Adrien Hébert
Port de Montréal

vers 1927

 

 

 

 

Espace urbain

 

1927

 

 

 

La densification du tissu urbain est très rapidement devenue un sujet de prédilection pour les artistes du 20e siècle. Travailler l'art moderne voulait dire être attentif à son époque, donc à un rythme nouveau, celui de plus en plus grouillant de la ville.

 

 

Plus qu'un nouveau sujet iconographique, la ville amène un rapport inédit à l'espace qui transforme du coup les façons de peindre ou de photographier et permet à l'artiste d'exprimer une nouvelle position dans le monde.

Chez Adrien Hébert, par exemple, le port de Montréal, vide de présence humaine, n'en résonne pas moins du bruit des sirènes, des moteurs et des frottements de métal. Mais cette absence de l'homme indique également une nouvelle réalité, celle d'un environnement à une échelle plus grande que nature, dont le gigantisme et la verticalité des tours et des gratte-ciel structurent désormais la composition de l'espace peint.

 

À la même époque, c'est par un réseau abstrait de lignes et de points colorés que Fritz Brandtner rend compte de l'activité de la ville. En exploitant les nouvelles ressources électriques comme point de repère de la vie urbaine, l'artiste évoque plus qu'il ne représente la ville dans City by Night (1930) et découvre du coup des avenues originales dans le langage pictural.


Fritz Brandtner

City by Night

vers 1930

L'espace – celui de la ville et celui de la représentation – est toujours, en 1979, l'enjeu principal des travaux de Pierre Boogaerts, qui utilise l'architecture urbaine elle-même pour élaborer de nouvelles perspectives dans l'image. Ses points de vue, en contre-plongée, des sommets des immeubles new-yorkais nous ramènent à notre échelle humaine et à notre position inférieure sur le trottoir pour faire littéralement basculer la représentation.


Pierre Boogaerts

Coin de Broadway et Wall Street, 5 mai 1979

1979

Au cours de la décennie suivante, Pierre Granche s'est également intéressé à la perspective et son Immeuble de la Banque Royale (1987), traité à partir d'une conception topologique de l'espace, devient une véritable interprétation de la ville : la science sur laquelle est basée la construction de la banque devient l'outil qui en poétise la représentation.


Pierre Granche

Immeuble de la Banque Royale

1987


À l'inverse, les travaux de Lee Friedlander, de Aaron Siskind et de Geoffrey James sont des vues piétonnières de la ville. Présentant des segments de murs de plus en plus rapprochés, leurs photographies marquent la fragmentation de la vision opérée par l'architecture urbaine.

Panneaux publicitaires, graffitis, brique et béton traduisent l'énergie de la ville et la font basculer dans un univers poétique, voire carrément esthétique chez Siskind qui ne les traite plus que comme lignes, formes et textures.

A.M.N.


Aaron Siskind
Rome
1973