Le bateau-fantôme
Le bateau-fantôme, moi ce que j'ai entendu
dire que c'est un bateau qu'avait venu à Miscou. Là
il avait une réserve indienne. C'était le capitaine
Craig qui était à bord de ce bateau-là.
Pour venir à la côte là,
fallait qu'ils prennent un autre petit bateau. C'était
un homme de Miscou qu'avait été les chercher.
Quand ça été le temps de s'en aller ils
ont fait conduire par ce monsieur-là à bord
du bateau. Pis lui quand il a arrivé au bateau, il
entendait quelqu'un qui se lamentait pis qu'y criait à
bord. Lui, il voulait savoir qui cé qui faisait ça,
eux-autres voulaient comme pas. Toujours il a dit : «
Si tu me laisses pas regarder quoi cé qui fait ça,
je vais te jeter à la mer. » C'était un
homme qu'était costaud. Il a été obligé
de montrer qui cé qui c'était. C'était
deux Indiennes, ils les avaient cachées dans la cale
pis ils les avaient ligotées.
Ça fait il a dit : « Faut absolument
que vous les faites sortir de là ». Lui, il les
a prises, il les a amenées à son bateau, il
les a ramenées à leur tribu.
Les Indiennes ont dit à ce monsieur-là
: « Va pas sur la mer parce qu'il va venir une grosse
tempête. » Il a dit : « Ça se peut
pas qu'il ait une tempête, c'était ben calme.
» Elles ont dit : « En tout cas, il va venir une
grosse tempête pis ils vont périr. » Ça
fait comme de faite pas longtemps après il a venu une
grosse tempête. Ça l'air que le bateau du capitaine
Craig avait péri. Même lui le monsieur-là,
il y a un de ses hommes qu'avait péri pareil, que j'ai
entendu dire.
Ce bateau-là mon mari dit qu'il l'avait
vu lui quand il pêchait avec son père.
Là, ils entendiont des chaînes pis du bruit à
bord de ça. C'était ien que un paquet de feu.
D'après moi, c'est ça que j'ai
entendu dire du bateau. Ils appelaient ça le bâtiment
de feu. Les vieux appelaient ça le bâtiment de
feu.
Il y a cinquante ans passés quand ce
que moi j'ai arrivé icitte à Pointe-Alexandre.
Les femmes faisaient à peu près l'ouvrage que
les hommes font.
Les hommes étaient à la pêche.
Il emportaient le poisson. Les femmes eux-autres fallait qu'elles
lavent toute ça pis qu'elles mettent ça par
pile dans du sel. Après tant de jours fallait qu'elles
la lavent de nouveau, pis qu'elles la mettent à sécher
sur des vigneaults qu'on appelait avant ça. C'était
des branches qui mettait mais en dernier temps c'était
de la broche du wire, il mettait la morue à sécher
dessus. Fallait rentrer ce morue-là à toutes
les après-midis ou les mettre par pile quand il faisait
beau. Fallait tout le temps qu'ils guettent si y faisait pas
des orages. S'il y avait des orages fallait rentrer la morue
pour pas qu'elle prenait la pluie. Après ça,
ils mettaient ça dans des hangars exprès. Quand
ils voyaient que c'était sec, assez. Moi je me rappelle
ma belle-mère, elle avait un cheval pis elle chargeait
un trucky de morues; elle allait vendre ça à
Lamèque su Robin Jones. Su la terre les femmes, le
printemps, fallait épârer le hareng; on mettait
ça su la terre pour faire de l'engrais pour les patates,
l'avoine, n'importe quoi. Ce sont les femmes qui épâraient
ça. Dans l'été, ils prenaient quelqu'un
pour couper I'avoine. Les femmes eux-autres faisaient les
mûles, elles rentraient et soignaient toute ça,
pis héserber; ça passait l'été
dans le champ. Ça héserbait des grands morceaux
de patates, de navets pis de jardin. Les femmes travaillaient
aussi dur que les hommes dans ce temps-là, même
plus dur.
Philomène Noël (71)
Pointe Alexandre (Gloucester), NB
15 juin 1982
Université de Moncton, Centre d'études
acadiennes, Collections Germaine Chouinard,
Azilda Comeau
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