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Charles Huot et la peinture d'histoire au
Palais législatif de Québec (1883-1930)
par Robert Derome
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Cet appel peut expliquer l'engouement des peintres pour les projets historiques à cette époque de notre histoire de l'art. Même Napoléon Bourassa se remet à
son Apothéose de Christophe Colomb en 1904 (fig. 2). (32) Eugène
Hamel, oubliant lui aussi son échec d'il y a vingt ans, s'intéresse
de nouveau aux sujets historiques. (33) Mais il a toujours plus de succès
avec ses portraits: en 1911 il peint Louis-Alexandre Taschereau et Lomer
Gouin. (34) Le candidat le plus sérieux, Suzor-Coté, travaille
à de nombreux sujets historiques. Il rêve « d'être
le chantre de l'épopée de la Nouvelle-France. » (35) En
1902 il livre une toile intitulée la Mort de Montcalm (fig.
7). Ce tableau n'est qu'un stade intermédiaire conduisant à
une oeuvre d'envergure puisque le peintre prend la peine d'indiquer au
bas: « Esquisse, Mort de Montcalm ». (36) Oeuvre quelque peu romantique,
la composition en est intéressante. Mais le sujet, rappel d'une
défaite jugée comme une catastrophe nationale par ses
contemporains,
était peu enclin à susciter le même enthousiasme que
La mort du général Wolfe (1770) de Benjamin West chez
les conquérants. (37) En 1907 Suzor-Coté livre à la
toile le fruit de plusieurs esquisses, Jacques Cartier rencontre les Indiens
à Stadacona, peint dans un style impressionniste (fig. 8).
La couche picturale et les coloris en font une oeuvre majeure. Bien que
finalement acquise par le gouvernement, l'oeuvre ne fut pas placée
au Palais législatif mais à la bibliothèque du Parlement
pour être ensuite reléguée au Musée du Québec. (38)
Henri Beau a eu pour sa part plus de succès. Son oeuvre, L'arrivée de Champlain à Québec,
datée
de 1904, avait été installée dans la salle du Conseil
législatif (fig. 9). Insuffisamment grande pour remplir le cadre,
on aménagea les espaces latéraux pour y installer les portraits
de Jacques-Cartier et de Montcalm; on voulait ainsi symboliser l'alpha
et l'omega de la Nouvelle-France. Cette habile composition, quelque peu
pathétique, n'est pas sans rappeler, en ne parvenant toutefois
pas à l' égaler, la Dispersion des Acadiens du même
peintre, installée en 1901 au Monument Lefèbvre du Collège
Saint-Joseph à Memramcook (Nouveau-Brunswick). Cette dernière
avait valu à son auteur
1904 et 1931 dans une 3e médaille à l'Exposition universelle de Paris
en
1900. Sa composition grandiose et équilibrée, avait eu, par
ailleurs,
le mérite de soulever l'enthousiasme général du public. (39)
Tel ne fut pas le sort réservé à L'arrivée
de Champlain à Québec. Tout en louant les qualités
picturales de l'oeuvre, on releva la raideur des voiles. Par contre, on
fut plus sévère sur la reconstitution historique, lui reprochant
des anachronismes et imprécisions. (40) Quoiqu'il en soit, l'oeuvre était
la première à avoir plu aux politiciens par son évocation patriotique de la Nouvelle-France. En cela elle confirmait tout un
mouvement de pensée lancé par Jules-Paul Tardivel et soutenu
par les intellectuels des milieux nationalistes. (41)
Au début de 1910 la rumeur circule qu'une seconde oeuvre
picturale serait bientôt entreprise, cette fois par Charles Huot
« peintre québécois ». Le tableau projeté
serait placé au-dessus du fauteuil de l'Orateur de l'Assemblée
législative. Les journaux confirment cette nouvelle (42) qui se répand
comme une traînée de poudre dans le milieu artistique. Suzor-Coté
ne tarde pas à réagir. Voici ce qu'il écrit à Louis-Alexandre
Taschereau, ministre des Travaux publics:
« Je vois par les journaux de Samedi dernier que vous
êtes sur le point de faire peindre un grand tableau décoratif
pour la salle du conseil, et qu'un nom d' artiste seulement est mentionné...Vous voudrez bien vous rappeler sans doute que lorsque j'eus l' honneur
d' être reçu à votre Cabinet au parlement en décembre
dernier, vous m' avez dit formellement que ces travaux ne seraient donnés
quà la suite d'un concours loyalement institué et jugé
par un jury compétent. Vous savez que tous les artistes sont anxieux
d'être encouragés par le gouvernement, parce que cela leur
procure l'occasion de faire une grande oeuvre quils ne peuvent entreprendre
autrement faute de moyens. Nous attendons ce concours avec grand hâte,
et nul doute que plusieurs y sont préparés. Pour ma part
j'ai étudié plusieurs sujets pour le paneau à décorer.
