roulé, à l'abri des regards dans
un entrepôt, il n'a jamais été décrit ni photographié
depuis. (29) C. B. de Boucherville, par son geste de censure politique,
a donc contribué à entraver l'expression d'une certaine
forme de nationalisme dans la peinture.
Les tergiversations se poursuivent si bien qu'en 1894 l'immense cadre de l'Assemblée législative situé
au-dessus du trône de l'Orateur, et tel que photographié par J. E.
Livernois, (30) attend toujours sa décoration. En 1901 le gouvernement se décide enfin de faire
ouvertement appel aux artistes afin qu'ils soumettent leurs projets:
« AUX ARTISTES. Le gouvernement de la province de
Québec vient de décider d'ouvrir un concours, entre
nos
peintres, pour un tableau historique qui devra orner la
salle des délibérations de l'Assemblée législative.
Le montant alloué au paiement de cette toile, de 25 pieds
x 12
sera, dit-on, de $2,000. [...] On nous assure que le nombre
des concurrents sera considérable et que MM. Jos
Saint-Charles, Henri Beau, Franchère, Dyonnet et Suzor
Côté sont déjà à l'ouvrage. » (31)
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