Musée des beaux-arts du Canada / National Gallery of Canada

Bulletin 27, 1976

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Charles Huot et la peinture d'histoire au 
Palais législatif de Québec (1883-1930)

par Robert Derome

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La technique utilisée par le peintre semble avoir été éprouvée à l'église Saint-Sauveur. (66) C'était en effet la première fois que Huot peignait d'aussi grandes toiles qui devaient ensuite être marouflées sur le plafond ou sur le mur. Après s'être procuré une quantité suffisante d'une toile à forte fibre, ultra résistante, (67) les problèmes suivants se posèrent: comment préparer cette toile pour satisfaire à la fois l'esthétique voulue, la durabilité, (68) et la souplesse indispensable à son transport et à son application sur le mur. Huot s'enquérit auprès de son ami le peintre Édouard Lefèvre, parent de son protecteur parisien Gustave Lefèvre Niedermeyer directeur de l'École de musique religieuse. (69) À deux reprises, il lui transmet une recette pour préparer « la toile absorbante ». (70) Celle-ci semble combiner les caractéristiques désirées: fini mat (pour éviter les reflets qui nuiraient à la lisibilité de l'oeuvre), souplesse et résistance accrue à l'humidité. (71) Une fois la toile marouflée, il ne reste plus qu'à y effectuer les dernières retouches. L'apparence finale s'apparente quelque peu à celle de la fresque.

Terminé en octobre, Le débat sur les langues est inauguré le 11 novembre 1913. (72) C'est un triomphe, tel que le confirme Huot à son ami Delamarre en décembre: 

« Le tableau continue toujours à jouir d'une bonne réputation. Je n'entends que des éloges de toutes parts. Espérons que cela va continuer. » (73) 

La même lettre annonce un second contrat, l'ornementation du plafond de la même salle d'une allégorie.

En février 1914, Huot définit à Delamarre le projet de sa deuxième murale: 

« Vous vous informez de mon tableau pour le Parlement. J'y travaille avec ardeur, c. a. d. à l'esquisse. Le sujet auquel on semble s'arrêter c'est la devise « Je me souviens ». Vous vous rappelez, nous en avons parlé, je crois. C'est très difficile à faire, car il faut y mettre nécessairement beaucoup de monde, ce qui rend le tableau très compliqué, et par conséquent coûteux [...]. Je vous écrirai plus au long la prochaine fois au sujet du motif du tableau auquel vous semblez tant vous intéresser. Vous pourrez ainsi nous donner votre avis, qui ne sera pas de trop. » (74)

Le ratification du contrat a lieu en juillet suivant. (75) Le prix atteint presque le double du premier travail, somme très importante à l'époque. Alors que son premier contrat avait été réalisé en moins de trois ans, celui-ci s'étendra sur six années. Cette commande, dont le sujet semble lui avoir été imposé, ne l'enthousiasme pas. Son caractère allégorique trop vague et son thème à la fois trop vaste et trop lâche ne réussissent pas à stimuler son imagination. Cet état de fait se répercute sur la durée du travail, qui traîne en longueur, et l'ardeur consacrée à la réalisation de l'oeuvre.

Une première esquisse est décrite et commentée par Ernest Gagnon dès janvier 1915 (voir fig. 13). (76) En 1916 le peintre a déjà touché des acomptes de $2500 pour ses travaux préliminaires. (77) En 1917, il écrit à Alice:

« Tu me demande si je vais aller à Montréal. Non, je ne puis pas y aller maintenant, je n'ai pas le temps du tout. Il faut que j'avance mon tableau, car je m'attends d'un jour à l'autre à la visite des ministres qui vont certainement trouver que ça ne va pas vite, et puis cela ferait mauvais effet. » (78)

Ce qui ne manque pas d'arriver puisqu'en 1918 on le somme de 
« compléter [son] tableau du plafond sans retard ». (79) Son esquisse est apparemment modifiée à plusieurs reprises. En février 1919 il geind: « j'ai [...] travaillé après ces esquisses de plafond là. C'est bien difficile. » (80) Taschereau, insatisfait de la composition, exige qu'elle soit modifiée. La figure centrale, jeune femme assise sur un rocher, pensive, la tête appuyée sur son bras, est remplacée par une femme debout tenant une couronne de lauriers (voir fig. 17). (81) De l'idée originale exprimée par le premier titre, Évocation, on passe à une apothéose de nos grands hommes. Cette mutation forcée détruit non seulement l'intention de l'artiste, mais le caractère poétique du sujet et l'équilibre de sa composition.

