Musée des beaux-arts du Canada / National Gallery of Canada

Bulletin 27, 1976

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Charles Huot et la peinture d'histoire au 
Palais législatif de Québec (1883-1930)

par Robert Derome

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Alors que chez Dalou l'ensemble des personnages forme un groupe compact dont se détachent les principaux acteurs, Huot a scindé ses députés en plusieurs groupes, de part et d'autre de la table, créant ainsi une composition adaptée aux exigences de son sujet. Mis à part Jean-Antoine Panet qui préside l'Assemblée du haut de son fauteuil et l'Orateur Chartier de Lotbinière, le groupe principal est placé au centre du tableau. En plus d'être debouts et d'occuper le coeur de la composition, un éclairage spécial est comme braqué sur eux, ce qui a pour effet de reléguer dans l'ombre le second groupe principal, les députés assis dans le tiers gauche de la composition. Le troisième groupe en importance occupe le côté droit et remplace l'anecdotique homme de main qui transporte un banc dans le Dalou. Quelques groupes secondaires occupent le fond de la scène, derrière la table. Huot a donc simplifié Dalou et l'a adapté au contexte. Les attitudes anecdotiques et surfaites, en devenant plus familières, gagnèrent en crédibilité. Les poses désinvoltes donnèrent place à des gestes quotidiens. Bref, Huot modifia la composition au profit du réalisme et de la véracité. Ce parti pris évite de dissiper l'attention du spectateur afin de l'orienter vers la tension des débats, l'importance de l'enjeu et les prises de position opiniâtrement divergentes, qui constituent le véritable sujet du tableau.

Huot a représenté quarante-neuf députés. Le cinquantième, Berthelot d'Artigny, avait été élu en 1793 lors d'une élection complémentaire dans la circonscription de Québec. (168) Toutefois, seulement trente-neuf membres de l'Assemblée ont voté lors de la séance du 21 janvier 1793. (169) Le peintre a donc choisi de faire une synthèse historique en incluant tous les députés élus plutôt que les seuls membres présents. Les groupes constitués par le peintre sont parfaitement cohérents: ils correspondent exactement à la polarisation des voix lors de la séance du 21 janvier 1793. Ils valent également pour la tendance générale du vote (voir tableau I, page 30). Quelques détails l'illustrent bien. La plus grande quantité des « back-benchers » sont placés en arrière. Deux vendus et un partagé (nos 4, 5, 6) font bande à part; ils s'interrogent sur le geste qu'ils vont poser. Le troisième Canadien appuyant le bloc ministériel, Pierre Guéroux, est isolé (no 31). Le spectacle de ces Canadiens vendant leur vote pour obtenir des postes administratifs devint familier par la suite. (170) La véracité de cette mise en scène nous révèle donc le souci et le soin qui furent apportés aux recherches et à la représentation.

Seul le brio du peintre pouvait créer cette cohérence malgré les rares sources iconographiques disponibles. Cette contingence obligeait à représenter de dos, ou à l'arrière-plan, ceux dont Huot n'avait pu se procurer de portrait. Seulement dix personnages sont représentés sous leurs traits réels (voir fig. 25a-25j). La majorité de ces portraits proviennent de la collection de J. E. Livernois, qui avait la passion de photographier toutes les illustrations de personnages historiques qui lui passaient sous les yeux. (171) Ces impressionnantes archives photographiques, que Huot avait déjà utilisées en 1897 pour l'exécution d'un portrait de l'abbé Henri Cimon, (172) lui furent donc d'un grand secours. Quelques autres portraits proviennent des familles héritières ou d'autres sources. (173)  Huot a poussé le mimétisme jusqu'à les représenter, pour la plupart, dans les mêmes poses avec les mêmes coiffures ou vêtements (voir tableau 2, page 30). Cette recherche d'authenticité amène certaines figures à poser pour la postérité au lieu de participer à l'action du débat, ce qui n'enlève cependant rien au mouvement d'ensemble imprimé. 

