Vivre ensemble

 

2000

 

 

Massimo Guerrera
Carnet d'intentions (Porus)
(détail)
1998-2000


 

 

« ENTRE NOUS TOUS, POUSSAIENT DES ÉCORCES DÉFOLIANTES

je lui ai acheté un service de 12 cuillères d'affection à crédit incertain
depuis, j'en porte toujours deux sur moi enrubannées à mes avant-bras
une autre dans le creux de ma gencive
ainsi paré
je suis prêt à gruger
dans les épaisseurs affectives qui nous séparent

à travailler à la construction et à l'effondrement d'un complexe d'adhérences
que nous habiterons et dont l'inauguration officielle ne sera pas nécessaire


au fait je ne t'ai pas demandé si tu avais faim
viens, on va partager un sandwich aux œufs »

Massimo Guerrera, 1998

 

 

C'est avec un artiste de la jeune génération et une œuvre ne s'inscrivant pas encore dans les collections du Musée que se termine notre parcours, ouvrant le 21e siècle plutôt que de clore celui qui s'achève.

 

Si l'individu a été au cœur de l'art du 20e siècle, le travail prédominant de l'artiste montréalais Massimo Guerrera fait apparaître la question de la communauté comme une des réflexions essentielles des artistes à l'aube du second millénaire.

 

« Entre nous tous », c'est précisément l'espace que Guerrera travaille : l'espace entre les corps, entre les êtres, entre le privé et le public. Un espace social traversé de désirs individuels, de malaises relationnels, de bonheurs domestiques et d'idéologies dominantes.

 

Mettant des mots sur les non-dits, trafiquant les références populaires et poétisant les protocoles commerciaux, ses œuvres et ses performances tracent la circulation des éléments qui structurent notre vie sociale – informations, images, gestes affectueux, etc. Un fil d'Ariane qui s'avère impossible à suivre tant ses ramifications sont nombreuses mais qui lie les individus dans un corps commun poreux et polymorphe.

 

C'est ce corps que tentent d'illustrer ses dessins où des éléments « étrangers » – souvent un personnage et un objet ou des personnages incomplets – sont amalgamés, montrant, par ces chaînes de relations téléscopées, l'interpénétration des couches qui composent l'identité.

 

En effet, il ne s'agit pas de retourner à une conception collective de l'identité – où l'individu s'efface au profit du groupe –, mais plutôt, comme le propose Guerrera, de travailler à partir des ouvertures de notre individualité pour construire, déconstruire et reconstruire continuellement notre identité multiple au contact des autres.

 

A.M.N.

 

Massimo Guerrera
Carnet d'intentions (Porus) (détail)
1998-2000