Bateau-fantôme
Diane Thériault : Vous avez déjà
entendu parler du bateau-fantôme?
Oui, le bateau-fantôme, quand il a brûlé,
ils sont tous morts à bord là.
D.T. : C'est du méchant monde qui était
à bord de ça?
Non, c'était pas du méchant
monde, c'était toutes des Acadiens, du monde comme
nous autres. Seulement que c'était habillé plus
en vieux, ils étaient jeunes puis ils avaient l'air
tous vieux. Pareille comme aujourd'hui, si j'aurais une grosse
robe d'étoffe qui me descendrait sur les pieds, puis
des jupons, la même chose. Même des caleçons
qu'on peut dire, nous autres on porte des step-ins aujourd'hui.
D.T. : Mais le bateau-fantôme, c'est
du monde qui a péri là?
C'est du monde, le bateau a fait explosion,
ça prit en feu; ça c'était pas du gaz
parce qu'il y en avait pas dans ce temps-là, de la
gazoline qu'on appelle là. C'était à
rame, c'était un gros, gros bateau supposé,
un bien gros bateau. Mon grand-père Pinette, le père
de mon père, il l'a déjà vu lui, puis
Maturin, c'était le père de mon grand-père,
il l'avait vu puis il l'avait posé ça quand
il a brûlé, ça se trouvait dans la nuit.
D.T. : Puis là, ce bateau a péri
puis il continue tout le temps à allumer?
Mais là dernièrement on entend
plus parler. Mais dans le temps de mon père, ça
fait douze ans qu'il est mort, et puis il avait 90 ans quand
il est mort puis il est mort chez nous dans notre maison,
il parlait de ça souvent. Il était âgé
puis il en parlait souvent de ça, du feu qu'il y avait
à chaque fois qu'il devait avoir un mauvais temps,
qu'il devait pleuvoir, il voyait un feu qui montait, des étincelles
puis toute ça comme si on fait un braisier là.
Un feu par terre dehors, on va dire là. Il voyait monter
la flamme, la fumée toute ça.
D.T. : Est-ce qu'il y avait du monde qui se
promenait sur le bateau?
Non, il voyait rien, il voyait seulement le
feu vis-à-vis d'où que le bateau avait péri
là. Ils étaient tous morts dans le fond de l'eau.
D.T. : Puis c'était près de
l'îIe de Pokeshaw?
Oui pas loin de l'île de Pokeshaw droite
quand on monte à Bathurst.
D.T. : Par ici il le voyais-tu?
Oui, quand que ceux qu'étaient pas
derrière de d'autres maisons. C'était moins
construit dans ce temps-là qu'aujourd'hui. Grande-Anse
était pas construit comme aujourd'hui, il y a beaucoup
d'amélioration on va dire.
D.T. : Puis le monde avais-tu peur de ça
quand il voyait ça?
Bien oui, ils avaient peur, le monde avait
peur il disait pour moi, c'est quelqu'un qui est dans l'enfer.
Il se faisait cette idée-là. Dans ce temps-là
il voyait un enfer, aujourd'hui supposé qu'il y en
a plus, je ne sais pas où elle est allée.
Léda Pinette Landry (75)
Grande-Anse (Gloucester) NB
1983
Université de Moncton, Centre d'études
acadiennes, Collections Diane Thériault
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