Le Vaisseau Fantôme
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Feu du mauvais temps

En tout cas, là anciennement, moi, quand i parlaient du bateau-fantôme, ça peut exister, mais j'étais pas mal douteux. Un bon moment donné, vers le 30 septembre, ou l'commencement d'octobre, comme j'me préparais tous les ans pour m'en aller dans les chantiers, j'allais toujours passer les hivers là après la pêche finie pis les ouvrages de la ferme. J'avais des vieux que j'gardais comme de nos parents, un monsieur Alex Labilois pis madame Alex, et pis ils étaient gardés par un homme, un nommé Savoie qui était mon parrain en même temps. Jamais j'partais pour aller faire un long voyage comme ça sans aller les voir avant de m'en aller, les vieux pis mon parrain.

Toujours que c'soirée-là, j'm'avais été là, pis j'm'avais mis à parler avec tout'eux-autres, j'avais dételé même, mis d'dans la voiture. Pis vers les 10 heures, on a entendu l'vent. Attends un peu, j'ai dit à mon parrain Claude Savoie, j'ai dit : « J'crois qu'on va avoir une tempête, j'ai dit, j'attèle pis j'm'en vas. » Monsieur Alex était avec moi, pis Mme Alex, parlaient d'toutes sortes de choses, on avait ben du plaisir à s'conter toutes sortes d'affaires, parce que c'était du monde ben joyeux.

Toujours, j'ai parti pour m'en v'nir, le temps s'avait couvert du coup, avec une grosse brume, i faisait ben noir. Pis rendu dans les détours icitte, pas ben loin d'icitte, à peu près 3/4 de mille de chez nous, j'm'adonne à jeter la vue par dessus la mer, pis j'ai dit si c'est l'bateau-fantôme existe, le v'là, c'est lui. J'le voyais aussi ben comme on peut voir un bateau à voile, en anglais « squarried ship » ou en français, barque. Avec des voiles carrées dans les mâts de d'dant, c'était à peu près une ressemblance comme ça, absolument comme ça j'voyais qui faisait la navette de Jacquet-River en allant vers New Richmond, prenant pas ben longtemps à faire la traversée, retournant. Et j'm'ai tanné à l'regarder, un moment donné, j'chu v'nu ici, j'ai dételé la voiture, j'ai réveillé mon père pis ma mère et pis j'leus ai dit : « Vous voyiez l'bateau-fantôme anciennement. Si vous le r'voierais, pourriez-vous m'dire si c'est la même chose que vous voyais. » Ça fait que papa a rouvert le châssis d'sa chambre comme i faut en haut, parce qui couchait en haut, pis i a r'gardé pis a dit : « C'est ben la même chose qu'on voyait anciennement ». Pis i m'a dit : « Par exemple, prépare-toi pour une tempête ».

Pis ça été absolument comme ça. On a eu une tempête épouvantable pour trois jours de temps. Trois jours et trois nuits; ça toujours resté dans mon idée. J'ai jamais pu dire après ça, parce que j'étais ben sobre, pis j'avais pas un coup de boisson, j'ai passé comme deux heures, mon g'val attaché sus l'bord, à l'abri du vent, des arbres, à le r'garder et pis j'ai toujours dit que là ma vue faisait pas défaut. Si i arait quelque chose qui m'arait troublé, j'arais dit j'peux avoir rêvé. J'avais pas rêvé parce que j'ai pris la peine de les réveiller pour y eu prouver que j'rêvais pas. I m'ont dit : « C'est absolument c'qu'on voyait quand on était nous-autres à l'entour de l'âge d'une vingtaine d'années. »

Adélard Roy (72)
Nouvelle (Bonaventure), Québec
22 juillet 1955

Roy, Marie-Claude et Trudelle, Mireille, «Vaisseau fantôme et bateau de feu», Culture & tradition, vol.3, 1978, p33

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