À l'automne 1919 la toile est marouflée sur le plafond. L'ébauche sera terminée sur place, retouchée à l'aide de pinceaux à très longs manches (voir couverture). Mais ce travail ne peut être terminé avant l'ouverture de la session. Du haut des échafaudages, Huot s'employera à cette tâche durant la prochaine vacance parlementaire. L'oeuvre est finalement dévoilée juste avant Noël 1920. (82) L'année suivante est publiée une brochure explicative qui couronne l'entreprise et en scelle la valeur artistique et nationaliste. (83) Cependant, le peintre considère sa tâche inachevée. En février 1921 il voudrait aller se renseigner en  Europe pour la parachever. Il demande $2000 et sollicite une 
« commande de tableaux à placer dans [les] caissons autour du tableau central ». Il réitère sa demande en juillet sans plus de succès. (84) Les caissons destinés aux allégories des métiers demeureront vides. Le projet du peintre nous est cependant rendu accessible par l'esquisse qu'il nous en a laissé (voir fig. 14). 

En 1926 Huot obtient son dernier contrat: remplacer le tableau de Henri Beau par une reconstitution du Conseil Souverain (fig. 15). Le contrat est de $8000. (85) Les journaux annoncent qu'il décorera également le plafond de cette salle. (86) En 1927 il obtient des lettres de créances qui lui faciliteront ses recherches 
« archéologiques » lors d'un séjour de trois mois en Europe. (87) Mais la maladie terrasse le peintre qui s'éteind le 27 janvier 1930. (88) L'oeuvre ébauchée attend qu'on la termine dans les locaux de l'école des Beaux-Arts de Québec. (89) Le gouvernement agit avec célérité. Une nuée de peintres recueille les miettes. Horatio Walker touche $500 pour sa contribution, qui semble s'être limitée à établir la part des artistes impliqués « afin d'émettre des chèques à qui de droit. » (90) Charles Maillard et Ivan Neilson, respectivement directeurs des écoles des Beaux-Arts à Montréal et à Québec, recueillent officiellement l'honneur d'avoir terminé l'oeuvre. (91) Maillard touche le plus gros magot puisqu'il a organisé et surveillé tous les travaux; Neilson se contente d'un rôle effacé. (92) Ceux qui ont véritablement peint l'oeuvre sont deux étudiants: l'un de Québec, Paul Bédard, élève de Neilson; l'autre de Montréal, Henri Bélisle, élève de Maillard. Bédard et Neilson meurent en 1931, Maillard beaucoup plus tard. Henri Bélisle vit toujours et nous a révélé les circonstances de ce contrat. Lorsqu'il fut choisi par Maillard, la toile de Huot était dans la salle de sculpture de l'école des Beaux-Arts de Québec. Le sujet principal était assez avancé: la table avec les personnages assis autour, le mur derrière avec les drapeaux et les fenêtres. La partie gauche de la toile avec les deux hallebardiers était vierge; la partie droite avec la porte ouverte n'était qu'ébauchée. À l'aide des esquisses de Huot (93) on fit de grands dessins que l'on transféra au pochoir sur la toile. Des costumes et même des modèles ont été utilisés. Maillard se contenta de retoucher le travail lorsqu'il fut achevé. Le tout avait duré quatre ou cinq semaines, vers les mois de juillet et août 1930. L'exécution terminée, Bélisle et Bédard n'eurent plus rien à voir avec l'oeuvre. Maillard veilla à son installation. Ce fut la dernière décoration murale du Palais législatif, bien que l'on eût proposé en 1959 de décorer le plafond de cette même salle. (94)

Les commandes de Huot pour l'embellissement des édifices du Parlement ne s'arrêtèrent pas aux seules oeuvres picturales. En décembre 1914 il fut payé $600 pour un tableau dont Henri Perdriau, verrier de Montréal, tira un vitrail pour la bibliothèque de la législature. Cette allégorie du savoir intarissable s'intitule « je puise mais n'épuise » d'après une idée du bibliothécaire Ernest Myrand. (95) Le vitrail fut exécuté en 1915 sous la surveillance de Huot dont le gouvernement défraya le séjour à Montréal. (96) Il fut
également consulté pour le tapis de l'Assemblée législative dont il fournit un modèle en 1914. (97) Il exécuta aussi quelques portraits et restaura d'autres tableaux défraîchis. (98) Mais, de façon plus exceptionnelle, Huot eût le privilège de loger son atelier dans les édifices mêmes du Parlement. (99) Peu après l'inauguration de son Débat sur les langues, il semblait acquis qu'il était devenu le peintre officiel du gouvernement et que lui seul décorerait de murales l'enceinte du Palais législatif.

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