Thomas Chapais, ami intime de Huot avec qui il avait étudié au Collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, (175) a fourni à l'artiste des informations historiques en échange de certains services professionnels. En 1908 Chapais écrit au peintre pour lui livrer des informations relatives au costume des membres du Conseil Souverain. Huot songeait donc déjà au sujet de sa dernière murale! Par contre, Chapais presse Huot de veiller aux préparatifs du tricentenaire de Québec:

« N'oubliez pas [ ...] de communiquer avec M. M. Gravel et Villeneuve pour l'ornementation de mon Don de Dieu [la reconstitution du vaisseau de Champlain réalisée pour les fêtes du tricentenaire de Québec]. Veuillez envoyer au sculpteur un petit croquis pour les canons, et aller, si vous le pouvez, le plus tôt possible indiquer quelle peinture il faut donner à la bande qui fait le tour du vaisseau et aux boudins latéraux du château d'arrière. Pensez aussi à nos pavillons. Vous voyez que je vous traite comme un collaborateur. »
(176)

Chapais, que Huot a par ailleurs portraituré, (177) fournit à l'artiste sinon le sujet du Débat sur les langues du moins la portion la plus substantielle d'informations historiques relatives aux débats. Lors du simulacre de concours pour choisir entre l'esquisse de Huot ou de Saint-Charles, on peut donc avancer que Chapais était à la fois juge et parti. Parmi nos historiens, il est celui qui s'est le plus attardé à cet événement, affirmant que le principal orateur de cette séance du 21 janvier 1793 était Chartier de Lotbinière, ce que Huot a scrupuleusement respecté. (178) De plus, Chapais a publié un article spécifiquement consacré à l'oeuvre de Huot. Il y défend surtout l'importance historique de l'événement:

« Le souvenir politique évoqué avec tant de bonheur par le pinceau de l'artiste est assurément l'un des plus émouvants de notre histoire. Le mémorable débat qu'il rappelle méritait la place d'honneur qu'on lui a réservé dans la décoration de notre palais législatif. En effet, ce qui était en cause le jour où se déroula l'incident fixé sur cette toile, le 21 janvier 1793, c'était l'un des droits nationaux auxquels nous sommes le plus attachés, l'usage officiel de notre langue dans nos délibérations parlementaires. [...] Le tableau de M. Charles Huot est une magnifique et vivante évocation de cette belle page d' histoire. »
(179)

Récapitulons brièvement les circonstances historiques. (180) Le traité de Paris (1763) ne stipule rien sur la question de la langue. En 1774 l'Acte de Québec établit le droit français « à l'égard de toute contestation relative à la propriété et aux droits civils ». Le droit criminel anglais est confirmé. Cependant l'Acte « ne contient aucune disposition générale sur la langue », Bientôt l'animosité gagne la population:

« Les colons anglais réclament une assemblée élue ou représentative et l'adoption de l'anglais comme seule langue officielle, ainsi que la suppression du droit français. Comme
l'expérience a démontré que les Canadiens français n'abandonneront aisément ni leur droit ni leur langue, le Parlement du Royaume-Uni [...] divise la province de Québec
en deux parties selon la répartition linguistique et culturelle de ses habitants. Le partage fut donc l'une des premières mesures pour résoudre la question linguistique. »

Mais l'Acte constitutionnel de 1791 ne résout pas tous les problèmes; « [...] des scènes acrimonieuses ont lieu à l'assemblée législative du Bas-Canada, particulièrement au sujet de la langue de l'Orateur ». Finalement, Jean-Antoine Panet l'emporta sur le candidat anglophone William Grant. Déjà, deux blocs s'étaient constitués chez les députés: les Canadiens et les Britanniques. Se mettant à l'oeuvre, la Chambre forma un comité chargé de préparer les règlements. (181) Ce dernier soumit la proposition suivante au sujet de la langue lors de la séance du 21 janvier 1793:

« [Il est] Résolu que cette Chambre tiendra son journal en deux régistres, dans l'un desquels les procédés de la chambre et les motions seront écrits en langue françoise avec la traduction des motions originairement faites en langue angloise et dans l'autre seront entrés; les procédés de la Chambre et les motions en langue angloise, avec la traduction des motions originairement faites en langue françoise. »
(182)

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