Bateau-fantôme
Ça l'air compliqué, mais c'est
très simple. À tous les dix ans, le bateau-fantôme
apparaît quelque part le long des côtes du Détroit
de Northumberland, de la Baie des Chaleurs ou de la Baie de
Fundy. Dix ans, c'est une moyenne. Il peut arriver qu'il se
montre deux ans de suite. C'est un bateau en feu où
brûlent ensemble le bateau et son équipage. De
grandes flammes rouges et jaunes lèchent la coque,
grimpent dans les mâts et les cordages, car c'est un
bateau ancien, et s'entortillent autour des mousses, des matelots
et du capitaine. Puis, tout disparaît dans la mer et
on sait qu'on le verra dans dix ans.
Le bateau-fantôme n'apparaît qu'à
la veille d'une tempête, alors que la mer est à
son plus calme... Le vaisseau-fantôme, c'est un châtiment.
Et ce navire mérite bien le sort qui lui est fait.
On avait beau ne pas tenter le destin. L'équipage s'était
rendu coupable du rapt d'une jeune Indienne, sous les yeux
mêmes de sa mère, une sauvagesse sorcière
qu'au pays on appelle une taouille. Faut pas défier
les sorciers. La taouille s'est bien vengée. Le lendemain,
le bâtiment coupable périssait corps et biens
dans une tempête. Et depuis ce jour, à la veille
d'une tempête semblable, on revoit le bateau qui erre
sans âme sur les côtes, condamné à
brûler et rebrûler jusqu'à la fin des temps.
Cette légende me fut racontée
plusieurs fois par mes parents et autres.
Collections Huguette Bourgoin, 1979
Université de Moncton, Centre d'études acadiennes,
Fonds Catherine-Jolicoeur, 63.012
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