Le Vaisseau Fantôme
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Le bateau-fantôme

Le bateau-fantôme, je ne l'ai jamais vu. Pourtant j'ai donc fait ce trajet-là de Shippagan à Campbellton! J'ai fait ce voyage-là bien des années, mais je l'ai jamais vu. Je crois que c'est possible qu'il y ait un phénomène. Je suis convaincu parce que, des fois, parce que moi-même, sans voir le bateau, j'allais assez souvent sur la grève à Jacquet River.

Quand j'étais jeune, j'allais presque quatre ans, durant l'été. Je restais là pendant l'été. On voyait des choses, des couchers de soleil sur la baie. C'était formidable. Parfois, quand on regardait ça, on se posait la question :

-C'est-i ben le bateau-fantôme?

Mais ce qu'on voyait, c'était pas des formes qui ressemblaient à un bateau mais c'était des formes. C'était surtout quand y avait un peu de brume le soir; quand la brume se levait. Quand la brume achevait, là y en avait des formes avec les rayons du soleil, je crois que là, on pourrait croire avoir vu un bateau-fantôme. Mais personnellement, j'ai jamais vu le bateau-fantôme. Mais c'est assez souvent que j'ai entendu parler de ça.

Catherine Jolicoeur : Qu'est-ce que vous avez entendu raconter?

J'ai rien entendu de spécial excepté que, vous me posez une question qui m'embarrasse, excepté que c'était un bateau qui apparaissait, tout simplement. Et, à partir de là, on a créé toutes sortes d'histoires; qu'y avait un bateau qui avait coulé pis ça rendait l'histoire vraisemblable. Ou bien on avait eu connaissance ou même vu quelqu'un mourir en bateau. Et à partir de ces images-là, que ça évoquait, on avait éprouvé une grande sympathie pour le bateau-fantôme. Je crois que ça le rendait, ça, attachant.

Je crois que c'est cet aspect attachant qui rappelle tant de naufrages et tout ça qui a rendu cette histoire du bateau-fantôme, qui le garde bien vivant... qui la garde vivante, cette histoire.

C.J. : Elle est très vivante.

Oui, très vivante. Alors moi, je peux pas dire que je l'ai vu.

C.J. : Est-ce qu'ils racontaient comment c'était fait le bateau-fantôme?

Non, moi, j'ai jamais eu quelqu'un qui m'a expliqué que c'était que le bateau-fantôme, excepté que c'était le bateau-fantôme. C'est ce que j'ai entendu, moi. Peut-être qu'y en a quelques-uns qui m'ont dit qu'ils en avaient vu un genre de bateau. Ils disaient pas que c'était un bateau à voile, ni rien du tout.

Moi, je me suis toujours figuré que c'était un bateau à voiles dans le temps du bateau-fantôme. Ça pu originer dans ces temps-là parce que j'en ai vu des bateaux-goélettes avec des grands mâts, à Campbellton. On voyait les bateaux à voiles de chez-nous.

C.J. : Ça duré jusqu'à quelle année, les bateaux à voiles?

Je crois que c'était dans les années 1920 à 1922 ou peut-être un petit peu plus tard. Ça existait à la fin de la guerre; moi, je m'en rappelle de la fin de la guerre, en 1918, y en avait encore. Je me rappelle quand l'église de Restigouche a brûlé; quand l'école Roseberry a brûlé aussi. C'était à peu près en même temps, y en avait encore à ce moment-là, quelques-uns qui montaient.

Y avait le moulin à shives qui se trouvait où se trouve Lounsburg actuellement. Mais je crois que c'était plus vivant à ce moment-là, le bateau-fantôme.

C.J. : Au temps des goélettes...

Oui, au temps des goélettes. J'en ai plus entendu parler au temps de ma jeunesse que j'en ai entendu parler maintenant. Mais, étant romantique moi-même puis comme j'ai donc voyagé de Shippagan à Campbellton, dans le temps que ma mère était là, je cherchais dans le temps que je montais pour voir si je verrais pas ce bateau-fantôme. Quand on s'en venait des assemblées, je regardais pour essayer de le voir. Le souvenir de ça m'était resté longtemps et encore aujourd'hui. Je n'ai rien à dire de précis.

Mais, dans ce temps-là, c'était si beau des goélettes! Et j'imagine voir une goélette dans la brume, ça devait être un spectacle. Ça devait être beau! Ça devait être beau aussi vu du chemin! En ces moments-là c'est facile, pour les gens de s'imaginer voir des bateaux-fantômes.

Ça fait réfléchir, ce bateau-fantôme. Parce que dans notre subconscient, nous autres, on est des Bretons, puis on dit que les Bretons sont des marins, dans notre subconscient, ça éveille des échos. Des fois, on fait des rêves qui ne s'expliquent pas par le genre de vie qu'on mène aujourd'hui. Ce sont des choses d'un passé très lointain que nous possédons dans notre subconscient. On ne peut pas expliquer ça, mais c'est intéressant.

Fernand Ouellet (65)
Saint-Arthur (Restigouche) NB
1978

Collections Catherine Jolicoeur
Université de Moncton, Centre d'études acadiennes, Fonds Catherine-Jolicoeur, 63.012

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