Musée des beaux-arts du Canada / National Gallery of Canada

Bulletin 27, 1976

Accueil
English
Introduction
Histoire
Index annuel
Auteur et Sujet
Crédits
Contact


Cliquez figure 4 ici pour une image agrandie




Cliquez figure 5 ici pour une image agrandie

Charles Huot et la peinture d'histoire au 
Palais législatif de Québec (1883-1930)

par Robert Derome

Pages  1  |  2  |  3  |  4  |  5  |  6  |  7  |  8  |  9  |  10  |  11

            12  |  13  |  14  |  15  |  16  |  17  |  18  |  19

Ses relations avec de nombreux hommes politiques portraituré, (17) ainsi qu'une publicité journalistique bien orchestrée, (18) lui permettent d'être considéré comme le peintre choisi à cette fin. En février 1886 Hamel offre son esquisse aux parlements de Québec et d'Ottawa, aux historiens et graveurs, ainsi qu'au Musée de l'université Laval. (19) En outre, il présente par écrit au département des Travaux publics un projet et devis de décoration intérieure (20) tout en les mandant « de vouloir bien ne rien décider avant d'[en] avoir pris communication ». Aucune réaction n'y faisant suite, il récidive en annonçant qu'il a terminé deux esquisses, « La réception de C. Colomb par Ferdinand & Isabelle et la Visite de J. Cartier à Mont Royal » (voir fig. 4, 5). Derechef, il annonce qu'il en a commencé deux autres. Apparemment confirmé dans cette voie, il « demande à toucher $1000.00 sur les travaux de ce genre faits & à faire, suivant [la] commande du gouvernement ». Ernest Gagnon, secrétaire du département des Travaux publics, transmet ces doléances à l'architecte Taché. Le 13 décembre 1886 on émet un chèque de $250 à l'ordre du peintre. Les deux esquisses terminées sont exposées en mai 1888 dans la salle de l'Assemblée législative. (21) Jugeant qu'il avait été trop peu payé (22) et désirant écarter tout conflit d'intérêt (Hamel allait devenir fonctionnaire), (23) il avise le gouvernement en février 1889 qu'il renonce à décorer le Palais législatif et, à cet effet, il retire son projet. (24) Par ailleurs, on avait probablement été rebuté par cette imagerie peu enthousiasmante et par l'ésotérisme des sujets, articulés autour du thème central « Le triomphe de la civilisation sur la barbarie », tels que « La danse de guerre la nuit précédant le combat du lac Saint-Sacrement (8 mai 1608), d'après le récit de Champlaim » et « Christophe Colomb après sa découverte de l'Amérique est reçu publiquement à Barcelone par le Roi et la Reine, Ferdinand et Isabelle ». Néanmoins, trois thèmes proposés seront abondamment exploités par d'autres artistes: « Jacques Cartier plantant la croix sur laquelle il plaça les armes de France, prenant ainsi solennellement possession du pays au nom du Roy François Ier »; « La première messe dite à Montréal d'après le récit de Parkman »; « Frontenac reçoit l'envoyé de Philipps qui le somme de lui remettre le fort de Québec avec sa garnison ».

Si des fonds étaient disponibles pour la sculpture, pourquoi retardait-on les travaux picturaux? D'une part, Bourassa et Hamel exigeaient des honoraires beaucoup trop élevés. (25) D'autre part, les projets soumis ne semblaient pas se fondre aux critères et à l'idéologie des politiciens, tel que le confirme un rapport de Taché soumis en 1886:

« Dans les façades de cet édifice, il a été fait une belle part à l'ornementation sculpturale; mais l'intérieur offre aussi un vaste champ à la décoration nturale, à laquelle se prêtent avec tant de richesses les épisodes si variées & si grandioses de notre histoire.

Un artiste distingué de notre pays, M. Napoléon Bourassa, Vice-président de l'Académie Royale Canadienne des Beaux-Arts, possède tout le talent d'inspiration, la facilité de composition, les connaissances historiques et le patriotisme nécessaires à la conception d'un beau et noble travail de ce genre. Avec l'aide de Mr Eugène Hamel et de M. Charles Huot qui connaissent à fond toutes les ressources de leur art, l'on pourrait doter notre pays d'une oeuvre artistique telle qu'il n'en a pas encore été entrepris de semblable sur ce sol d'Amérique.

