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Introduction

Mandatée par la Bibliothèque nationale du Canada pour préparer une exposition sur sa Collection des livres rares, je m'y rendis par une journée de printemps. Je commençai à feuilleter quelques livres au papier ancien et aux couvertures de vélin : je fus bientôt étonnée d'y retrouver aussi des illustrations que j'avais déjà vues sous forme de reproductions dans diverses études. Mais les illustrations originales surpassaient nettement leurs reproductions subséquentes. J'éprouvai alors l'agréable sensation d'avoir soulevé le couvercle d'un écrin rempli de véritables perles, chacune d'elles faisant miroiter un récit... Et chaque récit me dévoilait diverses facettes d'un monde aujourd'hui disparu, tellement il a été modifié au cours des derniers siècles. De plus, au fil de mes lectures, je fus amenée peu à peu à modifier ma propre opinion sur ce qu'il est convenu d'appeler la «découverte» de l'Amérique.

À la question «Qui a découvert l'Amérique?», d'aucuns répondront «Ses premiers occupants, les Amérindiens», d'autres encore «Christophe Colomb», et un certain nombre, enfin, «Bjarni Herjolfsson». En réalité, dépendamment du point de vue où l'on se place, chacune de ces réponses est bonne, mais aucune n'est la bonne.

À proprement parler, Herjolfsson, en l'an 986, et Colomb, en 1492, n'ont découvert qu'une infime parcelle de l'Amérique; ni l'un ni l'autre ne furent d'ailleurs conscients d'avoir cotoyé un nouveau continent. Quant aux Amérindiens, encore au début du XVIIe siècle, chaque groupe qui habitait en Amérique n'en connaissait qu'une partie, plus ou moins vaste selon les groupes, mais aucun n'en possédait une vue d'ensemble.

En réalité, l'Amérique, et plus particulièrement l'Amérique du Nord, fut découverte pour ainsi dire au compte-gouttes par une infinité d'individus. Sur le seul plan géographique, il aura fallu plus de quatre siècles d'exploration à compter de l'arrivée des premiers Européens avant que l'on ne parvienne à découvrir et à franchir un passage navigable à travers l'Amérique du Nord, reliant l'Atlantique au Pacifique: le fameux passage du Nord-Ouest.

Par ailleurs, la découverte de l'Amérique du Nord ne fut pas uniquement une aventure géographique, loin de là. Il suffit, pour s'en convaincre, de parcourir les anciens récits des explorateurs et des voyageurs, qui constituent l'une des pièces maîtresses de la Collection des livres rares de la Bibliothèque nationale du Canada. On y constate que l'exploration de l'Amérique du Nord fut en effet un processus long et ardu, qui s'effectua sur les plans scientifique (notamment botanique, géologique et zoologique), social et même artistique. Incidemment d'ailleurs, les connaissances acquises lors de l'exploration de l'Amérique entraîna même l'apparition d'une nouvelle science: l'anthropologie.

Le présent site vous convie donc à savourer quelques-uns des événements qui ont ponctué l'exploration graduelle du continent nord-américain, par le biais d'un certain nombre de récits anciens. Car, il a évidemment fallu procéder à des choix, tant parmi les ouvrages eux-mêmes, que parmi les faits qu'ils décrivent. Pour ce faire, nous avons visé le même objectif qu'un des auteurs présenté dans l'exposition, Pierre-François-Xavier de Charlevoix: faire voir tout à la fois «le curieux, l'utile et l'intéressant».

Parmi les récits exposés, certains ont été retenus pour la qualité et l'intérêt de leurs illustrations (Grasset de Saint-Sauveur); d'autres, pour leur extrême rareté (Alfonse). Un certain nombre ont été choisis à cause de la grande diffusion qu'ils connurent du vivant même de leur auteur (Hennepin), ou à cause de l'impact qu'ils eurent sur l'ensemble de la littérature occidentale (Lahontan); quelques-uns, au contraire, parce que leur auteur est pratiquement inconnu du public et même peu des spécialistes (Gage). Certaines oeuvres ont aussi été choisies pour illustrer un aspect particulier du processus de la découverte du continent, soit anthropologique (Lafitau), scientifique (Kalm), ou artistique (Kane). Bref, cet échantillonnage vise à refléter la richesse et la variété de l'ensemble des ouvrages de même nature faisant partie de la Collection des livres rares de la Bibliothèque nationale du Canada.

Au chapitre de la sélection de faits ou d'événements rapportés dans les divers ouvrages exposés, le choix fut des plus difficile. En effet, les récits retenus contiennent tellement de descriptions et d'observations dignes d'intérêt que, dans la majorité des cas, chaque récit pourrait, à lui seul, faire l'objet d'une exposition. Nous avons finalement opté de présenter des extraits en fonction de quelques idées maîtresses qui nous semblaient passablement méconnues: les guides amérindiens, les difficultés inhérentes aux voyages d'exploration, ainsi que l'étonnement ressenti par les explorateurs face à ce qu'ils n'avaient jamais encore vu.

Jusqu'à présent, très peu d'attention a été portée sur le rôle déterminant, pour ne pas dire essentiel, des Amérindiens dans la découverte du continent. Sans eux, le déjà long processus de la découverte de l'Amérique du Nord eût duré indubitablement plus longtemps, et il eût certainement entraîné plus de victimes.

Les Amérindiens agirent tout à la fois comme informateurs, comme guides et commes pourvoyeurs au sein de la plupart des expéditions d'exploration menées sur l'ensemble du territoire. Ils le firent parfois contre leur gré, comme ceux qui guidèrent le navigateur Cartier dans sa découverte du fleuve Saint-Laurent. Par contre, la majorité d'entre eux collaborèrent volontairement, et les témoignages en ce sens abondent dans les récits.

