Musée des beaux-arts du Canada / National Gallery of Canada

Bulletin 27, 1976

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Charles Huot et la peinture d'histoire au 
Palais législatif de Québec (1883-1930)

par Robert Derome

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III Revue de la critique 

Tout au long de sa carrière, Charles Huot eut l'opportunité de s'associer journalistes et gens de lettres. Relever les critiques et jugements qui ont été portés sur son projet décoratif du Palais législatif est donc intéressant à un double point de vue. Cela nous aide d'abord à mieux comprendre l'oeuvre du peintre en nous situant d'emblée dans le contexte idéologique (culturel et social) de l'époque, avec son langage propre moulé sur ses arguments ou parti pris esthétiques et artistiques. Ensuite, cette revue de la critique nous permet de voir l'évolution de celle-ci jusqu'à nos jours et d'évaluer la pérennité de l'oeuvre. Les travaux entrepris par Huot ne manquèrent pas d'attirer les journalistes, d'abord par le lieu même où ils se déroulaient, ensuite par leur ampleur qui nécessitait de spectaculaires échafaudages. En second lieu, tous les hommes politiques étaient appelés à voir ces travaux et en répandre rapidement la nouvelle dans les milieux les mieux informés, les plus huppés de la société.

Comme nous l'avons vu déjà, à elle seule l'esquisse du Débat sur les langues avait suscité les commentaires élogieux de L'Action sociale catholique. Pour sa part, La Presse publie en première page une photographie montrant l'artiste à l'oeuvre. La conclusion de l'article oriente d'emblée toute approche critique dans un sens favorable, de par son seul argument d'autorité:

« L'hon. M. Taschereau, ministre des Travaux Publics, est allé voir, hier, le tableau de M. Huot. Il a fort complimenté l'artiste pour le soin qu' il prend à accomplir ce travail. À ces compliments, nous joignons modestement les nôtres. »
(100)

À peine l'oeuvre terminée, un ancien souscripteur de Huot, livre une brillante critique qui résume la pensée de ses contemporains:

« Comment, cependant, n'être pas frappé des qualités générales de cette grande composition historique! [...] L'effet d'ensemble, nous le répétons, est saisissant. C'est une oeuvre réfléchie et qui parle. Tout en observant certaine couleur locale, commandée par son sujet, l'artiste, fidèle aux traditions idéalistes, a écrit une page émouvante, d'une forte personnalité et pleine de style. Il y a de la mesure et du rythme dans ce morceau éloquent.

De longues études, un labeur persévérant et long, valaient bien à l'artiste ce succès, précédé déjà de bien d' autres, mais où son talent ne s'était jamais aussi hautement affirmé que dans ce dernier essai. Il peut en être fier et attendre avec confiance les suffrages.

S'il est heureux que l'art relève ainsi de temps en temps les leçons de l'histoire, le gouvernement de la Province mérite d'être félicité; et nous aimons à croire encore que l'éminent dessinateur [Eugène Taché] de la grande salle des députés, dont la mort il y a peu laissa tant de regrets, n'aurait pas rêvé plus vivante illustration de son patriotisme et de sa pensée. »
(100)

Hormisdas Magnan, qui fait paraître sa critique dans La Vérité du 1er novembre 1913, ajoute à l'idée de Prince:

« Disons tout de suite que M. Huot a parfaitement répondu à l'attente générale et qu'il vient de livrer à la postérité une oeuvre de grands mérites à tous les points de vue. [ ...] La première impression est donc favorable à l'artiste, et ce n'est pas peu dire. Car tout plaît et tout se compose bien dans le tableau de M. Huot. [...] On y voit peint de la manière la plus heureuse tout un jeune peuple représente par ses députés, et luttant courageusement pour conserver ce qu' il a de plus noble, de plus beau et de plus précieux: sa propre vie nationale. Ce sujet bien canadien ne pouvait être traité que par un artiste canadien, et M. Huot était mieux que personne qualifié pour le traiter judicieusement. »
(102)

L'inauguration de l'oeuvre était accompagnée d'une brochure d'Ernest Gagnon qui permettait de prolonger l'événement en l'officialisant pour la postérité. (103) Celle-ci contenait, en plus d'une photographie, un dessin schématique exécuté par Huot (voir fig. 16). (104) Tout comme Magnan et Gagnon, plusieurs critiques jugeront l'oeuvre tant avec des critères nationalistes qu'esthétiques. La presse anglophone, quoique plus réservée, y alla également d'une critique fort élogieuse:

« Mr. Huot has placed upon canvas a vivid and animative representation of the first Legislative Asselnbly of Quebec. [...] The painting is unquestionably a work of a very high order and has been very generally commended. »
(105)

En 1914 on commente ainsi l'oeuvre:

« [ ...] l'admirable tableau de M. Charles Huot placé naguère en l'Hôtel du Gouvernement et représentant le « Premier Parlement Canadien » assure à [...] son auteur l'immortalité du souvenir. » (106)

Alors que Thomas Chapais reconnaît surtout l'importance historique de l'événement, (107) Alma Bélanger range l'oeuvre au sommet de notre patrimoine artistique: « Toutes les difficultés de la peinture d'histoire, l'artiste les a surmontées dans ce 
chef-d'oeuvre. » (108) Hormisdas Magnan résume ainsi sa pensée en 1926: « Ce tableau seul [...] suffirait à illustrer son auteur. » (109) Alors qu'en 1927 on annonce qu'il peindra sa troisième oeuvre, Le Conseil Souverain, on parle avec éloge du Débat sur les langues, tout en passant sous silence Je me souviens. Encore une fois on mêle ici le nationalisme à l'esthétique. (110) De plus, le nationalisme s'y exprime en commun accord avec un fort sentiment de religiosité. Le débat sur les langues provoque chez les spectateurs le même réflexe que celui qui les amène à baisser le ton à l'église: dans ce cas c'est la présence divine qui les pousse à ce respect, dans l'autre c'est la présence des ancêtres glorifiés.

Le plus important biographe de Huot, Hormisdas Magnan, qui, en plus de moult articles, a publié une monographie en hommage à l'artiste deux ans après son décès, a exprimé des jugements qui ont fait école. (111) Ils ont été repris par les amis de Charles Huot (112) ou ses contemporains. Alonzo Cinq-Mars qui a vu le peintre exécuter Le débat sur les langues en parle en ces termes:

« Il y mit tout sou talent et tout son patriotisme. [...] c'est assurément l' oeuvre maîtresse de Charles Huot, la mieux réussie des trois peintures monumentales que l'on voit dans le Palais législatif. » (113)

Maurice d'Hesry, abonde dans le même sens. (114) Cette école de pensée survit encore en 1965 sous la plume d'Émile Falardeau:

« À nos yeux, ce tableau signifie la première reconnaissance officielle de la langue française dans les affaires gouvernementales de notre pays. Nous vous demandons de bien en examiner la composition, façonnée d'une manière magistrale. [...] Des artistes de la trempe de Charles Huot méritent un meilleur sort, parce que ces gens-là sont aujourd'hui très peu connus. C'est grand dommage. »
(115)

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