La goélette en feu
Catherine Jolicoeur : Quand c'est que c'est
arrivé cette goélette en feu?
Ça arrivé la même année
du feu, en 1910. Nous autres, on restait ici. Une soirée,
on était assis dehors. Il faisait noir. C'était
vers neuf, dix heure. En bas, par Pointe-La-Garde, on a vu
pareil comme une goélette monter.
Tu pouvais voir les mâts dessus pareil
comme si ça serait une goélette en feu. Tu voyais
le monde dessus. Ça montait dans la rivière,
ça monté pour trois ou quatre minutes. On voyait
bien par Pointe-à-Bouleau. Ça monté à
peu près jusqu'à la Pointe-à-Bouleau
puis ça calmé.
Les vieux ont dit que c'était la goélette
en feu, le Phantom Ship. J'avais comme six ans dans ce temps-là.
Je me rappelle bien de ça par exemple. J'ai venu au
monde en 1905. C'était vers 1911 ça.
C.J. : Cette goélette-là, avez-vous
gardé les yeux dessus tout le temps? Tout le temps
qu'elle s'en venait?
Ça passait pas vite ça montait.
C'était pareil comme une goélette en feu. Tu
voyais pareil comme des morts. Puis c'est pareil comme si
tu voyais le monde qui marchait dessus. Tu pouvais pas mal
distinguer. Plus ça montait, plus ça calmait.
Puis ça disparu. On l'a vu comme pour trois, quatre
minutes, je crois bien.
Le lendemain, on n'a entendu parler. Y en
avait d'autres qui l'avaient vu...
C.J. : Vous voyiez des hommes à bord?
C'est pareil comme si tu voyais des ombrages,
pareil comme du monde qui marchait.
C.J. : Avez-vous entendu parler de ce que
les vieux disaient de cette goélette-là?
Bien, la goélette en feu, on entendait
ça souvent. La goélette en feu, le Phantom Ship,
ils en parlaient. Des fois, ils la voyaient monter jusqu'en
haut ici. Ça se rendait quasiment jusqu'à la
ville de Campbellton. Ils ont jamais su quoi c'était.
Ils disaient que ça venait avant une
tempête. Ils disaient, quand tu voyais ça après
ça, c'était signe qu'y avait une tempête,
une grosse tempête. Les vieux, personne a jamais pu
expliquer quoi c'était. Ça c'était avant
la première guerre. Après ça, ça
arrêté. C'était le soir. On était
sur le perron en avant; moi, ma mère, mon père,
mes frères, on était tous là, assis sur
le perron. C'était le soir. Il faisait beau. C'était
l'été une belle soirée chaude. On était
tous assis sur le perron.
Antoine Doucet (73)
Campbellton (Restigouche) NB
1978
Université de Moncton, Centre d'études
acadiennes, Collections Catherine Jolicoeur
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