Récit du bâtiment de feu
En 1939, c'était à la fin de
janvier, on était dans une shanty, on était
deux. C'était à peu près vers 9 heures
du soir, mon chum a dit on va aller voir pour de la neige
pour faire fondre pour de l'eau pour boire. En s'en venant
à la shanty, il m'a dit ça, moi, j'étais
couché bed.
Il a dit : « As-tu entendu parler du
bâtiment de feu? Le feu du mauvais temps? »
J'ai dit « Non ». J'ai dit «
j'en ai entendu parler de mes vieux parents ». J'ai
dit « À cause tu le vois-tu? »
Il dit : « Je le vois au large de l'Île
».
Ça fait notre
shanty de la manière qu'elle était placée,
fallait que je rouvrais la porte, la porte se rouvrait en
deux morceaux. J'ai ouvert une partie de la porte pour regarder,
il était pas au large de l'Île. I en que le temps
de deux à trois minutes, il était à peu
près à 25 pas de la shanty. Ça fait un
gros bruit, il y avait trois mâts, il avait à
peu près comme dans les 125 pieds de longueur, pis
il y avait cinq hommes à bord. Mais le monde parlait
pas. C'était ien que des chaînes, on entendait
le bruit des chaînes tout le temps. I avançait
pas vite, on a été chanceux qu'il a pas bousculé
la shanty, mais en même temps on a attendu cinq minutes.
Après cinq minutes j'ai ouvert la porte encore pour
garder, il s'avait avancé deux à 300 pieds.
Quand il a été rendu à peu près
comme à 4-500 pas, là j'ai parlé à
mon chum.
J'ai dit ça, « C'est ça
le bâtiment de feu? ».
Au moment que je l'ai déclaré,
les boules de feu, les boules yen avait trois, il y en avait
une bleu, une blanche pis une rouge. Dire comment qu'elles
étaient placées je peux pas vous le dire, mais
elles avaient à peu près 5 à 6 pieds
de diamètre.
Ça, ça montait dans les airs
pareil comme un feu d'artifice. Ça montait à
peu près dans le150 pieds dans les airs, ça
pris à peu près environ de 20 à une demi-heure
avant que ça pu descendre ça. C'était
le plus beau feu d'artifice que je verrai jamais de ma vie.
Mais le bâtiment a resté noir
en bas lui, il avait pas de lumière pour l'éclairer
mais on le voyait pareil. On l'a vu à peu près
jusqu'à trois milles sans lumière quand il a
fait le tour de l'île autour de Caraquet. Là,
on a fermé la porte de la shanty, j'ai parlé
beaucoup avec mon chum. Au bout de cinq minutes, on ouvrait
tout le temps la porte pour voir où cé qu'il
était, à toutes les cinq minutes ça nous
a pris à peu près 20 minutes. Au bout de 20
minutes on a regardé, on le voyait encore sortir à
peu près en arrière de l'île. On a fermé
la porte encore pour un autre cinq minutes. Quand on l'a ouvert
la porte encore, il était encore à la même
place qu'on l'avait vu le premier coup de toute, avec les
trois mêmes boules de feu, pis la même longueur.
Le bateau avait seize voiles. C'était un bâtiment
à trois mâts: il avait deux voiles en arrière,
cinq voiles sur le deuxième mât, cinq voiles
sur le troisième mât pis il avait quatre guides
ça fait seize voiles. Les mâts avaient à
peu près 18 à 20 pouces de diamètre,
pis dans les 50 à 60 pieds de longueur. Ça fait
on l'a regardé encore à peu près 15 à
20 minutes, pis il grouillait quasiment pas de place. Il avait
avancé de 100 pieds à peu près dans 20
minutes. Ca fait j'ai fermé la porte pis je m'ai assis.
J'ai dit à mon chum : « C'est mieux qu'on regarde
pas, parce que peut-être ben nous arriver du malheur
».
Ça fait que le lendemain matin, j'ai
dit à mon chum : « Moi je vas voir le prêtre
». Il y avait à peu près un mille, un
mille et demi, à faire pour aller voir le prêtre.
J'ai attelé mes chiens. J'avais un team de chiens,
ça fait j'ai été voir le père
Violette, il était alentour de 9 et quart, 9 heures
et demi. J'ai dit ça au père : « J'ai
venu vous voir pour vous conter un évènement
qui nous a arrivé hier à soir ». Là,
il m'a fait assir et j'ai jasé avec lui. J'ai toute
conté comment ça avait arrivé pour le
bâtiment de feu.
J'ai dit : « C'est de quoi qui me bâdre
terriblement, d'après ça que j'ai vu avec mon
chum ». J'ai dit : « Je sais pas, ça prendrait
de quoi que vous me bénirait, que vous donneriez des
médailles, quelque chose ». Ça fait il
m'a donné des médailles, un crucifix, je lui
ai demandé sa bénédiction, il m'a béni,
je m'en ai été, je m'en ai retourné.
J'ai dit ça au père : « Je veux que vous
priez pour moi, je l'ai vu une fois, je veux pu le voir deux
fois, parce que j'ai dit c'est de quoi de considérable
». C'est quasiment pas croyable. Il y a pas personne
qui me croit à part que ça soit moi pis mon
chum. À part de ça j'ai déjà parlé
avec un plus vieux que moi, asteur il est mort. Il m'a conté
qu'il l'avait vu un brique qui lui coupait le chemin. Il venait
toujours en avant de lui, jusqu'à temps qu'il s'est
aperçu que c'était le feu du mauvais temps,
le bâtiment de feu qu'on appelle. Ça tout le
temps foncé sur lui, pis lui s'éloignait tout
le temps. Ça fait ça venu qu'il a pu rentrer
à Caraquet.
À part de ça au commencement
de mon histoire, le père Violette m'a fait venir un
petit livre, il y avait à peu près quatre ou
cinq feuilles. Dans le petit livre ça disait que c'était
des gars de la Côte Nord, qui avait un mauvais temps,
qu'ils étiont cinq, qui pêchaient dans une petite
barge. Après ça les quatre voulaient pas s'en
aller, le cinquième, le capitaine, les a forcé
de s'en aller. Les quatre avont dit : « C'est mieux
qu'on laisserait passer le mauvais temps, après ça
on s'en ira après ». Le cinquième, celui-là
qui avait le bâtiment : « C'est mieux qu'on va
avant la tempête pis que le diable nous enlève
». Ça fait que c'est ça qu'a arriver.
Ils ont péri pis de cette histoire là que le
feu du mauvais temps a tout le temps régné.
À part de ça j'ai parlé avec des gars
qui étaient plus âgés que moi, que ça
le feu du mauvais temps ça s'avait fait deux à
trois jours avant la tempête. C'est ça qu'a arrivé.
Nous autres quand on l'a vu c'était
deux à trois jours avant une grosse tempête de
vent frette. Le vent faisait à peu près 50 à
60 milles à l'heure. Y avait tombé à
peu près de deux à deux et demi pieds de neige.
Arthur Chiasson (73)
Pokesudie, NB
28 juin 1982
Université de Moncton, Centre d'études
acadiennes, Collections Germaine Chouinard, Azilda Comeau
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