J'espère donc que vous agirez comme vous m' avez dit, dans l'intérêt
de l'art et des artistes, et que vous voudrez bien être assez bon
de faire publier dans les journaux le sujet, la date et les conditions
du concours prochain. Nous répondrons tous avec empressement, je
serai très honoré d'une réponse en attendant. »
(43)
Le temps que la nouvelle atteigne Paris et, Henri Beau
récidive de façon similaire:
« J'ai appris indirectement que le tableau, faisant
pendant à celui que j'ai exécuté pour le conseil Législatif
allait être donné à faire.
En dehors de toute question d' intérêt, permettez-moi
de vous marquer mon désespoir d'une pareille détermination
qui est de nature à compromettre le projet d'ensemble décoratif que
j'avais imaginé pour le Parlement.
J'ai fait une étude spéciale du monument quant
à l'éclairage, les proportions et la couleur décorative.
Et c'est après des essais répétés que j'ai
conclu de la taille que devait avoir les personnages du tableau, des taches
de couleur et du parti pris de lumière et d' ombre par rapport à
l'éclairage spécial, éclairage venant des deux cotés
le jour et du plafond le soir.
Tout cela devra être respecté sous peine de gâcher une
oeuvre
bien commencée. J'avais dans la tête toute cette décoration et
je comptais bien en faire l'oeuvre de ma vie afin de léguer
un monument décoré harmonieusement et intelligemment; une oeuvre,
enfin, qui peut être lue dans l'avenir par notre race avec orgueil, et fut digne du grand
nom que nous representons.
J'ai peur que confié à d'autres mains cet ensemble
ne devienne une cacophonie de couleurs (si j'ose m'exprimer ainsi) et que
les oeuvres diverses ne s'entre détruisent. [...] » (44)
Pour sa part, Joseph Saint-Charles avait déjà soumis,
le 2 mars, deux maquettes, une du prince Albert et l'autre de la reine
Victoria, destinées aux niches de chaque côté du trône
dans la même salle. Son tarif fut jugé trop élevé.
Le 16 mars il présente une nouvelle soumission, abaissant son
prix de $1000 à $800 pour chaque sculpture en plâtre dur. (45)
Taschereau était donc décidé à enfin décorer
cette auguste enceinte. Déjà commis auprès de deux
artistes, les représentations de Suzor-Coté et Beau risquaient
de compromettre son projet. À la fin avril 1910 il répond
aux deux contestataires:
« L'exécution de ce deuxième tableau n'a
pas encore été décidée. Vous pouvez compter
que rien ne sera conclu à la hâte, et que les représentations
que vous faites à ce sujet seront l'objet de notre meilleure attention.
»
(46)
« Le tableau dont il est question n'est pas considérable,
et je ne crois pas dans les circonstances qu'il serait opportun de demander
un concours à tous les artistes du pays. Nous sommes cependant
dans le moment à étudier la question de faire un grand tableau
pour orner le plafond de la Salle des délibérations, et si
nous nous décidons de faire la chose, un concours sera certainement
demandé, et je serai particulièrement heureux de vous
voir au nombre des concurrents. » (47)
À peine un mois et demi plus tard, Thomas Chapais, Eugène Taché et le bibliothécaire de la législature,
Ernest Myrand, soumettent à Taschereau ce louche et sibyllin rapport:
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