Suzanne Duquet
Portrait de ma sœur

[Jeanne-Mance Duquet]
1939

 

 

 

Modernité
du portrait

 

1939



L'intérêt marqué des artistes québécois pour le portrait dans les années 1930 n'est pas étranger au fait que la modernité, artistique comme culturelle et sociale, est le moment d'une importante prise de conscience de l'individualité.

Dans le champ de l'art, cette conception nouvelle de l'individu se manifeste par une réflexion intense sur la subjectivité de l'artiste et sur la singularité des aventures plastiques.

 

Dans ce contexte, le portrait devient un lieu privilégié d'étude et d'expression de l'individualité et un terrain fertile d'investigation formelle. Le portrait n'est plus un tableau de commande à l'allure officielle, comme par le passé, mais bien le portrait d'une sœur, d'un ami ou encore de soi, autant de visages ouvrant sur des possibilités d'interprétation.

 

Le Portrait de Madame G. (1931) de Jori Smith donne une représentation encore assez classique de son amie, l'artiste Louise Gadbois.

La pose de trois quarts, la figure centrée et les volumes bien travaillés sont conformes aux règles académiques, mais pas l'utilisation audacieuse des couleurs pures un peu partout dans la figure, les ombres et lumières étant données par des éclats de violet et de vert.

En ce sens, le Portrait de ma sœur peint quelques années plus tard par Suzanne Duquet est assez typique de la modernité qui anime les portraits de l'époque : la pose est frontale, le visage très expressif, mais beaucoup moins flatteur que le voudrait le genre.

Jori Smith
Portrait de madame G

[Louise Gadbois]
1931

 

Des ombres et des lumières en relèvent fortement les reliefs, les couleurs sont vives et très contrastées et les bras et jambes croisés, en plus de donner un caractère très fort au personnage, permettent, combinés aux lignes du vêtement, un jeu de diagonales qui dynamise l'ensemble de la composition.

Par conséquent, ce ne sont plus ici les attributs du personnage qui témoignent de son statut social – les livres et les instruments scientifiques des intellectuels, les vêtements et les parures des bourgeois – mais bien le traitement même de la peinture qui cherche à rendre compte de l'intériorité du portraituré – et du portraitiste.

 

Plus sobre quant aux couleurs et à la composition, le Portrait de Pierre (1940) de Louise Gadbois n'en est pas pour autant moins expressif. Ici, tout l'environnement est unifié dans des teintes de gris afin de mettre en valeur, par contraste, les teintes chaudes du visage, lieu où prend place toute l'expressivité du personnage.

La pose calme, voire statique du fils de l'artiste, est animée par des yeux immenses dont le regard se porte sans détour sur le spectateur.

 

A.M.N.


Louise Gadbois

Portrait de Pierre

1940