À l'âge de l'ordinateur et du satellite, il est difficile de concevoir l'ampleur des obstacles et des dangers qui guettaient ceux qui s'aventuraient en mer ou en terre inconnues. Il fallait alors une forte dose de courage, de force, de détermination, d'endurance et de confiance en soi pour exercer le «métier» d'explorateur, comparable en bien des points à celui de cosmonaute aujourd'hui. Pendant longtemps, la seule traversée de l'Atlantique constitua une rude épreuve, que Gabriel Sagard évoqua en ces termes: «Il me semble n'avoir jamais tant souffert corporellement au reste de ma vie, comme je souffris pendant ces trois mois et six jours de navigation, qu'il nous fallut pour traverser ce grand et épouvantable océan [...]».

Parvenu sur le continent, l'explorateur ou le voyageur n'était pas pour autant au bout de ses peines, et les récits foisonnent des tourments de toutes sortes que l'un ou l'autre eut à subir. De son séjour dans la région des Grands Lacs, au milieu des années 1680, Lahontan rapporta: «Un des soldats qui n'accompagnait me dit qu'il fallait avoir le sang d'eau-de-vie [alcool], le corps d'airain et les yeux de verre pour résister au grand froid qu'il faisait.» Un demi-siècle plus tard, dans une forêt de la Nouvelle-Angleterre, Kalm nota: «[...] je n'ai jamais ressenti pareille chaleur et l'on a peine à respirer, comme si les poumons ne pouvaient plus recevoir assez d'air, ou encore comme dans le cas d'une violente crise d'asthme. Bref, c'est une asphyxie presque totale.» Pourtant Lahontan et Kalm. se trouvaient pratiquement à la même latitude! Par ailleurs, d'autres furent beaucoup moins heureux dans «leurs tourments» que Kalm et Lahontan, plusieurs explorateurs ayant perdu leur vie en mission de découverte: certains disparurent à tout jamais (Cabot, les Corte Real, Lapérouse), d'autres furent tués par des indigènes (Verrazzano, Soto, Cook) ou encore par des membres de leur propre expédition (La Salle), tandis qu'un Franklin périt de faim et de froid.

Dans un autre ordre d'idées, les anciens récits de voyage et d'exploration sont abondamment ponctués, pour ainsi dire, d'exclamations d'étonnement, provoquées tantôt par le grandiose, tantôt par l'inédit tantôt par l'inexplicable. «Les fleuves de l'Europe sont des ruisseaux en comparaison de ceux du Nouveau Monde», s'exclame un Lafitau; «Les arbres sont d'une grosseur et d'une hauteur prodigieuses», enchaîne un Hennepin. De telles remarques sont légions. C'est un Nouveau Monde aux dimensions démesurées que découvre graduellement l'explorateur venu de l'Ancien Monde, un nouveau continent qui tient à la fois de l'enfer et du paradis, selon l'endroit où il aborde. À son retour en France d'un séjour à la baie d'Hudson, La Potherie écrit: «Grâce au Seigneur, je sors, Monsieur, du plus affreux pays du monde. Je ne crois pas que l'on m'y rattrape [...]». Thomas Gage, par contre, rentre en Europe avec une toute autre impression: «Enfin la ville de Mexico ni ses environs ne manquent de rien [...] et le titre de paradis terrestre lui convient mieux qu'à quelqu'autre lieu du monde.»

Parallèlement au grandiose, l'inédit, comme une plante ou un animal jamais vu en Europe auparavant, provoque la surprise. Ainsi en est-il pour ces «grenouilles d'une étrange grosseur, dont le croassement est aussi fort que le meuglement des vaches», pour ce «lièvre qui chante comme un oiseau et qui dort tout l'hiver», pour cet animal gros «comme un chat, de la figure d'un rat, avec un sac sous la gorge où il met ses petits», ou encore pour cette bête «grande comme un boeuf, avec deux dents dans la gueule comme l'éléphant, et qui va dans la mer». De telles descriptions devaient sûrement semer le doute dans l'esprit des lecteurs européens de l'époque et pourtant, elles correspondent respectivement au ouaouaron, à la marmotte, à l'opossum et au morse.

Quant à l'étonnement suscité par l'inexplicable, il devait paraître parfois encore plus suspect aux yeux des mêmes lecteurs: «Dans le temps le plus serein, on aperçoit tout à coup au milieu de la nuit [à la baie d'Hudson], des nuages d'une blancheur extraordinaire, et au travers de ces nuages, une lumière très éclatante. Lors même que l'on ne sent pas un souffle de vent ces nuages sont chassés avec une très grande vitesse et prennent toutes sortes de figures. Plus la nuit est obscure, plus la lumière est vive [...]» Il s'agit là, bien sûr, de la description d'un phénomène incompréhensible pour un Européen qui n'avait encore jamais vu une aurore boréale.

En résumé, nous avons donc adopté une approche quelque peu impressionniste en recueillant des citations reliées aux découvreurs et à leurs guides, aux difficultés liées aux voyages d'exploration, ainsi qu'à l'étonnement suscité par le jamais vu. Nous espérons que ce site saura transmettre aux visiteurs un avant-goût des trésors d'information contenus dans les récits de voyage et d'exploration du continent nord-américain.

On retrouve, sur ce site, les images de certains ouvrages qui ont été présentés lors de l'exposition "Passages", accompagnés de textes résumant la vie d'un explorateur ou encore soulignant l'importance particulière de sa contribution à la connaissance du Nouveau Monde. Les notices ont été rédigées par notre collègue, Pierre Dufour. Ainsi le curieux pourra partir à la découverte des explorateurs ... ou du continent!

Michelle Guitard
Historienne conseil


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