En accordant à ces artistes un montant égal aux deux tiers de la somme que l'on se propose de mettre à la disposition de M. Hébert, il serait facile, j'en suis certain, de leur permettre d'atteindre ce but ».
(26)

Quatre ans plus tard, devant l'inaction du gouvernement, Louis Fréchette fait campagne en faveur de Hamel et Huot:

« On a commandé à Hébert de belles statues: qu'on nous donne aussi de belles peintures! Ce ne sera pas de l'argent mal placé: l'art est le vernis d'une nation, et c'est par ses peintres, ses statuaires et ses poètes qu'un peuple vit long-temps. Pourquoi MM. Huot et Hamel ne seraient-ils pas chargé de l'ornementation du palais législatif? M. Huot est un admirable décorateur; les immenses tableaux dont il a plafonné l'église Saint-Sauveur sont d'un effet splendide, et consacrent sa valeur comme peintre. »
(27)

En 1890, Raymond Préfontaine, député de Chambly, se rend à Paris où il rencontre Charles Alexander Smith. L'artiste narre une aventure dont il vient d'être victime. Ayant gagné une médaille lors du dernier Salon, le jury, par méprise, l'a fait parvenir à un peintre américain du même nom. En guise de consolation, Préfontaine fait des offres de service à l'artiste. Smith les accepte d'emblée et propose de peindre une scène historique. On tombe d'accord sur L'Assemblée des six comtés (fig. 6) tenue à Saint-Charles-sur-Richelieu en 1837 par les patriotes. De passage à Paris, le premier ministre Honoré Mercier voit cette toile, quelques jours avant qu'elle ne soit exposée au Salon. Il fait mander l'artiste, et tout en louant son talent, lui suggère d'atténuer le ton des inscriptions peintes sur les bannières. En supprimant toute sentence offensante, l'oeuvre deviendrait acceptable aux membres de l'Assemblée législative. Un malencontreux changement de gouvernement décevra à la fois le client et l'artiste. Le nouveau premier ministre, Charles Boucher de Boucherville, élu en 1891, refusa de payer l'oeuvre « sous prétexte que le sujet était trop révolutionnaire ». Le tableau fut tiré au sort en décembre 1895 au Monument National de Montréal. Propriété de la Société Saint-Jean-Baptiste en 1901, il fit son entrée au Musée du Québec en 1937. (28) Roulé, à l'abri des regards dans un entrepôt, il n'a jamais été décrit ni photographié depuis. (29) C. B. de Boucherville, par son geste de censure politique, a donc contribué à entraver l'expression d'une certaine forme de nationalisme dans la peinture. 

Les tergiversations se poursuivent si bien qu'en 1894 l'immense cadre de l'Assemblée législative situé au-dessus du trône de l'Orateur, et tel que photographié par J. E. Livernois, (30) attend toujours sa décoration. En 1901 le gouvernement se décide enfin de faire ouvertement appel aux artistes afin qu'ils soumettent leurs projets:

« AUX ARTISTES. Le gouvernement de la province de
Québec vient de décider d'ouvrir un concours, entre nos
peintres, pour un tableau historique qui devra orner la
salle des délibérations de l'Assemblée législative. Le montant alloué au paiement de cette toile, de 25 pieds x 12
sera, dit-on, de $2,000. [...] On nous assure que le nombre
des concurrents sera considérable et que MM. Jos
Saint-Charles, Henri Beau, Franchère, Dyonnet et Suzor
Côté sont déjà  à l'ouvrage. »
(31)

Page Suivante | Apothéose de Christophe Colomb

  1  |  2  |  3  |  4  |  5  |  6  |  7  |  8  |  9  |  10  |  11

12  |  13  |  14  |  15  |  16  |  17  |  18  |  19

Haut de la page


Accueil | English | Introduction | Histoire
Index annuel
| Auteur et Sujet | Crédits | Contact

Cette collection numérisée a été produite aux termes d'un contrat pour le compte du programme des Collections numérisées du Canada, Industrie Canada.

"Programme des Collections numérisées, droit d'auteur © Musée des beaux-arts du Canada 2001"