En 1535, lorsque Jacques Cartier aborda l'île qui porte aujourd'hui
le nom de Montréal, il y trouva des terres « labourées et belles ».
C'était celles d'un des peuples agriculteurs qui occupaient à cette époque
la région des Grands Lacs et du Saint-Laurent. Ces groupes se rassemblaient
dans des bourgades pouvant compter jusqu'à 2 000 habitants.
Les femmes assuraient la subsistance de la collectivité en cultivant ce
qu'elles appelaient « les trois soeurs », c'est-à-dire le maïs,
le haricot et la courge. Elles jouissaient de ce fait d'une grande autorité.
Pour leur part, les hommes pratiquaient la pêche et la chasse, dont les
produits venaient compléter l'alimentation végétale de base. Après quelques
décennies au même endroit, quand le sol se trouvait épuisé, ces peuples
déplaçaient leur village et défrichaient de nouvelles terres. Sur la large
ceinture de forêt boréale et de taïga qui parcourt le Canada du Labrador
au Yukon, ainsi que dans les forêts des actuelles provinces de l'Atlantique,
vivaient, disséminées, des bandes de chasseurs nomades.
L'environnement se prêtant peu à l'agriculture, ces groupes tiraient
l'essentiel de leur nourriture de l'abondante faune avec laquelle ils
partageaient les lieux. L'hiver, ils se dispersaient dans la forêt pour
traquer l'orignal, le caribou et de petits mammifères. Quand les beaux
jours arrivaient, ils se rassemblaient au bord de l'eau et s'adonnaient
à la pêche, à la chasse aux oiseaux ainsi qu’à la cueillette d'œufs, de
baies ou de racines. La forêt leur fournissait en outre un matériau précieux :
l'écorce de bouleau. Cette matière se prêtait à merveille à la confection
de divers contenants, des wigwams et, surtout, des indispensables canots.
L'explorateur George Catlin s'était émerveillé de
voir les canots des Chippewas qui, disait-il, « dansent sur l'eau,
aussi légers que du liège ».
Pour leur part, les nomades des plaines de l'Ouest vouaient un véritable
culte au bison. Cet animal leur procurait en effet tout ce dont ils avaient
besoin pour vivre à l'exception, comme ils le disaient eux-mêmes, de l'eau
pour étancher la soif et des perches pour construire le tipi. La vie des
chasseurs de bison s'améliora considérablement quand le cheval, introduit
par les Espagnols au XVIe siècle, fit son apparition dans les plaines
du Nord au XVIIIe siècle. Ils pouvaient désormais se déplacer plus
rapidement et transporter davantage de bagages.
Sur la côte du Pacifique, les peuples autochtones profitaient d'une nature
généreuse, dont la richesse première était l'abondance de saumons. Pour
eux, ces poissons n'étaient rien de moins que des hommes réincarnés qui
continueraient de s'offrir aux pêcheurs tant que ces derniers restitueraient
à la mer leurs arêtes. Côté mer, cette région leur fournissait à profusion
poissons, mammifères marins, oiseaux aquatiques, algues comestibles, mollusques
et crustacés. Côté forêt, elle recelait de ressources inestimables :
bois pour bâtir les villages, sculpter les embarcations ou les mâts totémiques;
laine de chèvre pour tisser; viande, baies, racines et champignons de
toutes sortes pour varier le menu.
Les Inuits de l'Arctique occupaient quant à eux de vastes étendues glacées
n'offrant ni protection contre les éléments, ni végétation comestible,
ni matériau de construction. L'extrait suivant d'un poème d'une mère inuite
traduit avec éloquence toute la précarité de la vie dans l'Arctique :
« La tempête de neige gémit à l'extérieur [...] Mon petit garçon
dort sur la planche [...] Son petit estomac est bien rond. Est-il étrange
que je pleure de joie? » Ces peuples réussirent néanmoins à survivre
dans ce milieu hostile et à faire éclore une culture unique, au sein de
laquelle l'art tient une grande place. À l'approche de l'hiver, ils se
dirigeaient vers la banquise, où les hommes harponnaient les phoques à
leurs trous de respiration. À la belle saison, ils chassaient le morse
ou le béluga le long des côtes et récoltaient les oeufs d'oiseaux marins.
Puis, quand l'été tirait à sa fin, toutes les familles s'enfonçaient dans
les terres pour chasser le caribou. Elles obtenaient ainsi la viande,
mais surtout les peaux, indispensables pour survivre aux grands froids.
Dans l'Arctique, les chiens méritaient bien leur surnom de meilleurs amis
de l'homme. Attelés à des traîneaux fabriqués à partir d'os de baleine
et de bois de caribou, ils facilitaient grandement les déplacements de
ces peuples nomades.